Depuis l'arrivée de Sammy Hagar au chant, Van Halen était devenu une énorme machine à fric, chaque album arrivait toujours N°1 aux USA et le groupe faisait des tournées tranquilles chez eux en terre conquise sans daigner venir jouer en Europe. Musicalement, 5150 et OU182 suivaient la voie tracée par le très bon 1984 (dernier album avec David Lee Roth, faut-il le rappeler ?), mais en sonnant encore plus mainstream. N'ayant jamais trop accroché à 5150 et OU182 et à l'abus de synthés (seulement deux morceaux étaient concernés par les synthés sur 1984), je ne pouvais que me réjouir du retour aux sources effectué sur For Unlawful Carnal Knowledge (FUCK pour aller plus vite), un retour à un bon vieux hard US couillu et qui ne manque pas d'énergie.
En ce sens, FUCK est sans problème le meilleur album de Van Halen depuis Women And Children First, et il se classe parmi mes favoris. Et pour marquer le coup, qui de mieux que le retour de Ted Templeman à la production ? Le seul, l'unique producteur à être capable de capturer en studio et à retranscrire sur disque l'intensité que dégage Van Halen. Par rapport aux premiers albums, FUCK sonne surproduit, mais par rapport aux albums des années 80, il sonne brut, vous voyez le tableau. En dix ans, le groupe est quand même devenu plus mature et plus sérieux aussi, et la "fun attitude" qui prédominait avec David Lee Roth n'est plus tellement de mise désormais.
Tout est plus mélodique, surtout les refrains (comme celui de "The Dream Is Over" qui sonne un peu comme "Ain't Talkin 'bout Love") et la voix un peu éraillée de Sammy Hagar fait des merveilles. Il est sans problème aussi bon que David Lee Roth, tout en étant radicalement différent. Il ne fait pas autant le con comme David Lee Roth et il chante plus que qu'il ne parle. David Lee Roth lui avait souvent tendance à partir dans des délires «oh yeah baby one more time here we go» tout en parlant très vite. Sammy Hagar est plus sobre de côté là, bien que les paroles qu'il écrit n'ait jamais été d'une grande finesse non plus. Pour résumer, Sammy a une plus belle voix que David, mais il n'a pas toute sa gouaille.
Au programme, rien de très original certes, mais là n'est pas le problème. Que du solide là-dedans, des hits en puissance ("Poundcake", "Top Of The World") qui ont le mérite de ne pas sonner soupe comme le single "Feels So Good" de l'album précédent. Eddie Van Halen a eu la bonne idée de rebrancher les Marshall à fond et de laisser tomber définitivement les synthés. Un seul mot d'ordre : rock 'n' roll ! Dès l'intro de "Poundcake" où Eddie imite une scie électrique, on est scotché, c'est bien le grand Van Halen qui est de retour. Il y a juste du piano sur le magnifique "Right Now", mais à part ça, que du hard rock à 100 %, ça faisait si longtemps !
Sinon, Van Halen nous offre un album jouissif et pêchu comme eux seuls savent les faire, terriblement heavy et punchy sur "Judgement Day", on se croirait presque revenu à l'époque du sulfureux Women And Children First. Parfois joyeux et dansant comme "In 'n' Out" dont le riff entêtant et la rythmique un peu "rap" à la batterie donne une pêche d'enfer, enfin je trouve ce morceau un peu long quand même, vu que le riff principal est répété à l'infini. Le groovy "Man On A Mission" n'est pas tout à fait exceptionnel non plus, mais Eddie Van Halen en fait toujours des tonnes avec sa guitare (bends exagérés) et réussirait presque à transcender n'importe quelle chanson banale... quoique non, Van Halen s'était quand même bien ramassé sur Van Halen II.
Et pour ce qui est du hard rock classique et génial sur "Runaround", on voit que Van Halen n'a rien perdu de son savoir-faire et toute la galette se déguste avec un plaisir énorme du début à la fin, c'est important de le signaler car pas mal d'albums du groupe ont été un peu (voire très) inégaux, avec des titres plus faibles qui venaient polluer les albums. Quelques titres sortent aussi du registre traditionnel de Van Halen comme ce morceau funky et un peu bizarre "Spanked", y'a juste les choeurs qui nous rappellent des sonorités people-jack auxquelles le groupe était familier ces dernières années.
"Right now" est également inhabituel et que dire du surprenant "Pleasure Dome", un morceau plus noir et pas vraiment fun contrairement aux autres. Il commence tout doucement avec de superbes arpèges typiques de Van Halen, Sammy Hagar parle pendant les couplets, au lieu de chanter, et à ce moment-là, on ne peut s'empêcher de penser au style de David Lee Roth, qui était très fort pour ça. L'identité de Van Halen était déjà très forte avant l'arrivée de Sammy, donc il est logique que quelques clins-d'oeil subsistent pour la vieille époque. D'ailleurs, les vieux fans n'ont toujours pas digéré le départ de David Lee Roth, ce n'est pas un hasard. Sur "Pleasure Dome", Alex Van Halen laisse place à une belle démonstration sur ses toms, son jeu est toujours aussi singulier. La batterie a d'ailleurs un son assez spécial, notamment la caisse claire, difficile à décrire mais je crois que les producteurs ont dû un peu abuser sur la reverb.
Pas de place pour les ballades ici, Van Halen fonce dans le tas sans se poser de question et c'est toujours dans cet état esprit que le groupe est en position de force ! La spontanéité, que diable ! C'est dans cette optique "à fond à fond à fond" qu'ils ont réalisé leurs meilleurs albums (Van Halen I, Women And Children First, j'exclus Fair Warning qui était moins inspiré). FUCK est le dernier grand album de Van Halen à ce jour et même si ce n'est peut être pas le plus grand album hard rock de tous les temps, il mérite largement une note élevée ne serait-ce parce qu'un album de ce calibre, le groupe n'en a pas réalisé si souvent que ça. A ce jour, on attend toujours son digne successeur... peut être qu'avec le retour de Sammy Hagar au bercail dans le courant de l'année 2004... ?