Nous ayant fait ses adieux en 2009 sur un album exploitant encore plus qu’avant le côté médiéval de Pet Haine, la Sale Famine de Valfunde revenait en 2011 avec un album. Mais discrètement : aucun communiqué, aucune annonce, dans la volonté habituelle de rester dans l’underground. Bon depuis il y a eu la création du label, la Mesnie Herlequin, qui trimballe fièrement sa page internet, le tout étant expliqué en détail par le bonhomme derrière Peste Noire dans une interview parue sur ladite page. Les réactions furent multiples. De nombreuses personnes furent divisées. Les avis négatifs fusèrent, de même que les positifs, pour une Ordure guidant le peuple qui ne semblait pas pouvoir concilier cette même populace. Paradoxe et opposition. A l’image du disque d’ailleurs. Peu l’avaient vu venir, et ils furent nombreux à être surpris, et parfois outrés.
Jusqu’à présent, les natifs d’Avignon nous avaient régalé (ou plutôt dégoûté pour coller au vocabulaire de Famine) d’un black plus ou moins raw, et aux influences médiévales assez évidentes. Ces influences n’ont pas totalement disparu dans L’ordure à l’Etat Pur, et transparaissent par endroit, comme par exemple dans "Cochon, Carottes, Et Les Sœurs Crotte" , misogyne au possible, mais d’une façon tellement extrême que ça en devient amusant. Car c’est là que le disque veut en venir : à la bouffonnerie pure et simple. Une bouffonnerie qui aura déplu à la frange la moins tolérante des pandas français, qui ne se sera pas gênée pour la conspuer copieusement. Le changement radical tient donc dans ce côté grand-guignolesque qui fait que la musique abandonne le simple carcan du black metal pour visiter les terres hostiles du punk sur "Casse, Pêche, Fractures Et Traditions", de l’indus sur certains passages de "Cochons, Carottes Et Les Sœurs Crotte", ou le bal musette. Famine ne cesse de le répéter : il fait ce qu’il veut. Et à voir ce résultat, ça ne fonctionne pas si mal.
L’Ordure à l’Etat Pur sort la beaufitude du français moyen dopé au pinard et au camembert et la mélange à ce terreau infâme si cher à la formation du Gard. "Sale Famine Von Valfoutre" est une véritable petite virée à moto avec un gang de blousons noirs, avec une description des divers forfaits de la bande. Et c’est plutôt jouissif, avouons-le bien. A noter également que faire l’impasse sur les samples serait oublier un élément primordial. Le choix est totalement épique : de l’extrait des Visiteurs qui surprend à la première écoute, à ceux de porno dans "Cochon…" à passer durant les manifs féministes, en n'oubliant pas celui à la fin de "Sale Famine…", totalement épique avec cet homme à l’accent marqué, censé représenter Famine. Même si on recense un nombre important de riffs intéressants, il faut noter que la grande gagnante du dernier Cas Péhène est la basse. Qu’elle ait le rôle de gigoteuse de bal musette dans le premier titre, ou en tant que soliste dans la conclusion de "La Condi Hu", la quatre-corde se taille véritablement la part du lion. Pour ne rien gâcher, précisons que la production d’actualité, qui donne à l’album son caractère urbain et tranche avec les précédentes réalisations, met l’instrument bien en avant.
En revanche, le chant de la Sale Famine a bien changé. Beaucoup plus punk, voire vomi, quand il n’imite tout simplement pas le coq, l’organe qui posait la Haine dans KPN s’est mué en un « alcoolique à teu-kré qui tient à la kro avec une pine de pin », pour le citer. Les paroles, également, ont subi une nette évolution : plus de reprises de poèmes d’auteurs renommés, que du fait-maison. Du genre, concocté par Tatie Germaine avec beaucoup de saindoux pour que ça passe mieux. Des textes eux aussi plus tournés vers le fou que ver le royco, avec tout de même un regain notable de niveau sur "J’avais Rêvé du Nord" avec quelques jeux de mots bien sentis : "Fos la septique, la Raie Publique, des Techno-crottes…" qui ne manqueront pas de tirer un sourire à ceux qui sont bon public. L’opus brille également par sa diversité, puisque chaque morceau se démarque des autres par un élément propre. Ainsi, en dehors du bal musette du premier morceau, on aura également droit à une virée dans le sud dans le troisième, ou à du black dépressif renouant avec la misanthropie habituelle dans le cas de la dernière piste.
Un opus très contrasté et diversifié, qui ne manquera pas de plaire aux plus barrés, très loin de ce qui s’était fait avant chez ce groupe. Un album auquel on revient assez souvent, de façon étrange. Car, d’un point de vue global, il est assez répugnant, entre un discours assez primaire, à prendre au 666ème degré, et une musique résolument moins porté sur le simple riff. Famine aurait-il enfin réussi à créer l’addiction totale à l’insane avec ce disque ? C’est fort possible.