Des rock-operas, on en a bouffé ces dernières années. Depuis Avantasia premier du nom, s’il ne faut pas remonter plus loin, la mode ne semble toujours pas s’être épuisée, contrairement à l’effet de surprise. Donc venant de deux entités relativement peu reconnues du milieu, la suspicion est légitime. Car Neverland, c’est la rencontre entre la chanteuse grecque Iris Mavraki et la formation turque de power Dreamtone, ce qui ne suffit pas pour faire de l’album un opera, certes. C’est pourquoi il a fallu s’adjoindre la présence de quelques personnalités.
Ces personnalités, citons-les une bonne fois pour toutes : Hansi Kürsch (Blind Guardian), Tom Englund (Evergrey), Mike Baker et Gary Wehrkamp (Shadow Gallery), ainsi que l’orchestre philarmonique d’Istanbul. Bon, ça ne fait pas énorme, mais avec des noms pareils, il y a matière à travailler. Alors quelle n’est pas la surprise de l’auditeur, au lancement du CD, de se trouver nez à nez avec un "Shooting Star" des plus banals, et qui plus est, mal chanté et refoulant le Nightwish ou encore le Iron Maiden mal pompés avec une touche de symphonie assez douteuse. Passé ce gros coup de frayeur, la surprise est d’autant plus grande de tomber ce coup-ci sur "To Lose the Sun", dont le début laisse à l’orchestre l’espace d’exprimer sa finesse, suivi d’un moment hautement épique avec Kürsch à la baguette, qui évidemment fait des merveilles. Sans doute d’ailleurs qu’un refrain pareil n’aurait pas eu le même impact avec un autre derrière le micro, mais puisqu’il est là, ne boudons pas notre plaisir, et profitons de ces changements de rythme assez judicieux proposant une aération bienvenue pour une composition cette fois-ci plutôt réussie.
Du coup, après ça, on ne sait plus trop sur quel pied danser. Faut-il sauter tout de suite la piste suivante ? Et bien, si c’est pour entendre la voix peu maîtrisée et sans personnalité de la chanteuse en titre Iris Mavraki, oui, pourquoi pas ! Pourtant, les arrangements symphoniques semblent être cette fois-ci plutôt réussis, mais vocalement, bof. Bref, la suite ! Tiens, un début plutôt calme, avec des guitares mélodieuses enrobées d’un orchestre délicat, suivis par un piano qui n’aurait pas dépareillé dans un Final Fantasy, puis par… Iris Mavraki. Dommage, on a cru un instant que l’alternance bonne surprise/mauvaise surprise serait respectée tout le long. Bon, on ne parlera pas de désastre, mais plutôt de frustration, tant le tout tient la route instrumentalement parlant. Mais pourquoi cette voix ? Puis les titres défilent et l’on se rend compte que l’orchestre est tout de même plutôt bien utilisé, évitant de pomper allègrement les pointures du genre, comme la piste d’ouverture ne le laissait pas deviner, et ne faisant donc pas dans le symphonico-grandiloquent à la Nightwish ou Rhapsody, préférant s’insérer plus délicatement dans les conduits auditifs.
Vous aurez également compris que, preuve de bon goût malgré tout, les meilleurs titres ont été laissés aux guests. On se demande même encore une fois si ces titres ne sont pas simplement meilleurs par contraste au niveau vocal, mais le fait est là. On passera donc également un bon moment à l’écoute du titre éponyme, mené par Tom Englund qui s’en sort plus honorablement, même si le style lui sied moins qu’Hansi, dans une composition encore une fois assez soignée, où la place du piano rappelle encore une fois les compositions de la saga de jeux vidéos de Square-Enix. Niveau instrumental, le tout tient debout sans trop de problème, et chaque partie tient sa place sans bousculer l’autre. Quelques passages sont simplement beaux, à l’image du break "Black Water" ou la guitare dans son plus simple appareil vient chatouiller l’oreille d’une belle mélodie, sur laquelle la flûte se pose sans heurts. Au risque de se répéter, mais au moins ce sera clair, quel dommage que cela s’enchaine avec des chœurs douteux et mal chantés. Puis… à nouveau un passage instrumental sympathique. On se rend finalement compte avec tristesse que la place laissée aux guests est assez faible, puisqu’ils ont simplement droit à un titre complet chacun, plus quelques bouts ici et là.
Comme pour appuyer le regret et la frustration que provoque l’écoute de Reversing Time, celui-ci se termine sur un instrumental sympathique qui ne nous impose donc cette fois pas les errements vocaux de la majorité des autres titres. Car le défaut principal de Neverland, c’est bien de ne pas avoir des voix à la hauteur de ses ambitions musicales, ce qui est bien malheureux compte tenu du potentiel palpable derrière certains passages bien sentis. Mais s’agissant a priori d’un premier album, l’aventure ne s’arrêtera peut-être pas là.