Voici la deuxième partie tant attendue (si si !) de ce concept-album dont le premier volet représentait une des bonnes surprises de prog classique en 2007. Rien d'original, on puise un peu du côté de King Crimson (période mélodique, donc hors Red, Larks' Tongues In Aspic et Starless And Bible Black), Supertramp, Gentle Giant... Reste à savoir si Beardfish allait corriger le défaut du Part One, c'est-à-dire réduire les bavardages instrumentaux, pas toujours très utiles, et mettre davantage l'accent sur le chant, un des points forts du groupe.
Il semblerait que oui. Avec Sleeping In Traffic : Part Two, Beardfish fait à la fois preuve de plus d'audace, avec davantage de chœurs, des changements de rythme plus fréquents et des mélodies peut-être moins conventionnelles. Le ton semble s'être légèrement durci aussi, plus rock (surtout sur "Sleeping in Traffic", qui s'étend jusqu'à 30 minutes), tout en réduisant les passages plus bruyants à la King Crimson et en gardant cet inimitable parfum 70's. Mais le chanteur, Rikard Sjöblom, n'a pas son pareil pour délivrer des mélodies pop de toute beauté, rendant leur musique assez accessible, même pour les non-initiés au rock progressif. Tout cela est tellement bien fait que l'absence d'originalité n'a aucune espèce d'importance. Que de bonnes nouvelles donc !
Après une courte introduction ("As the Sun Sets"), on entre tout de suite dans le vif du sujet avec "Into the Night", du rock progressif très classique. Les mélodies au milieu du morceau, sur la partie plus calme, ont de quoi mettre l'eau à la bouche... c'est désormais acquis, Beardfish est de retour et ne risque pas de décevoir ! Même chose pour le titre suivant, "The Hunter", le plus catchy du disque avec son lot de claviers « old-school », on en redemande. Beardfish ne perd cependant pas ses bonnes vieilles habitudes, quelques longueurs subsistent, surtout sur le plus rock "South of the Border", malgré ses quelques vocaux « délires » à la Frank Zappa. Et l'instrumental sautillant qui suit, "Cashflow", est également sans intérêt, un exercice « 70's » totalement vain.
Si aux premières écoutes, on est de suite charmé par ces multiples trouvailles, avec un peu plus de recul, force est de constater que c'est surtout la magnifique pièce "Sleeping in Traffic" qui justifie l'achat du disque. Les autres chansons, plus courtes, marqueront sans doute moins les esprits. Par sa progression remarquable, "Sleeping in Traffic" condense en 35 minutes toutes les facettes du groupe : mélancolique au départ, pour ensuite dévier vers de courtes incursions rock à la Black Sabbath/Deep Purple, orgue Hammond à l'appui, un côté Frank Zappa pour quelques chœurs délirants là aussi, de sympathiques clins-d'œil à la musique disco, à "Stayin' Alive", à la pop des années 60 et bien d'autres choses encore... on ne voit pas les 35 minutes passer. Le groupe s'est vraiment lâché dessus, avec une bonne dose de folie tout en restant constamment mélodique, donc sans expérimentations inécoutables.
Pour finir, "Sunrise Again" propose une belle conclusion reprenant discrètement la superbe mélodie de "Sunrise", présente sur l'album précédent. Attention toutefois pour Beardfish à ne pas suivre l'exemple des Flower Kings, c'est-à-dire à privilégier la quantité à la qualité, car le groupe semble très productif. Ce n'est visiblement pas demain qu'ils vont commencer à ralentir la cadence de leurs sorties d'albums.