Maintenant basé depuis quelques temps à la Chaise-Dieu, il fallait bien qu’émerge un premier album de Peste Noire composé là-bas et qui montre une influence du lieu sur la musique. Dès lors que le sieur Famine révéla une photo de son chez lui, légèrement retouchée, en l’annonçant comme la pochette de l’album, votre serviteur a pensé au canular potache auquel nous avait déjà habitué le Monsieur dans ses interviews et sur son quatrième album. Que nenni, et quelques rebondissements plus tard, dont un split avec Diapsiquir de qualité plus que discutable, nous voici gratifiés d’un nouveau manifeste. Comme Devin Townsend, la formation a ses adeptes qui crient au génie avec chaque nouvelle sortie, et La Chaise-Dyable n’y fera sûrement pas défaut, malgré ce qui va être évoqué ici :
Le moins qu'il soit possible de dire est que la direction a bien changé ; ceux qui avaient été déçus par le hard-R.A.C. de "Dans Ma Nuit" devraient se préparer pour quarante-quatre minutes de musique dans cette veine. Pas que l’aspect black metal ait été balayé totalement, mais plutôt rendu punk à l’extrême. En résulte un album aux guitares sales, qui se rapprochent (trop ?) souvent de la bouillie, à l’exemple de ce qui est proposé sur "Le Diable Existe" ou "Payé Sur La Bête". Exit les riffs épiques qu’il était possible de trouver sur L’Ordure ou Peste Noire, exit les mélodies réellement chargées de désespoir, à quelques exception près. Tout cela fait place au vide musical, à la dissonance malvenue et au manque flagrant d’inspiration, n’est pas Deathspell Omega (tu peux arrêter de lire Decline) ou Blut Aus Nord qui veut. Black Metal ist vielleicht Krieg, aber Black Metal ist vor allem riffs. Quelques exceptions contrediront bien sûr un peu ceci, comme deux riffs d’un "Dernier Putsch", n’atteignant pourtant jamais les sommets qu’a pu tutoyer la formation, loin de là. Si les adaptations musicales de texte avaient donné jusqu’ici de bons résultats, de la Sanie jusqu’à Ballade, il faudra ici repasser avec un "Quand Je Bois Du Vin" qui se rapproche plus de la fin de tablée bien beauf que de la grandeur médiévale que trouvèrent un jour les mises en musique de Villon et Beaudelaire par Famine.
La principale nouveauté vient des textes qui traitent réellement de la vie de l’homme à tout faire, exposant à la vue de tous son quotidien. Autant le dire tout de suite, ce n’est pas brillant, et c’est justement le seul aspect qui confère à cet album un peu d’intérêt. Classé, à la façon d’un grand cru qu’il aimerait bien être, dans la case « black metal rural », Famine nous explique d’abord l’excitation que lui procurent les oies et tracteurs qui font du bruit près de chez lui, puis s’imagine révolutionnaire rural en train de « fendre la chatte à la République ». Que dire ? Mieux vaut ne pas repenser aux glorieux vers de "Des Médecins Malades Et Des Saints Séquestrés" ; cette époque est révolue. Sur le début du disque, le niveau est assez consternant, loin du propos intelligent que peut parfois tenir le personnage. Il faut donc attendre le triptyque "Le Diable Existe / A La Chaise-Dyable / Dans Ma Nuit" pour revenir à quelque chose de plus « décent » et surtout intéressant. Nul intérêt en effet dans le fait de lancer à l’auditeur, comme dans "Payé Sur La Bête" de l’extrait de film porno après avoir fait "Cochon, Carotte Et Les Sœurs Crotte". Sur les trois morceaux susmentionnés, la vie de Famine est enfin évoquée, de façon exhaustive, avec des strophes mettant à nu la neurasthénie causée par des paysages désolés et une vie, presque coupée du monde, d’ermite alcoolique. Si ce n’est par la musique, le texte remplit l’objectif et parvient à communiquer le sentiment amer qui correspond à ce milieu précaire et peu enviable. Indéniablement la seule réussite de ce nouveau disque.
Obligés de se raccrocher au peu que l’on a, on tente d’oublier que Peste Noire a déjà fait mieux, bien mieux, musicalement, et on se prend à le considérer pour la seule valeur littéraire de certains textes, vecteurs efficaces d’une partie de la France que la modernité ambiante nous fait oublier. Peste Noire s’en veut l’étendard, et à l’image de cette partie aujourd’hui considérée comme médiocre et peu importante, devient lui aussi un peu médiocre, et laisse à tout un chacun le loisir de se questionner sur l’importance qui lui était jusqu’ici donnée.