Chronique : Ars Moriendi Le silence déraisonnable du ciel (2021)

CHRONIQUE PAR ...

Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021

Sa note : 16/20

LINE UP

-Bastien "Arsonist" Mailhot
(tout)

TRACKLIST

1) Savonarole
2) Brescia 1512
3) Le viatique et l'oraison
4) Un néant à l'égard de l'infini
5) Enivrons-nous

DISCOGRAPHIE

L'Oppression Du Rien (2008)
Le silence déraisonnable du ciel (2021)
Lorsque les coeurs s'assèchent (2023)

Ars Moriendi - Le silence déraisonnable du ciel

(2021) - black metal - Label : Archaic Sound

-« Réalisez une étude comparative des agonies de Jeanne d’Arc et Gilles de Rais sur le bûcher. », « Quels sont les principaux troubles digestifs ayant frappé les Parisiens cannibales pendant la Commune ? » … Monsieur Arsonist… Vous ne croyez pas que vous exagérez un peu ? Vos élèves sont traumatisés, j’ai leurs parents sur le dos, et je ne peux les blâmer ! Que pensiez-vous donner comme nouveau sujet d’étude ?
-« Techniques d’éviscération sous Torquemada ».
-J’avais plutôt pensé à l’analyse détaillée des fractures infligées à Savonarole en prison…

L’histoire et le black metal ? Une grande histoire d’amour ! Il faut dire que l’humanité a une imagination dé-bor-dante dès qu’il s’agit de faire du mal à autrui. Alors, imaginez ce qu’il se passe quand un spécialiste des deux sujets illustre ses compositions par des faits sordides, majeurs ou mineurs, tirés de notre merveilleux passé… Ça donne Le silence déraisonnable du ciel, une sorte d’ode crasseuse à la barbarie. Arsonist nous hurle la fin de Savonarole, la malédiction ayant frappé les soldats français qui ont participé au sac de Brescia en 1512, ou le lynchage et massacre d’un noble par des villageois sous le Second Empire. Le Second Empire, parlons-en. Cette période particulièrement obscure colle parfaitement aux évocations musicales osées par Ars Moriendi. Mouvementé, parfois alambiqué, toujours sombre, le sixième album du one-man band s’évertue à plonger l’auditeur dans une sorte de contemplation sordide, mais également à rendre son écoute agréable, paradoxalement. Car sous l’horreur, se cache une grande musicalité.
Pas de trve black monolithique par ici. Le black metal d’Arsonist est à l’image du fan de metal qu’il est : éclectique, versatile, voire virevoltant. À l’image de L’Éclat du Déclin, autre one-man band francophone, l’artiste aime varier son propos, nous surprendre par des changements de direction soudains, ou des sonorités imprévues. L’excellent "Brescia 1512" nous gratifie d’un break apaisé, presque jazzy, absolument inattendu, mais parfaitement intégré à la composition, avant que des chœurs achèvent de donner une couleur très particulière au titre. On retiendra également la très bonne ouverture qu’est le poisseux "Savonarole", qui a le mérite de faire immédiatement saisir à l’auditeur la teneur de l’œuvre. Je goûte un peu moins la seconde moitié de ce Silence déraisonnable. Non pas que "Le viatique et l’oraison" ni le pascalien "Un néant à l’égard de l’infini" me déplaisent. On y retrouve cette créativité foisonnante propre au projet, mais le lyrisme me paraît un peu plus forcé, et les enchaînements, moins fluides. "Enivrons-nous" met une musique sur les mots de Baudelaire et termine ce terrifiant voyage par une note plus post-rock, un peu à la manière des Bisontins de Féroces. Il fallait bien un peu de paix pour se remettre d’une épreuve pareille.

Le silence déraisonnable du ciel est une œuvre personnelle, réalisée par un amoureux du metal, et de la musique en général. Si l’affaire se veut sordide, elle s’avère également variée, parfois déroutante, et toujours très imagée. Tentez ce voyage en enfer, vous ne serez pas déçus.