Tolstoï a écrit Guerre et Paix, Albin Julius et Alzbeth ont écrit Guerre et Guerre. Un roman en cinq tomes et plusieurs autres récits. Le quatrième tome nous éloigne de l’Angleterre et de la France pour nous parler du pays dont le drapeau à damier décore ce petit bijou qu’est Were You of Silver, Were You of Gold.
Petit bijou, oui. Petit mais costaud. C’est d’ailleurs peut-être le seul point commun entre ce mini-album « croate » et le bonbon Petit Pimousse. L’œuvre du terrible duo n’a pas grand-chose de sucré. Il ne colle pas aux dents non plus, mais sa digestion dure plus longtemps. En réalité, elle dure toute la vie. Da si od Srebra, Da si od Zlata a beau être riquiqui en comparaison avec ses deux prédécesseurs, chaque écoute révèle une nouvelle nuance tant dans la voix d’Alzbeth, extraordinairement à l'aise, que dans les compositions. Commencé de manière très classique, avec un titre mélancolique et la version rêveuse d’Alzbeth, l’œuvre devient rapidement folk. Quelque part, vu que l’album parle d’un peuple et de son histoire, il est logique que tout sonne folk. Pas folk à la Bob Dylan, ni à la Negura Bunget. Non, du chant populaire, éventuellement a capella ("iv" et "vii"), parfois en croate, ou accompagné de sonorités qu’on imagine « d’époque ».
Le duo conserve toutefois son côté hautement hypnotique ("iii") et sombre. Voire très sombre. Très, très sombre, même. Je veux bien sûr parler du cinquième titre, pièce maîtresse du répertoire du groupe. Normal que ce titre se soit paré d’un manteau noir, quand on sait qui est la personne évoquée -le très jovial Ante Pavelic. L’évocation d’une figure aussi obscure transcende le chant d’Alzbeth, plus hanté que jamais, soutenu par une instrumentation ténébreuse et saisissante. Sans aucun doute, le moment d’apothéose de ce conte musical, prenant du début à la fin. Alors, bien sûr, on peut regretter l’absence des plages ambient qui colorent si bien Amara Tanta Tyri et A New Soldier Folows the Path of a New King, mais cette œuvre tire justement son pouvoir de cette concentration inédite de la force occulte qu’a démontré The Moon Lay Hidden Beneath A Cloud tout au long de sa carrière.
Were You of Silver, Were You of Gold, c’est la version musicale du conte qu’on lit pour terrifier les enfants pas sages du tout. Ceux qui ont fait de grosses bêtises. Officiant dans un registre plus folk et moins ambient que les albums précédents, l’immersion du groupe dans l’histoire croate est diablement imagée et terriblement impactante. Encore un chef-d’œuvre.