Chronique : AlNamrood Al Aqrab (2024)

CHRONIQUE PAR ...

TheDecline01
Cette chronique a été mise en ligne le 17 mai 2024

Sa note : 15/20

LINE UP

-Artiya’il
(chant)

-Mephisto
(guitare+basse+percussions)

-Ostron
(claviers+percussions)

TRACKLIST

1) Ardh Bela Sama
2) Lisan Al Nar
3) Aqarib Al Petra
4) Taht Al Jeld
5) Al Ghasasina
6) Diar Al Anbat
7) Abwab Edom
8) Al Jurm Al Madfoon
9) Tarjif

DISCOGRAPHIE

Kitab Al Awthan (2012)
Heen Yadhar Al Ghasq (2014)
Wala'at (2020)
Worship the Degenerate (2022)
Al Aqrab (2024)

AlNamrood - Al Aqrab

(2024) - black metal arabe - Label : Shaytan Productions

« -Dis Dieu, aurais-tu l’amabilité de me rappeler pourquoi tu as pris forme pour les êtres humains en la présence de (au moins) trois divinités monothéistes mutuellement exclusives ?
- Petit, si tu continues ton impertinence, je te promets de te jeter dans les bras des pourfendeurs de chacune des trois grandes religions monothéistes.
- Ces abjectes personnes seraient donc réelles ?
- Et oui, comme toute chose, il faut un équilibre. Je crée, d’autres détruisent. Je me fous, d’autres s’intéressent. En Europe, tu connais bien les mouvements satanistes. Je les aime bien, ils me font rire avec leurs gesticulations. En Arabie Saoudite par contre, les musulmans font preuve d’une sincère témérité pour oser me houspiller sous mes traits d’Allah.
- Ah ça oui, je n’aimerais pas être apostat là-bas ! Mais les juifs, ils n’ont aucune dent contre toi ?
- Oh si, ne t’inquiète pas. Équilibre t’ai-je dit. Mais leur musique dite métal noir est bien peu développée.
- Ah ok. »

Par ces mots l’impudent ferma le dialogue avec Dieu. Et il eut ainsi à sa connaissance AlNamrood, vaillant blasphémateur impénitent, forçat de travail dans son art si peu consommé (et pour tout dire, potentiellement mortel en son pays d’origine) de la haine du dieu musulman. Témérité, combativité, obstination. Pour avoir traversé les âges, cette troupe drapée d’une aura fort compréhensible de mystère (on ne connaît leurs vrais noms, ni, et surtout, leur lieu actuel de résidence) mérite les éloges. Surtout qu’elle le fait avec grâce. Ayant su évoluer en grandissant, la formation saoudienne bénéficie de l’effet de surprise au moment de la découverte initiale d’un nouvel album.
Cette fois, ceux qui en étaient restés à Enkar et Wala’at joueront les étonnés de ce retour à un chant pur black, très éraillé. Ceux qui ont connu Worship the Degenerate seront moins décontenancés de ce retour en arrière. Retour musical également, car nous retrouvons la très forte orchestration qui marque Kitab Al Awthan. Plus marquée peut-être encore. La masse d’instruments folkloriques arabes couverts par les claviers est impressionnante. On peut réellement parler de metal extrême arabe à ce niveau. Tout en conservant une présence marquée des guitares accompagnées d’un grain grésillant et froid comme le veut la tradition noire, les compositions basculent avec vigueur dans un monde oriental extrêmement développé. Et ce n’est pas uniquement l’entrefaite de sonorités locales. Les rythmiques utilisées sonnent typiquement orientales, elles dénotent de nos canons occidentaux.
Le tout s’amalgame puissamment car AlNamrood possède cette force créatrice qui sait unifier. Orient et Occident main dans la main par la grâce des dieux du metal. Et si l’ensemble n’est jamais brutal (vous n’entendrez pas un seul blast), la haine qui émane des vociférations de Artiya’ll est palpable. Les riffs sont nimbés de ce rejet désertique d’Allah en voulant se réapproprier l’espace musical arabe traditionnel et en le distordant violemment dans les saturations métalliques. Plus que jamais Al Aqrab assouvira vos désirs orientaux les plus sacrés en mettant totalement sur la réserve les aspects punk qui avaient ornementé Enkar et Wala’at donc. Moins fou aussi. Si vous connaissez la discographie du groupe, cette dégénérescence mentale pourra vous manquez à juste titre car elle apportait un souffle décapant et étonnant au sein d’un univers plongé dans les coutumes ancestrales.

En paix avec lui-même et ses origines, AlNamrood vient de livrer son album le plus arabe à ce jour probablement. Délaissant les touches punk qu’il a frôlé avec succès dans le passé, Al Aqrab devient purement du black metal oriental. Très fortement orchestré, il ravira les chercheurs de ces sonorités si typiques. L’amateur de metal pur restera sur la touche car son genre favori, au-delà de se retrouver enfoui sous les couches orchestrales, est comme toujours profondément trituré par les rythmiques arabes, éloignées de nos habitudes. Une réussite selon mes canons.