Donner une définition de la beauté n’est pas chose aisée, elle peut prendre l’apparence d’une région ensoleillée, d’un trou noir où le néant est omniprésent, elle peut être le silence le plus complet ou le chahut le plus chaotique. Chacun d’entre nous choisit sa définition de la beauté, tant qu’elle nous réchauffe le cœur ou au contraire nous extirpe une larme mélancolique. La beauté est partout, et sous une infinité de formes différentes. La beauté présente s’appelle Moonlover.
Ghost Bath est passé assez inaperçu avec leur premier album Funeral qui, soit dit en passant, est absolument magnifique (une chronique suivra très prochainement). Qui sont-ils ? Aucune idée, apparemment ils proviennent des States, mais ce problème est minime. C’est au niveau musical que la difficulté se pose. Moonlover est un sérieux bipolaire schizophrénique avancé au stade ultime de sa maladie, les Américains jouent du Depressive Suicidal Black Metal/rock (ou DSBM pour les intimes), musique qui se veut dépressive et qui est censée vous enlever chaque miette de bonheur de votre âme. Make A Change… Kill Yourself, Lifelover, Vanhelga, etc… viennent directement à l’esprit. Ghost Bath n’est pas vraiment de cette trempe, ils vous laissent le choix, la musique est polymorphe, son apparence change en fonction de vos besoins, de vos pensées, de votre environnement, un peu à la manière de Woods Of Desolation mais dans un registre sonore différent mais en même temps similaire.
C’est à coup de riffs efficaces que ces messieurs vous toucheront ! En effet, on imagine facilement le quatuor autour d’une table, stylo-plume et papier à musique à la main, en cherchant, non pas à nous en mettre plein la vue avec six-cents notes à la seconde, mais à nous toucher, à atteindre cette zone qui va nous hérisser les poils, nous rappeler un souvenir douloureux ou au contraire jovial, nous donner ce frisson, vous savez ? Ce frisson inexplicable qui dure au grand maximum quelques secondes et qui nous apporte le bonheur le plus pur ? Celui qui nous donne l’impression surréaliste que pendant un court instant il n’y’a pas de problèmes ? Que tout est parfait, que personne n’existe, juste la musique et ce moment ? Telle est la quête de Ghost Bath. Et bon dieu, ils y arrivent. Ecouter Moonlover est douloureux, sincèrement, d’ailleurs votre dévoué réfléchit toujours plus d’une fois avant de s’envoyer cette misère, de peur que sa journée bascule de positive à négative, et l’exagération n’est même pas présente, c’est vous dire.
C’est sur une courte introduction mélancolique et nostalgique que s’ouvre ce Moonlover, l’ambiance se veut grisâtre et fragile, le poil est sur les starting blocks, prêt à se hérisser, le contraste dépression/espoir est déjà dans la bagnole, il nous attend et a déjà chauffé le siège. "Golden Number" s’approche, sur la pointe des pieds pour mieux nous prendre par surprise… Riff magistrale, impérial, aérien mais ô combien touchant, te voilà ! Il n’est pas seul, une batterie discrète mais efficace, sans fioritures, l’épaule. La voix s’occupe de déclencher ce lever de poils tant attendu, elle rappelle celle d’Austere, entre le cri apeuré, psychopathe et le souffle d’apaisement, elle vient du fin fond d’une caverne de cristal opaque et nuageux et est capable de baisser votre tension de quelques crans. Les structures des morceaux sont étudiées de manière à conserver une tension faible minimale, et à pouvoir reprendre de plus belle, on retrouve entre autre des traces de voix féminines éthérées et du piano pas trop kitsch, pas vraiment neuf dans le genre mais assez sympathique.
La perle de cet album se prénomme "Happyhouse" autrement, le titre juste après la claque que fut "Golden Number", décidément ils ont décidé de faire chialer (et c’est réussi). "Happyhouse" représente l’essence même de Ghost Bath, le riff est sensible, long, comme un boulet d’une tonne accroché à la cheville d’un homme se dirigeant vers le précipice d’une falaise, le voix est pleureuse, désespérée, tout est horrible. Le moment fort pointe son nez, une mélodie fantomatique, frêle et timide vient tout chambouler, pour notre plus grand plaisir, ou désespoir… C’est comme ça Ghost Bath, c’est difficile à expliquer et à supporter, chaque écoute est une épreuve. L’album s’aère (même s'il l’est déjà assez bien) de deux morceaux acoustiques marécageux pour nous préparer à une autre claque: "The Silver Flower pt .2" qui se veut peut-être plus lumineux que ses prédécesseurs, tout en restant dans la même trempe. "Death And The Maiden" conclut l’album de manière indescriptible, les mots manquent, je vous laisse la surprise… Cette fin. (larmes)
Ghost Bath signe donc l’œuvre ultime, un tableau triste, une personne en pleurs, mais qui conserve son sourire, froid et grisâtre, lumineux et teinté d’un jaune terne. Les termes manquent. Moonlover c’est ce jeune homme à qui rien ne sourit, celui qui ne veut pas connaître l’humain par peur de souffrir, ce jeune homme qui enfile son imper’ et qui se promène au crépuscule, quand tout s’endort à la recherche du calme le plus absolu. Ce jeune homme au cœur lourd de fatigue, qui cherche l’apaisement. Et l'a trouvé.