- Le metal, tu vois, c’est pas compliqué. C’est même très simple, en fait.
- Ah.
- Tu fous du riff, des solos, des refrains en béton, et le tour est joué. C’est simple.
- Si tu le dis.
- Simple, mais pas simpliste, tu vois ? C’est un peu comme Federer.
- Ah ben voyons, Federer. Qu’est-ce qu’il vient foutre là, lui ?
- Quand tu le vois jouer, t’as l’impression que c’est simple. Mais en fait, c’est compliqué.
- ??
- Ben oui, très compliqué même. A ton avis, il a combien d’heures d’entraînement derrière lui pour arriver à faire des coups aussi simples ? Un peu comme Sampras aussi, tu vois ?
- Franchement ? Je préfère encore quand tu me parles de metal.
Il y a des gens aigris qui ne savent pas reconnaître de bons sujets de conversation. Si ce metalhead avait eu un interlocuteur un peu plus sympathique – comprendre : qui lui donne la réplique - il aurait pu donner le dernier Unchained comme exemple de son propos – exemple, que dis-je ? « parangon » serait le terme le plus approprié ! Le premier album des fans de Cyril Rool, Oncoming Chaos, sexy en diable, privilégiait la spontanéité, et on peut conjecturer que les morceaux qui le composaient ont demandé un temps d’écriture standard. En revanche, m’est avis que ce Chasing Shadows a dû être plus long à écrire que son prédécesseur. Certes, Unchained n’a pas troqué son death mélodique pour du prog, mais, justement, je suis convaincu qu’écrire des titres pas très longs, mais pas très courts, à la structure classique certes, mais au contenu varié, réussissant le pari de présenter un registre faramineux de riffs différents orchestrés de manière cohérente, eh ben, ça doit pas se faire en dix secondes. Hormis l’initial "No Lessons Learned", en dessous du reste de l’album, les huit autres vrais titres sont sans aucun doute de classe mondiale.
Ils permettent au jeune auditeur ébahi de découvrir du death metal estampillé début 90s, où les guitares, autant rythmiques que lead, sortent le grand jeu et forment avec Pierre, le hurleur aux multiples facettes, un fantastique trident, directement pointé sur la nuque du fan se voyant dans l’obligation toute mécanique de headbanguer pour les siècles des siècles, amen. Ça, c’est pour le jeune con. Et pour le vieux schnoque ? Ben le vieux schnoque, il prend son pied. Il salive à chacun des savoureux phrasés des guitares leads, souvent maideniennes, mais pas toujours. Il se remémore les anciens groupes tombés dans l’oubli – Massacra ou Protector par exemple - utilisant ce rythme presque blasté, mais pas tout à fait, qu’Olivier aime asséner de temps en temps, sortant ainsi du mid-tempo marquant le rythme global de l’œuvre. Il s’agenouille devant l’efficacité monstrueuse des melodeath "Black As Your Soul" et "Room 237". Et puis surtout, il sourit devant un album aussi plein, qui traduit la réelle envie de jouer et de se faire plaisir de ses membres. Il se gausse également de sa déception initiale de ne pas trouver ici des titres über catchy à la "No Scapegoat To Blame" ou "Freedom Through Fire", maintenant qu’il a apprivoisé le contenu de cet album de garde – comme un vin de garde, mais en version musicale, superbe image, non ? Non ? Ah tant pis… - et qu’il fredonne un peu à l’avance les multiples interventions des guitares, fidèles héritières du metal éternel.
Quand tu te réjouis à l’avance de ré-écouter chacun des titres, c’est que le pari des musicos est gagné. Unchained propose ici un florilège du death metal mélodique, old-school mais en aucun cas désuet - simple mais pas simpliste, old-school mais pas désuet, vous me suivez ? Chasing Shadows s’appréciera en mode initiation ou en mode souvenir selon le cas, mais il est fort à parier que dans les deux hypothèses, il se consommera sans modération. Du riff, du lead, du growl, envoyés par packs de douze. Comme au bon vieux temps. Que demander de mieux ?