CHRONIQUE PAR ...
Pietro
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14/20
LINE UP
-Peter Dolving
(chant)
-Anders Björler
(guitare)
-Patrik Jensen
(guitare)
-Jonas Björler
(basse)
-Per Möller Jensen
(batterie)
TRACKLIST
1)Moronic Colossus
2)Pieces
3)Little Cage
4)Trenches
5)Ceremony
6)Skuld
7)Crusher
8)Rivers Run
9)Iron Mask
10)Faultline
11)Imperial Death March
DISCOGRAPHIE
Question du jour : comment faire évoluer sa musique dans le monde du metal, particulièrement quand on joue du thrash? Certains groupes n’en ont cure et proposent toujours le même album sans qu’on trouve à y redire. Mais d’autres se posent la question de leur crédibilité à balancer encore et toujours la sauce quand la rage de la jeunesse n’est plus tout à fait là, ou que l’envie d’évoluer se fait sentir. Et l’impression que l’on peut légitimement avoir c’est que depuis quelques années The Haunted est du genre à s’en poser, des questions.
Né sur les cendres encore fumantes du légendaire At The Gates (dont les trois cinquièmes étaient présents sur le très remarqué premier album éponyme), The Haunted a tout de suite marqué les esprits en reprenant plus ou moins les choses là où le groupe culte les avaient laissées avec Slaughter Of The Soul, mais dans un esprit encore plus thrash. Après trois opus particulièrement efficaces et violents, l’album rEVOLVEr (qui marquait le retour de Peter Dolving derrière le micro) portait bien son nom et marquait une volonté nette de s’affranchir des limites imposées par le style du groupe. Mais ce n’était encore rien par rapport au disque suivant, le très controversé The Dead Eye (vous avez remarqué que lorsqu’un chroniqueur n’aime pas un album, il le traite de « controversé » ?). The Haunted se faisait alors peut être plaisir mais s’aliénait une bonne partie de son public en lui proposant une musique pseudo expérimentale, que beaucoup ont jugé surtout molle et prétentieuse. Qu’allait donc faire le groupe après ce semi échec ? Continuer dans l’expérimentation ou revenir en arrière ?
Bien entendu les suédois ont fait un peu des deux. L’album commence par le très rapide et direct "Moronic Colossus" qui envoie bien le boulet, parfait dans son rôle d’opener. Les morceaux suivants, généralement moins rapides mais tout aussi efficaces, sont plaisants et nous propose du bon The Haunted… mais rien de plus jusqu’au milieu de l’album. Plutôt mid tempo, ils sont articulés autour des mêmes ingrédients : riffs entrainants propices au headbanging, quelques très bons solos du maestro Anders Björler, et voix très versatile de Peter Dolving. Celui-ci passe en effet d’un chant thrash-hardcore hurlé au débit impressionnant ("Moronic Colossus") à un chant clair agressif sur certains refrains ("Little Cage", "Trenches"…) en passant par une voix parlée sombre et inquiétante sur quelques passages plus atmosphériques. Quand au son concocté par l’omniprésent Tue Madsen, il est très organique et naturel à l’opposé de ce que le producteur danois a l’habitude de proposer. Un peu la même démarche qu’In Flames sur A Sense Of Purpose, dans un style complètement différent. Le groupe a par ailleurs enregistré en live et cela s’entend, un feeling vivant et presque rock n’ roll se dégage du disque.
L’atmosphérique et planant "Skuld" fait figure de transition placée en milieu d’album avant que la machine ne s’emballe à nouveau sur l’énorme "Crusher", véritable brûlot de thrash extrêmement rapide qui peut évoquer le "Dittohead" de Slayer dans sa fureur et son intensité. Le morceau suivant, "Rivers Run", se situe à l’opposé en termes de style mais est tout aussi excellent : riff mid tempo, couplets aérés et parlés, refrain chanté avec une magnifique voix claire dopée aux cojones, solo très mélodique… Bref un très bon morceau, original et efficace à la fois. Malheureusement la fin de l’album retombe dans le « bon mais sans génie » du début, pour s’achever sur le très particulier "Imperial Death March" composé par Dolving lui-même (on y retrouve le côté expérimental de son ancien groupe Mary Beats Jane), morceau lourd tout en tension, qui ne décolle jamais vraiment et qui met un point final plutôt expérimental à cet opus. Il est à noter que le guitariste Patrik Jensen, qui avait été totalement écarté de la composition de The Dead Eye, fait son grand retour et signe les morceaux les plus thrash old school ; les plus expérimentaux ou mélodiques étant l’œuvre des jumeaux Björler.
On se retrouve donc au final avec un album mi figue mi raisin entre les mains. Composé avant la tournée estivale d’At The Gates qui a occupé les Björler Brothers tout l’été, il semble avoir été écrit quelque peu en roue libre et à la va vite afin de pouvoir sortir très rapidement après cette tournée, peut être pour profiter de l’engouement né de cette reformation qui ne donnera pas de nouvel album. Un nouvel opus plutôt bon mais finalement peu étonnant, que l’on peut classer pile poil entre rEVOLVEr et The Dead Eye.