CHRONIQUE PAR ...
Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
19/20
LINE UP
Emperor :
-Vegard Sverre "Ihsahn" Tveitan
(chant+guitare+claviers)
-Tomas Thormodsæter "Samoth" Haugen
(guitare)
-Håvard "Mortiis" Ellefsen
(basse)
-Bård Guldvik "Faust" Eithun
(batterie)
Enslaved :
- Kjetil Tvedte "Earl" Grutle
(chant+basse)
-Ivar Skontorp "D. Ymer" Peersen
(guitare+claviers)
-Kai Johnny "Trym" Solheim Mosaker
(batterie)
TRACKLIST
Emperor :
1) I Am the Black Wizards
2) Wrath of the Tyrant
3) Night of the Graveless Souls
4) Cosmic Keys to My Creations and Times
Hordanes Land :
1) Slaget i Skogen Bortenfor / Epilog / Slaget
2) Allfáðr Oðinn
3) Balfár / Andi Fara / Prologr
DISCOGRAPHIE
Nuit de Noël 1993. Comme bien souvent, j’ai la grippe, ce qui ne m’a pas empêché de picoler. Depuis quelque temps, je fréquente un groupe de metalleux parisiens, dont le bouillant MkM, qui semblent vivre le black metal d’une manière plus intense que moi.
-Le black metal ? Ben c’est Bathory et Darkthrone, quoi. C’est super d’ailleurs, dis-je, avouant mon inculture.
-Tu veux dire que tu ne connais pas Emperor ?
-Euh… non. Enfin si, ils en parlaient dans Hard Rock Magazine il y a un an ou deux. Ils brûlent des églises ces cons. Leur musique doit être pourrie, non ?
Vu la gueule de MkM à ce moment-là, je crois que j’ai dit une connerie.
-Ils viennent de sortir un split CD avec Enslaved.
-Avec qui ?
-Enslaved.
-Connais pas…
-Commande-le donc, ce CD. C’est ahurissant !
-Ah.
Nuit de Noël 1993 donc. Je sens la fièvre monter, aidée en cela par le champagne et la nourriture pesante. Je dévisage le CD qu’Osmose m’a envoyé la veille. Artwork : pas gégène. Surtout celui d’Enslaved, illustration bonne pour un mauvais livre dont vous êtes le héros. Je soupire, vu que les amis me demanderont ce que j’en ai pensé, on va écouter tout ça. Je me dirige vers la chaîne stéréo. Ouh là… Ça tangue… Allons, voyons voir ! Et là, au fond de mon lit, dans cette chambre grande, froide, et sombre (sombre !), alors que la famille continue de festoyer en haut, je me prends la plus grosse claque musicale de ma vie. Bathory ? Darkthrone ? La blague. Ils sont battus à plate couture. Cette déferlante de haine enregistrée au fond d’une crypte une nuit de pleine lune est tout bonnement prodigieuse. Et les claviers… Utiliser les claviers pour du black metal… Quelle idée grandiose. Trépidant, grimaçant, hurlant, comment diable (c’est le cas de le dire) arrivent-ils en plus à faire que je trouve ça beau ? Hideux et beau à la fois pour être exact. Et puis ces blasts… Je pensais que ceux-ci étaient l’apanage exclusif du grindcore et du death. Morbid Angel, Napalm Death, Carcass et leurs amis. Quelle erreur. Tout est si bestial…
Mes amis ont donc raison, à une nuance près. Ils flashent tous davantage sur Emperor et quelque part, on ne peut pas leur donner vraiment tort." I Am the Black Wizards" et "Wrath of the Tyrant" arrachent tous sur leur passage. Mais le choc, le vrai, je l’ai eu avec "Slaget I Skogen Bortenfor", le premier titre de la partie intitulée Hordanes Land. Enslaved. Les samples de chœurs cheaps et inquiétants, les guitares qui grésillent et surtout, surtout ce « Ouah ! » sauvage du Comte Grutle… Rien que d’y repenser… La sauvagerie faite musique. La trilogie finale "Balfor / Andi Fara / Epilog", épique as fuck, morceau de bravoure de dix minutes environ, finit de sceller le pacte qui me lie avec cette musique pour les siècles des siècles, amen. On y découvre véritablement la marque Enslaved, cette envie de mêler brutalité et mélodies, quitte à sortir un peu du flot noir commun. Les claviers, étonnamment clairs, paraissent être joués par un moine défroqué dans une vieille chapelle abandonnée. Je ferme les yeux et essaie de dormir, sans succès. La nuit sera longue. La lumière reviendra-t-elle ?
Le disque fondateur d’une certaine conception du black metal, où les claviers sont des précieux alliés et pas un objet de moquerie. 1993 est LA grande année musicale, tout simplement. Celle de la réconciliation impensable quelques années auparavant entre musique extrême et mélodie. Le qualificatif « culte » a peut-être été galvaudé, mais ce split CD mérite totalement et absolument cette dénomination.