La beauté fragile et éternelle de la nature ne laisse personne indifférent. Certains se contentent de la regarder par la fenêtre de la voiture, sans y prêter une réelle attention, d’autres la subissent en vivant dans un environnement rural. Et il y’a Drudkh, Winterfylleth, (moi) et Wiegedood parmi tant d’autres qui prennent plaisir à l’observer et à absorber les innombrables secrets qu’elle contient.
Wiegedood est le terme néerlandais pour le syndrome de la mort subite du nourrisson. Rien qu’en s’arrêtant là, le ton est donné. Le tragique côtoiera le dramatique, qui côtoiera lui-même la mélancolie et la tristesse infinie dans une atmosphère tendue teintée d’un sentiment d’urgence, le tout dans la solitude la plus complète. Il suffit de jeter un coup d’oeil à la pochette pour se rendre compte de la véracité de ces propos et de la puissance qui se déchaînera sur nous : un ciel chargé et orageux enveloppe les arbres peu nombreux et effeuillés gisant dans une plaine recouverte d’herbes cotonneuses incapables de résister à la moindre particule de vent, au centre, une construction sommaire de brindilles s’élève tel un drapeau marquant la présence passée d’un peuple primitif aux croyances païennes. L’atmosphère désolée qui s’en dégage est criante d’acuité et en parfaite adéquation avec la musique qui s’en échappera, Wiegedood ne fait décidément pas les choses à moitié. A ce stade, si la musique est aussi travaillée que le visuel il y a véritablement du souci à se faire. D’ailleurs le groupe n’a pas besoin de clip vidéo, c’est certain, leur musique est un visuel à elle seule.
Même si Wiegedood est influencé, voire très influencé, par Drudkh et Winterfylleth (les longs morceaux blastés, aux riffs trémolos faibles en nombre mais ô combien grandioses), les Belges apportent la touche unique que nous espérons. Bien évidemment, si Drudkh nous offre une vision de la désolation du passé ukrainien dans un cadre forestier et Winterfylleth expose la partie de son Angleterre intouchée par l’homme, Wigedood lui, décrit les paysages de la Flandre et le temps belge avec une précision sans pareil pour celui qui s’y reconnaîtra. Il est d’ailleurs intéressant de noter que cette différence de nation est marquée, chaque groupe est influencé fortement par sa terre natale, ils s'inspirent et s’enveloppent du parfum environnant pour en tirer leur vision et la partager, à la manière d’un sorcier capable d’embouteiller des sentiments, des paysages et des pensées. Même si la Belgique est reconnue pour sa scène hardcore et beatdown, je suis à présent heureux qu’une formation projète enfin l’exacte face cachée et magnifique du plat pays.
C’est dans un déluge venteux que Wiegedood nous accueil. "Svanesang", le plus long titre, synthétise l’univers dans lequel De Doden Hebben Het Goed souhaite nous plonger. Blast beats sauvages, trémolos gorgés d’espoir et voix éloignée hurlant vers le ciel, l’entrée en matière ne semble pas méconnue… C’est après un break acoustique long et tourmenté que les belges nous dévoilent leur talent : les riffs s’assombrissent pour devenir mélancoliques, voire lacrymogènes et la tension est à son maximum, l’âme quitte le corps et vous transporte vers des contrées (pas si) lointaines (que ça). La musique s’abstrait au fur et à mesure que l’auditeur s’imprègne de l’air et s’expose aux riffs, le vent est de plus en plus puissant, il fait frissonner et pleurer les rares feuilles des arbres et les herbes en formant des vagues au ras du sol. Les 40 minutes ne déçoivent pas, "Kwaad Bloed" reprend le flambeau en accentuant le côté anxieux et urgent de la musique, le souffle se voit incroyablement accéléré. Le titre éponyme fait office d’interlude, tout en mid-tempo, il délivre l’ambiance la plus désolée, vide et chargée d’émotions grâce au lead mélancolique au possible. Pas de mot à dire sur le final, qui vaut à lui seul, le 3/4 d’heure de perfection déjà écouté.
Wiegedood est bel et bien raccroché à la Church Of Ra (fleuron belge musical), l’influence d’Amenra et d’Oathbreaker est bel et bien présente sentimentalement parlant. Un black metal racé, aérien mais proche de la terre qui goûte la sève, les feuilles et les herbes sèches en premier lieu pour laisser place ensuite à l’amertume de la douleur, l’acidité de l’anxiété et la rudesse de le tristesse.