Dans la veine thrash death technico-progo violent, j'avais déjà bien pris cher avec le dernier Revocation, dont la chronique coup de cœur est parue dans ces pages il y a peu (ça se lit ici). Mais il fallait croire que je n'avais pas encore pris assez cher, puisque c'est à présent le dernier album des italiens de Illogicist que je me coltine avec plaisir. Et putain, de thrash death foutrement technique il est encore question ici ! Illogicist fait partie de ce genre de groupe qui joue bien mieux que la moyenne et qui aime le montrer. Mais ça ne fait pas tout, loin de là. Alors, énième resucée thrash technique sans âme ou vrai groupe de tueurs?
Comme bien souvent, la réponse se situe à mi-chemin. Tout d'abord, les italiens évoluent dans une veine tout de même un peu plus classique et moins agressive que celle d'un Revocation, d'un Sylosis ou d'un Vektor, qui savatent tout de même assez violemment. Ici pas de vocaux death, plutôt un chant old school mi-criard, mi-blackisant à la Dani Filth (en moins suraigu tout de même) et hélas assez relou à la longue, point de blast beat effréné non plus (ou si peu), Illogicist est plus scolaire dans son approche (en témoigne une piste comme "Ghosts Of Unconsciousness") . Pour autant, les mecs de la vallée d'Aoste ne sont pas non plus des jambons (Worst.Joke.Ever) et ne se contentent pas de proposer un énième album de thrash death progressif m'as-tu-vu blindé de solis et de plans injouables sans cohérence ni immédiateté. Certes il y en a plein (notamment sur "Perceptions From A Deceiving Memory"), mais tout est ici mis au service d'une vélléité d'écrire de vrais morceaux qui possèdent une identité forte, et surtout mettant à profit une véritable expérience de vieux briscards, les mecs étant tout de même dans la place depuis 1997. Pas les premiers venus donc, et ça s'entend dans leur musique, maitrisée de bout en bout. La recette de Illogicist, comme bien souvent dans les groupes insérant des éléments prog dans leur son, est de proposer des pistes assez longues, blindée de ponts et autres breaks instrumentaux où le chanteur n'apparait que très peu, ces interventions se limitant aux séquences plus « classiques » des morceaux (couplets et refrains quoi).
Le reste du temps, Illogicist aligne des plans entre thrash vénère et techno death que ne renieraient pas Death ou Atheist, avec une mention spéciale au bassiste, assez hallucinant de technique ("Ghosts of Unconsciousness" notamment) et très bien mis en valeur par une production au demeurant pas des plus flamboyantes : le son de batterie, notamment, est assez brouillon voire dégueulasse par instants (pas moyen de dire si le mec cogne sur un tom, sa claire ou sa grosse claisse, sur l'intro de "Hypnotised"par exemple). Sur les guitares, c'est beaucoup mieux, curieusement. Manque de moyens ou choix clairement assumé? Toujours est-il que celles-ci ont un son des plus intéressants, assez aigu voire blackisant ("Perceptions From A Deceiving Memory", "A Past Defeated Suffering") , tranchant et loin de la fatigante lourdeur des productions modernes. Bref, The Unconsciousness Of Living est, avant tout, un album de « cordeux », guitares en tête, basse ensuite qui a un rôle vraiment prépondérant dans chaque compo du groupe, puis chant et batterie, ici plus secondaires. Le problème majeur est finalement ce très incontournable manque d'immédiateté, d'une tube clairement identifiable, souci commun à quasi tous les groupes technos-progos-injouables de la scène, Obscura en tête. Trop compliqué, trop riche, pas assez de groove, ce dernier étant sacrifié sur l'autel de la virtuosité à tous les étages ("Misery Of A Profaned Soul" par exemple, finalement assez abscons).
Que dire de plus? Du classicisme, une technique fabuleuse, des structures très progressives sur base de thrash death classique, rappelant Atheist voire Communic, un panel de tempi et de variations assez hallucinant au sein des mêmes morceaux ("The Same Old Collision", "A Past Defeated Suffering"), un bassiste fou au jeu rappelant celui de Jeroen Paul Thesseling (mais si, l'ex-Obscura) ou du non moins fou bassiste de Neuraxis. Métalleux old-school de tous bords, vous pouvez tenter le coup les yeux fermés, vous aller kiffer. Pour la modernité et l'innovation (et un putain de bon chanteur) on repassera, mais pour le reste, on est pas loin d'être au top du genre. Un album de qualité, indéniablement.