Depuis quelques jours, elle trouvait ses nouveaux amis inquiétants. Avait-elle bien fait d’accepter l’invitation ? Ce village de l’arrière-pays génois ne lui inspirait pas confiance. Ses habitants la dévisageaient. Le curé ne respirait pas la bonté, lui non plus. Elle s’en ouvrit à Gianfranco. Il regarda les autres puis lui adressa un drôle de sourire. Alors, elle prit peur.
-Tout ça, là ? Ces tentures pourpres, cet accoutrement, c’est pour rire, Gianfranco ?
-Oui, bien sûr… C’est pour rire…
Oui, bien sûr, Abysmal Grief, c’est pour rire. Tout ce kitsch, c’est pour rire. Les pochettes inspirées des giallo, les claviers aux sonorités scooby-diennes, c’est pour rire. C’est trop gros. C’est trop gras, comme cette rythmique lourde, omniprésente, que les Gênois nous offrent systématiquement sur l’ensemble de la discographie, sans jamais changer de formule, c’est pour… Non, parce que, faire un split CD avec Abhor, fuir les réseaux sociaux… Et la qualité des compositions, les accents un peu Attila de la voix du chanteur… C’est pour… rire ? Funeral Cult of Personality est le sixième album du prolifique groupe qui multiplie également les EP et les split albums. Comme dit ci-dessus, Abysmal Grief est fidèle à la ligne qu’il suit depuis Ferretri - les deux premiers albums sonnant plus raw. Du gros son, du gras son, du mid-tempo, un chant un tantinet pété, mais parfaitement adapté, et des claviers. Des tonnes de claviers, partout, tout le temps. En mode cheapo-inquiétant. Ça sent la monotonie à plein nez, n’est-ce pas ? Eh bien non ! C’est la force du groupe. Il se répète sans ennuyer.
Comment procède-t-il ? Il possède trois arguments clefs. Un : la perspective cinématographique. Rien à voir avec Hypno5e et ses références raffinées. Pas de Cocteau, pas de Camus. Là on est chez les Bava, chez le Dario Argento d’avant l’émigration aux US. Les albums intègrent voix-off et passages imagés, sans non plus en abuser. Parfait pour mettre dans l’ambiance, sans non plus diluer le propos. Deux : la rythmique, dedieu ! Une lourdeur non pachydermique qui fait remuer la tête de n’importe quel doomster. Les incrédules n’auront qu’à écouter l’instrumental "Reign of Silence" - avec voix-off en français, s’il vous plaît - pour s’en convaincre. Trois, last but not least : la qualité des compositions. Il s’agit peut-être d’une évidence, mais sans la facilité de Regen à produire du riff qui tient la route - pas novateur, certes, mais diablement (lol) efficace -, et à composer des mélodies inquiétantes pour nourrir les synthés, leur art tournerait sacrément en rond ! Sans ce savoir-faire, le pavé qui clôt l’album s’apparenterait à un via crucis, mais il n’en est rien. Tout comme le très catchy "The Mysteries Below", l’entêtant "This Graveyard is Mine" ou le mystérieux "Idolatry of the Bones", qui intègre lui aussi un violon garanti 100% train fantôme, "The Grim Arbiter", plus lent que ses camarades, développe son atmosphère étouffante et vous conduit directement vers l’autel.
-Tout ça, là ? Ces tentures pourpres, cet accoutrement, c’est pour rire, Gianfranco ?
Profondo Rosso, c’est pour rire ? C’est vous qui voyez. Funeral Cult of Personality développe une atmosphère spéciale et envoie du lourd. Trop kitsch ? Possible. Personnellement, les albums du groupes tournent en boucle depuis quelques semaines sans que je m’en lasse. Merci, Gianfranco.