Mais plutôt que de faire peser l’attente sur le résultat, mieux vaut ne pas en faire un argument. La déception sera alors systématique. C’est ce qu’on peut se dire en écoutant le dernier album de Negative Plane. Cela fait, au total, onze ans entre Stained Glass Revelations et The Pact.... Et encore, il est possible de ne pas compter les deux ans perdus avec la pandémie du coronavirus. Fort heureusement, Edward Miller put les mettre à contribution pour peaufiner l’album, écrit de 2012 à 2020. Entre temps, il subit ce que plein de groupes ont et qui peut les arrêter : l’angoisse de tourner en rond. Le problème, c’est que c’est souvent le signal de fonder un groupe… afin de faire la même chose. Pas vraiment avec Occultation, mais certains riffs et solos sur Silence in the Ancestral House font penser à Negative Plane. Qu’à cela ne tienne, le travail continue et illustre une fois de plus la volonté du black metal de se renouveler niveau musique et concept. Les années 1990 étaient juvéniles, spontanées, et le public y voyait quelque chose de nouveau, intense. Spirituel même. Aujourd’hui, il faut creuser plus niveau concept. Nameless Void décide de sortir le grand jeu, ou plutôt le cliché habituel quand on veut impressionner : le concept album. Des groupes comme Ruins of Beverast, Blut Aus Nord ou d’autres sont passés par là, mais n’avaient pas l’impression de raconter une histoire. Ici, on parle d’une légende faustienne : une église est construite, mais son curé est mis au défi par le démon. Il tente sa chance, le diable encaisse, et les descendants se sentent maudits. Les arrangements sont à la hauteur : quelques chœurs, quelques cloches et un violoncelle qui n’en fait pas des tonnes.
"The Wailed of the Immured" pourrait être l’intro de l’album, mais Nameless Void choisit de faire autrement : cette fois, il va balancer la purée d’entrée de jeu. "A Work to Stand a Thousand Years" donne le ton : mélodieux, sombre, speed, agressif, monumental. Cela dit, hors de question d’en faire autant que sur Stained Glass Revelations. À commencer par la production qui s’est enfin calmée sur les effets. La prise son a un meilleur travail et, selon Nameless Void, le sonorisateur leur a proposé une technique issue de la Motown sur l’équilibre entre cordes, percussions et voix. On serait bien tenté de le croire tant la voix est réverbérée, sans l’écho un peu envahissant. "Even the Devil Goes to Church" rappelle les grandes heures d’avant l’immense pause. Tordu, étrange, sombre, presque grandiose comme sur "The Chaos Before the Light" ou "Angels of Veiled Bone" sur Stained Glass Revelations. Un défaut qu’on serait tenté de pointer serait la suite de la voix. En lisant le livret, des titres comme "The Other Door" ou "Even the Devil Goes to Church" (un titre inspiré d’une phrase d’un vieux à propos de Nameless Void quand il entra dans une église) font apparaître des dialogues entre les personnages. Il faudrait plusieurs chanteurs, mais faire les vocalises permet d’atténuer ce défaut. On peut aussi parler des décalages entre le texte et la musique, un anicroche insignifiant cela dit vu qu’il n’apparaît que quelques fois. "And It Came to Pass", le plus long titre, évite au groupe de se répéter dans son travail en amenant le groupe vers la mélodie, une atmosphère plus posée, moins grandiloquente qu’auparavant.
Le retour de Negative Plane tient toutes ses promesses malgré les doutes de son fondateur. C’est peut-être une leçon à retenir : en rajouter des caisses sur son metal peut certes attirer. Sauf qu’au bout d’un moment, il faut faire certaines concessions. Avec son vieil ampli Peavey, Edward Miller parvient à garder un son assez différent, un équilibre au niveau des instruments et une identité au fur et à mesure. La pochette, trouvée par Bestial Devotion, rappelle même Master’s Hammer, montrant une fois de plus l’idéal quand le reste du milieu finit par lasser. Au fait, que veut dire Negative Plane ? Aucun rapport avec les avions mais les couleurs sombres en arrière-plan d’une peinture.