CHRONIQUE PAR ...
TheDecline01
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14/20
LINE UP
-Eheuje
(chant)
-James "Žertva" Leonard
(guitare+chant
-Grey
(guitare)
-Keithan
(guitare)
-Krameunière
(basse)
-Jean-François "JF" Wujek
(batterie)
Guests :
-Celui Du Dehors
(guitare+saxophone)
-Natacha
(contrebasse)
TRACKLIST
1) Introductions…
2) …in the Mirror…
3) Refect/Disappear
4) Purgatoire
5) The Fall
6) Absolution
7) The Eye of the Maieutic Art
8) Lifeless Visions
9) Death to Free Thinkers
10) Annonciation
11) Death to Socrates
DISCOGRAPHIE
Instant culture pour débuter. La maïeutique rassemble les techniques de l’accouchement (paraît-il). « Maïeutiste » est un terme n’existant pas dans la langue française qui fut proposé dans les années quatre-vingt afin de qualifier les hommes sages-femmes. L’Académie française mit fin à l’existence éphémère du terme en décidant que tous, homme ou femme, seraient des sages-femmes. Pour prolonger le plaisir de la culture, sage-femme ne désigne pas une femme qui possèderait une quelconque sagesse l’autorisant à accoucher, mais quiconque connaissant les techniques de l’accouchement et donc « sachant sur la femme ».
Belle introduction que voilà, et finalement dans le thème de l’album qui nous intéresse. Déjà, appeler son groupe Maïeutiste cela présuppose deux choses : être versé dans le vocabulaire français, ou vouloir le prétendre et appeler le versant ésotérique du metalleux, celui qui aime la poésie et les palabres compliquées. C'est pourquoi l’ouverture culturelle de cette chronique prend toute sa place et permet d’installer le groupe. Intellectuel ou intellectualisant, celui-ci ne se veut pas universel ou accessible à tous. Il faudra faire montre de curiosité pour accéder à ses vertus. Musicalement la remarque tient toujours. On parle black metal pour la présence évidente des riffs froids et des blasts ainsi que du chant raclé typique du genre, cependant les percées purement atmosphériques ou jazzy, voire doom et folk, sont tellement grandes qu’il est difficile d’enfermer les Stéphanois (oui, nos amis supporters des Verts seront ravis d’apprendre que le collectif vient de cette charmante bourgade minière) dans une case très précise. J’entends néanmoins la foule en liesse réclamer des points de repère. À juste titre, il faut constamment garder le cap, savoir où nous mettons les pieds. Mystic Forest et Deathspell Omega ? Ça vous parle ? Très bien, car du premier on retrouve un son global et certains riffs, du second les descentes de toms caractéristiques sur Fas ainsi que le chant. Pourtant, Maïeutiste traîne ses guêtres bien au-delà de ces carcans.
Gardez donc à l’idée qu’il ne s’agit là que d’indications. Indications utiles, cependant : ces deux groupes ne sont pas franchement réputés pour leur dogmatisme black metal. Au contraire, l’un comme l’autre aime à exploser les fenêtres. Cela convient parfaitement à nos amis Stéphanois. Toutefois ne vous attendez pas à de l’expérimental, ils ont très bien compris que le respect de certains codes mélangé à des styles différents est amplement suffisant à déporter l’auditeur hors de sa zone de confiance. Ainsi les parties black metal respirent le black metal et ses codes. Du tremolo, des blasts, des cris, une ambiance froide : tout y est. Les enchaînements avec les passages atmosphériques, voilà bien ce qui caractérise Maïeutiste, et peut parfois rappeler le Merkur de Klabautamann. Entité ambivalente qui cherche à se démarquer tout en faisant appel aux grandes lignes bien connues. L’effort est louable, d’autant que les aspects black metal sont parfaitement maîtrisés, non sans rappeler le mélodique du vieux Cradle of Filth (sans les claviers). Comme les transitions avec la musique plus ambiante sont fluides, nous faisons face à un album qui donne du grain à moudre. Corollaire, ce grain à moudre touchera en premier lieu les amateurs de nouvelles expériences.
Voilà une des premières limites de ce disque auto-nommé, et déjà évoquée plus haut, sa volonté un peu élitiste. Cela pourra en refroidir plus d’un, de toute manière chacun partira dans un terrain connu, il n’y a pas de cachotterie. Deuxième limite, physique. Après l’esprit, le corps, il faut en effet savoir que l’exigence n’est pas qu’intellectuelle, elle est également temporelle. Avec une heure et seize minutes au compteur, impossible de conseiller ce disque à n’importe qui. L’amateur d’immédiat ou même celui qui ne jure que par les enregistrements concis sera mis à mal. Est-ce un mal ? Libre à chacun de mettre son curseur, mais la donnée est là, inévitable. De toute manière, depuis le début les Français n’ont fait que mettre des bâtons dans les roues. Non leur musique n’est pas pour tout le monde, non elle n’est pas prémâchée et oui il va falloir en chier pour la mériter. Fort heureusement, la récompense est présente. Les efforts ne sont pas vains et finiront couronnés. Toutefois le couronnement risque de ne pas être total. D’une, les errances atmosphérico-jazz pèsent de tout leur poids, la longueur totale de l’objet n’aidant pas. De deux, si les attaques black metal sont certes réussies, elles ne rejoignent pas la cour des grands. Vous direz à raison que l’objectif n’est pas de séparer les deux, mais bien leur communion. Seulement pour que communion il y ait, il faut que les éléments séparément soient de qualité.
La qualité justement, ce disque en est bourré. De l’ambition, de la démesure même. Maïeutiste ne se refuse rien et peut-être même a oublié de se refuser. L’album est grand, trop grand probablement pour la majorité des auditeurs. Une frange de la population amatrice de poésie déstructurée pourra s'y plonger corps et âme. Les autres plus terre-à-terre se contenteront de trouver la musique bonne, les transitions bien trouvées et l’ambiance globale très intéressante. Seulement la difficulté d’ingestion du tout et son presque élitisme font regretter que le groupe n’ait pas (un peu) condensé le propos pour appuyer plus fort encore son côté dual.