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CHRONIQUE PAR ...

98
Tabris
Cette chronique a été mise en ligne le 07 mars 2024
Sa note : 17/20

LINE UP

-Jekyll Jones
(chant+basse)

-Lunar Black
(chant)

-Zoskia Zeraphis
(choeurs)

-Simon Unknowne
(guitare+claviers+batterie+programmation)

-Carl David Natanael Andersson
(guitare)

Ont également participé à l'enregistrement :

-Emma Andersson
(voix sur "Avresa Från Stockholm")

-Gary Wayne Holt
(voix sur "Inner Demons")

TRACKLIST

1) Avresa Från Stockholm
2) Possessed
3) Inner Demons

DISCOGRAPHIE


Gangs of Old Ladies - Death Magic Volume One



For English version scroll down

« I live for the tiny eruptions of magic interspersing the nothingness, the small flickering flame occasionally stirring the wasteland of ash. To delve deeper into all that can not be expressed with words » Cette jolie citation est extraite d'une conversation au long court qui a duré trois ans et qui s'est éteinte le 14 septembre de l'année 2022. En mémoire de son auteur, je vous propose de découvrir l'une de ces éruptions de magie qu'il aimait à voir jaillir, quelque chose qui n'est ni d'avant, ni d'après, mais hors champ. Je vais vous parler d'une composition qui s'offre autant comme un vibrant hommage à un ami disparu et musicien de talent, le prolongement d'une inspiration commune, mais aussi une mue de serpent, celle d'un groupe en deuil de l'un de ses membres mais qui se plaît à défier bien des idées reçues et conquiert de nouveaux territoires avec une pleine maturité. Death Magic Volume One est en effet quelque chose qui transcende, et cette idée aurait probablement beaucoup plu à David Andersson.

Avec Death Magic Volume One, Gangs Of Old Ladies nous présente ainsi trois nouvelles compositions musicales de très belle facture, dont la découverte se complète merveilleusement une fois encore par un ensemble de textes publiés en amont, en totale résonance avec la musique. Si la formule peut sembler quelque peu la même sur le papier qu'avec The Anthology of Sonic Chemistry and Demonology Volume one, l'alchimie qui s'en dégage est elle, tout à fait nouvelle. Tout d'abord, nous ne plongerons pas cette fois-ci dans la fiction à la faveur de nouvelles horrifiques, les textes que je vous invite à lire pour accompagner votre écoute sont en effet des poèmes coécrits par Jekyll et David durant l'hospitalisation de ce dernier. En effet, les deux très proches amis ont entretenu de riches échanges durant les mois qui ont précédé la disparition de David et une parcelle de cet intense partage, nourri de science, de physique quantique, de philosophie, d'un mépris non masqué pour toute forme d'obscurantisme, à commencer religieux, et bien entendu de musique et de projets, se traduit dans ces textes très forts. Très personnels également. Tirant les mots parfois jusqu'à un degré d'ironie mordante, les deux poètes ont joué sur les figures de style, usant de l'antinomie pour symboliser addictions et états dépressifs comme autant d'entités confinant à la fascination religieuse, brandissant l'étendard du paradoxe sur les visions de délivrance et d'épiphanie, jetant la confusion sur chaque figure convoquée, plongeant le lecteur au cœur du trouble. Sous le mirage d'une glorification des états, ils ont su sublimer toute la complexité d'un univers où tout n'est précisément plus que désaxement et tourment, qui jamais ne saurait se limiter à une opposition simple et tranchée, noir et blanc. La lecture de cette poésie de funambules est doublement inspirante : d'une part, elle est en parfaite résonance avec l'esprit qui imprègne la musique et les lyrics de Gangs of Old Ladies, et d'autre part, elle porte une vision saisissante d'un contexte vital, bien réel, une vérité source à la fois de douleurs et de créativité perpétuelle, avec en arrière plan une promesse mutuelle et motrice d'aller de l'avant. Et la complicité intuitive des deux auteurs se ressent tant et si bien que leurs écritures se confondent en une seule voix dans chacun de ces éloquents poèmes.
Côté musique, les trois morceaux qui composent Death Magic Volume One sont aussi bien des compositions autonomes qu'un ensemble lié par un fil rouge subtil, Simon y a veillé. L'ouvrage s'introduit tout d'abord d'une piste instrumentale qui crée une surprise totale dans l'univers que nous connaissons de Gangs Of Old Ladies. Car loin de lancer les hostilités par le truchement d'un assaut death/extrême, le groupe se fend au contraire d'un morceau mélancolique, hypnotique et mystérieux qui a de quoi désarçonner,
"Avresa Från Stockholm". Mais il faut savoir que ce morceau a une histoire bien à lui. Remontons donc le temps, en 2022, lorsque, en arrière plan de la maladie, les projets musicaux ont cependant continué d'être tissés. Remontons au moment où David Andersson a composé les bases de ce « départ de Stockholm ». À cette heure, cette musique n'a évidement pas été envisagée comme un chant du cygne, mais tout au contraire comme une introduction dans un nouveau projet nourri d'enthousiasme, le regard bien focalisé vers l'avant. Ceux qui connaissaient le personnage entendront bien d'ailleurs que le mot « départ » se réfère ici, non pas à une quelconque vision funèbre, mais plus simplement à la profonde lassitude que David éprouvait à l'endroit de Stockholm, cette ville qu'il abhorrait.
Le destin ayant décidé de jeter un autre voile sur l'avenir et sur cette composition – peut-être la dernière que David ait réalisée - il a été décidé par le groupe de l'offrir au public comme un morceau à part entière en hommage à l'ami désormais disparu, mais aussi pour symboliser ce qu'ils ont nommé le « AD effect » : ce sentiment qu'une forme de magie véhiculée par la musique, transcendant la perte tragique, était passée désormais en eux, aspirant à être traduite dans des compositions originales et inattendues. L'inspiration originelle demeurant comme une matière vivante en constante évolution. Le groupe a d'ailleurs très clairement dit les choses : David Andersson demeure un membre de Gangs Of Old Ladies à part entière, et assure que les compositions à venir contiendront toujours un élément qui célébrera cette présence spirituelle perpétuelle. Simon, en avisé architecte sonique, s'est donc saisi de la matière et l'a enrichie de cette superbe orchestration symphonique qui non seulement confère à "Avresa Från Stockholm" cette atmosphère tout à fait singulière et mystérieuse, mais qui témoigne aussi de l'ambition de Gangs Of Old Ladies d'aborder des terres nouvelles et d’apporter un niveau de sophistication accru à sa musique. Et il est aisé de laisser cette piste se répéter à l'envie, de se perdre dans ses boucles étranges et mantratiques, de convoquer quelques abstractions rêveuses en soutien de notre pensée troublée. Le propos, dont la profondeur est ici si adroitement mise en valeur, n'en est que plus émouvant dans ses ultimes secondes, lorsqu'une voix délicate, celle d'Emma Andersson, vient fendre l'espace comme un oiseau qui s'envole, avec ces quelques mots : « Farväl vackra bror ».
Une question m'est revenue en mémoire à l'écoute du second morceau et à la lecture du poème éponyme, « Possessed », bondissant comme un Easter Egg : « What is your favourite poem by Charles Baudelaire? » C'est avec une certaine malice que je répondrais sans détour à l'affriandé de cette poésie française qui m’interrogeait ainsi : « Le Possédé »
« Sois ce que tu voudras, nuit noire, rouge aurore ; Il n'est pas une fibre en tout mon corps tremblant Qui ne crie : Ô mon cher Belzébuth, je t'adore ! »
"Possessed" est elle aussi hantée par les addictions, ouvertement dédiée à tout ceux qui se débattent dans leur propre lutte contre la drogue. Ici, nous revenons en terres plus familières, dans les replis d'ombres qui roulent sur nous prêts à nous accrocher de leurs doigts de monstres faméliques, mais cette seconde piste, me permet de donner voix, précisément, à une autre évolution d'importance pour Gangs of Old Ladies, puisqu'il s'agit du line-up. Là encore, c'est en 2022 que le choix s'est opéré. Timbre superbe et idées florissantes suscitant – à raison - un fort enthousiasme au sein du collectif, Lunar Black et Zoskia Zeraphis sont donc accueillies comme membres officiels, ajoutant leur sceau personnel à l'affaire. Et il n'est pas des moindres. Car en effet, la combinaison du chant clair (lyrique) et extrême de Lunar, en dialogue de tête avec Jekyll qui s'empare également ici de la basse, ou en chorus avec Zoskia, ouvre une dimension nouvelle aux compositions, la narration se pare d'une couleur tout à fait épique, et la profondeur de champ en est considérablement accrue. Ainsi sur "Possessed", ces voix habitées s'adjoignent aux explorations soniques nouvelles pour un rendu encore plus théâtral et dramatique.
Mais à mon sens, si la magie de la transformation est à l’œuvre, c'est "Inner Demons" qui en est le témoignage le plus éclatant. Plus que jamais, l'architecte déborde ici amplement de la zone de confort pour déployer ses nouvelles intentions stylistiques, rythmiques, et harmoniques. Ceci tout en préservant une articulation logique autour de son subtil fil rouge, cette cohérence d'ensemble intuitive. "Inner Demons" est un titre dense et puissant, qui s'introduit avec une gravité théâtrale inédite, tandis que la voix de Gary Holt nous lance cet avertissement : « Hey man, let me tell you clearly: demons are real ». Et pour donner pleinement foi à ce propos, s'en suit l'attaque massive qui nous plonge au cœur de la matière noire, alliage d'assauts virulents, de cassures rythmiques et d'imprécations comme marteau de forge, jusqu'à se fendre d'un instant de tension saisissant, un solo limpide et éloquent qui nous emporte un instant dans un mouvement ascensionnel délectable. Mais loin de se contenter de revenir à son motif initial pour clore le chapitre passé cette brillante salve, Gangs Of Old Ladies enfonce le clou : sur fond de rythmiques appesanties et de subtiles montées en tension accroissant toujours un peu plus le sentiment de gravité, la voix de Lunar s'élève, mystérieuse, aérienne, cantique, portant l'ouvrage à son point d'orgue. Bien entendu, mon propos ne saurait traduire l'ensemble des détails qui fourmillent sur ce morceau et qui témoignent d'une recherche stylistique et narrative toujours plus affinée.


Gangs of Old Ladies nous avait déjà fait la démonstration de sa créativité. Avec Death Magic Volume One, il dévoile un visage plus ambitieux, mûri par les épreuves endurées autant que par un constant souci de pousser le niveau de sophistication de ses propositions. Étendant son horizon pour des visions toujours plus complexes et affinées. Plus sombre et grave également, Gangs of Old Ladies gagne considérablement en profondeur, mais sans jamais perdre de vue ce qui fait son identité et son originalité. Easter Eggs et truculences restent de mise, mais il est patent que nous avons ici à faire avec un groupe qui a une idée très précise de ce que veut dire sublimer la matière noire.

« Ut tibi musica resonare in tempore »

En mémoire de David et Alice Andersson





« I live for the tiny eruptions of magic interspersing the nothingness, the small flickering flame occasionally stirring the wasteland of ash. To delve deeper into all that can not be expressed with words ». This charming quote comes from a long conversation that flourished for three years and faded away on 14 September 2022. In memory of its author, I invite you to discover one of those eruptions of magic that he loved to experience, something that is neither before nor after, but out of focus. I'm going to tell you about a composition that is as much a vibrant tribute to a late friend and talented musician, an extension of a shared inspiration, as it is a snake's shedding of skin, that of a band mourning the death of one of its members, but which delights in defying preconceived ideas and conquering new ground with the full maturity it has acquired from this ordeal. Death Magic Volume One is indeed something that transcends, and this idea would probably have pleased David Andersson a lot.

With Death Magic Volume One, Gangs Of Old Ladies introduce us to three beautifully crafted new musical compositions, which are once again wonderfully complemented by a set of previously published texts, in total resonance with the music. While the formula may seem somewhat identical on paper to that of The Anthology of Sonic Chemistry and Demonology Volume One, the alchemy that emerges is completely new. First of all, this time it's not fiction in the form of horrific short stories; the texts I invite you to read as you listen are poems co-written by Jekyll and David while the latter was in hospital. Indeed, the two very close friends nurtured very rich exchanges in the months preceding David's passing and a fragment of this intense sharing, fuelled by science, quantum physics, philosophy, a clear contempt for all forms of obscurantism, starting with religion, and of course music and projects, is reflected in these very powerful lines. Very personal too. The two poets have played with figures of speech, using antinomy to symbolise addictions and depressive states as entities bordering on religious fascination, brandishing the banner of paradox over visions of deliverance and epiphany, and casting confusion over all the figurative aspects of their work. Under the mirage of a glorifying states, they have managed to sublimate all the complexity of a universe where everything is nothing but disorientation and torment, which can never be limited to a simple, clear-cut black and white opposition. Reading this tightrope poetry is a two-fold inspiration: on the one hand, it resonates perfectly with the spirit that permeates the music and lyrics of Gangs of Old Ladies, and on the other, it conveys a striking vision of a vital, very real context, a truth that is both a source of torment and perpetual creativity, with in the background a mutual, driving promise to move forward. And the intuitive complicity of the two authors is so palpable that their writing merges into a single voice in each of these eloquent poems.
When it comes to the music, the three tracks that compose Death Magic Volume One are both autonomous compositions and a whole linked by a subtle common thread, Simon has made sure of that. The work begins with an instrumental track that creates a complete surprise in the universe we know from Gangs Of Old Ladies. Far from launching hostilities with a death metal/extreme assault, the band instead delivers a melancholic, hypnotic and mysterious track that's sure to disarm, "Avresa Från Stockholm". But it's important to know that this track has a story of its own. Let's go back in time to 2022, when, in the background of illness, the musical projects continued to be woven. Let's go back to the moment when David Andersson composed the basis for this « Departure from Stockholm ». At the time, his music was clearly not intended as a swan song, but rather as an introduction to a new project, fuelled by enthusiasm, with his eyes firmly focused on the future. Those who knew the man will understand that the word 'departure' here refers not to some funereal vision, but more simply to the deep weariness David felt towards Stockholm, a city he abhorred.
Fate having decided to cast another veil over the future and over this composition - as one of David's last - the band decided to offer it to the public as a track in its own right, as a tribute to their late friend, but also to symbolise what they called the « AD effect »: the feeling that a form of magic conveyed by the music, transcending the tragic loss, had now passed into them, aspiring to be translated into original and unexpected compositions. The original inspiration remains as a living material in constant evolution. In fact, the band have made it clear that David Andersson remains a fully fledged member of Gangs Of Old Ladies, and that future compositions will always contain an element that celebrates this perpetual spiritual presence. Simon, as a shrewd sonic architect, has taken the material and deeply enriched it with this superb symphonic orchestration which not only lends "Avresa Från Stockholm" its singular and mysterious atmosphere, but also reflects Gangs Of Old Ladies' ambition to break new ground and bring a new level of sophistication to their music. And it's easy to let this track repeat itself over and over again, to get lost in its strange, mantra-like loops, to summon a couple of dreamy abstractions to support our troubled thoughts. The deepness of the message is so skilfully brought out here, and is all the more moving in its final seconds, when a delicate voice, that of Emma Andersson, cuts through the space like a bird taking flight, with these few words: « Farväl vackra bror ».
Listening to the second track and reading the eponymous poem, "Possessed", bouncing like an Easter Egg, I was reminded of a question: « What is your favourite poem by Charles Baudelaire? » It's with a touch of malice that I'd give a straight answer to the French poetry aficionado who questioned me like this: "Le Possédé"
«Sois ce que tu voudras, nuit noire, rouge aurore ;Il n'est pas une fibre en tout mon corps tremblant Qui ne crie : Ô mon cher Belzébuth, je t'adore !»
"Possessed" is also haunted by addictions, openly dedicated to all those struggling in their own fight against drugs. Here, we're back in more familiar territory, in the folds of shadows that roll over us ready to cling to us with their hungry monster fingers, but this second track allows me to give voice to another important development for Gangs of Old Ladies, namely the line-up. Here again, the choice was made in 2022. Their magnificent timbre and flourishing ideas rightly sparked great enthusiasm within the collective, so Lunar Black and Zoskia Zeraphis were welcomed as official members, adding their personal stamp to the affair. And not the least. Indeed, the combination of Lunar's clear (lyrical) and extreme vocals, in lead dialogue with Jekyll who also plays bass here, or in chorus with Zoskia, opens up a new dimension to the compositions, the narrative takes on a truly epic colour, and the depth of field is considerably increased. On "Possessed", these inhabited vocals are combined with new sonic explorations to create an even more theatrical and dramatic effect.
But in my opinion, if the magic of transformation is at work, it is "Inner Demons" that is the most dazzling testimony to it. Here, more than ever, the architect has gone way beyond his comfort zone to deploy his new stylistic, rhythmic and harmonic intentions. All the while preserving a logical structure around his subtle common thread of intuitive overall coherence. Inner Demons is a dense, powerful track, which opens with an unprecedented theatrical gravity, as Gary Holt's voice warns us: « Hey man, let me tell you clearly; demons are real ». And to give full credence to this statement, there follows a massive attack that plunges us into the heart of dark matter, a combination of virulent assaults, rhythmic breaks and imprecations like a sledgehammer, culminating in a moment of gripping tension, a limpid and eloquent solo that carries us away for a moment in a delectable ascendency. But far from contenting itself with returning to its initial motif to close the chapter after this brilliant salvo, Gangs Of Old Ladies takes things to the next level: with a background of weighted rhythms and subtle rises in tension that heighten the sense of gravity, Lunar's voice rises, mysterious, ethereal, cantic, bringing the work to its climax. Of course, I can't go into all the details that abound on this track, which testify to an increasingly refined stylistic and narrative research.


Gangs of Old Ladies has already proved its creativity in the past. With Death Magic Volume One, it reveals a more ambitious face, matured by the ordeals endured as well as a relentless desire to push the level of sophistication of its offerings. Expanding its horizons for ever more complex and refined visions. Also darker and more grave, Gangs of Old Ladies gains considerably in depth, but without ever losing sight of what makes it unique and original. Easter Eggs and truculence remain the order of the day, but it's clear that we're dealing with a band with a very precise idea of what it means to pursue the sublimation of dark matter.

« Ut tibi musica resonare in tempore »
In memory of David and Alice Andersson



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