Et si on cultivait nous aussi le style "enfant", ça ferait un peu tache au boulot! non? The White Stripes prend le pari! Faîtes vos jeux. Encore un groupe en "The" ça fait hyper tendance... mais eux en plus, ce sont des p’tits malins, ils misent sur le rouge et blanc et les bonbons qu'on trouve aux fêtes foraines. Ce genre de bonbon en forme de spirale rouge et blanc. Les friandises qui appâtent. La spirale ici, c'est la musique. Oyez, oyez, dans l'optique de ne provoquer aucune gène à l'auditeur, il est souhaitable de souligner que la présence parentale est indispensable! Suite à une image toute moelleuse du groupe qui est en somme, trompeuse: cet album n'est pas une berceuse pour les moins de cinq ans! Youpi! Elephant, leur quatrième album s’écoute comme un opus des Stones, c’est dire l’énergie !
The White Stripes, un duo fraternel, encore que le doute s'installe, le genre de débat qu'on aurait sur un palier d'appartement entre deux concierges: «mais, ils ne seraient pas mariés ?». Ils nous viennent de Detroit, d'une famille puritaine. Signes particuliers: se font remarquer par un look sympa, complètement décalé. Des bouilles encore d'enfant, angéliques, alors qu'à eux deux, ils ont bien 55 ans. Ils en jouent. Ambiguïté dans le style, dans les valeurs, dans la complicité... Pourtant, ils n'ont qu'un mot d'ordre: foi et rock'n'roll. Les paroles des White Stripes reflètent la trahison et la rédemption, la légende du "septième fils", l'éternité et même le mariage. Ils ne veulent pas se la jouer rebelle. Ils semblent déjantés, mais tout compte fait, ils ne sont pas complètement out. Ils ont même une philosophie de la vie : ils pensent (donc ils sont) que l'idéal dans une vie, c'est de garder les principes fondamentaux des enfants avec cet ingrédient qui fait de nous des adultes: l'empirisme.
Encore que les White, ce sont des p'tits joueurs. En effet, ils n'ont pas voulu envoyer d'album Elephant sur support CD comme démo aux journalistes. Pour la joie des uns et le pétage de plombs des autres, The White Stripes ont voulu garder l'atmosphère du vinyle! Ils savent se faire remarquer. Au delà même de tout ce plan marketing, ils devraient se faire un nom avec leur musique et pas avec les commérages, ou les blagues à deux balles. Meg et Jack White sont présentés. Mi ange, mi démon... ok, ils ont le profil du bon rock! C'est p't'être pas pour rien qu'ils en sont à leur quatrième album ! Leur recette ? faire d'un rock populaire un luxe ! Et garder une image. Ce que Ziggy était pour Bowie, ce que les lèvres rouges et le teint cadavérique était pour The Cure; c'est avec l'image des enfants en rouge et blanc qu'ils signent!
Mais, si on s'arrêtait deux secondes sur leur musique? Ils sont reconnus par leurs pairs. Même la presse musicale assez élitiste loue leur talent! Peu de musique à la maison, à l'exception de quelques airs de big bands des années 1940, et en aucun cas celle du « diable ». Le son de White Stripes est déroutant. Mais, curieusement harmonieux dans les styles. Un air très peu coloré par les instru, puisque Jack partage l'album vocal avec sa sœur. Cette dernière laisse ses empruntes sur deux pistes seulement de l'album. Il s'accompagne de la guitare et du piano. Et sa sœur Meg est à la batterie. Et curieusement cet album est habité d'énergie. Le rythme ubiquiste affirme l'album. Ce sont des sur-volt-és!
Y'a comme des faux airs à la Clash et pourtant c'est différent. Un son neuf, dans les vielles pompes du rock. Et pourtant... Et pourtant, en acoustique on dirait du Iggy Pop. Et pourtant, en se lâchant complètement, hey, mais on dirait du Led Zep ! Sur les quatorze pistes, pas une seule fois on pense que c'est le même groupe. Ils touchent à tout. A tous les rythmes, à tous les styles. Quand, Meg chante ("In The Cold, Cold Night"), on est plongé dans les années 40, dans un vieux bar au fin fond de New York. Ce genre de cabaret enfumé. Une basse, une gratte, et une baguette qui caresse la batterie. La scène est noire. Juste un micro, un projecteur qui laisse un fuseau blanc sur elle. On l'imagine poser sa voix de fleur sur une salle brumeuse par les clopes, les cigares... tous les regards sont sur elle. Elle ne vibre que pour la musique. On est envoûté... Du vrai blues, du bon blues...
Mais White Stripes ne s'arrête pas en si bon chemin. Attention, mélomane averti, c'est pour vous! Ils vont même faire un tour du Coté de la Louisiane avec des soli de grattes. Une merveille. Du Buddy Guy presque ("Ball and Biscuit"). Et le comble de l'ironie, à écouter Jack on dirait du Mick Jagger. On ferme les yeux, et hop, on est au cœur de Londres à l'époque des 60's. Hum', un accent à la Bowie. Les percus et les cœurs qui rappellent la signature des Beatles. Ils sont même capables de nous faire revivre des notes d'un John Lennon en acoustique avec "You've Got Her In Your Pocket". L'atmosphère est trompeuse.
"There's No Home For You Here". Là c'est la claque, Jack, nous fait un solo de gratte, une inspiration divine! Des sons saturés par moment, aigus... mais alors que c'est bon! Y'a de quoi avoir la chaire de poule. C'est le frisson garanti avec ce groupe. Des soli de grattes, à la Led Zep, à la Rory Gallagher. Une image du groupe qui porte à croire que l'innocence gagne en ces jours. Voir la vie avec naïveté et tendresse, est une donne à laquelle il faudrait songer. En tous les cas, Meg et Jack se sont mis à la tâche et c'est du pur Bonheur. On vibre aux notes de la guitare. On la soutient, on lui dit même: «pleure baby, pleure encore».
Un avis perso ? Laissez vous tenter. Et insérez "Ball And Biscuit" sur vos platines. Vous allez tomber sous le charme. A coup sûr. Sur les ondes passe, quelquefois, et c'est pour le plus grand plaisir des anti-son-commerciaux, "Seven Nation Army". C'est grosse batterie, grosse gratte, une petite note grave de guitare d’un temps. Et comme par hasard la tête suit le rythme. Un hochement du haut vers le bas qui nous prend. Un album donc haut en couleur. Il redessine une idée du son. C'est une évidence qu'ils n'ont pas inventé grand chose. Tout le long de l'album, la voix, un air, la gratte, nous ramènent à des références. Et le groupe en est fier. Ils pensent que c'est très bien, voire intéressant de voir qu'un groupe de deux personnes puissent susciter autant de comparaison.
C'est un album qui est considéré comme du rock indépendant, ou du rock de garage ? Ou bien alors c'est du punk blues. Les mélanges des styles sont subtiles, et harmonieux. Tantôt complètement dérangé, parfois doux. Une guitare qui semble tendre avec des notes à la blues, au pop rock. Le tout accompagnée d'une voix surprenante; d'une voix caméléon sur tout l'album; d'une batterie qui habille la musique de façon bluffant: à écouter en toute circonstance! La presse anglaise voit comme un événement les live des White Stipes... comme la première partie du concert des Stocks.
Elephant enregistré dans un studio londonien avec du matériel daté des années 60. «Ce choix parce qu'on a rien fait de mieux». Avec ce matériel, Jack et Meg trouve une "âme" comme ils disent, dans leur musique.