Spock’s Beard… Comment Neal Morse et ses acolytes ont-il bien pu décider d’appeler leur groupe Spock’s Beard ? Diverses théories allant de l’admiration d’Alan Morse pour un épisode de Star Trek, "Mirror, Mirror" jusqu’à l’existence d’un chien, celui de Nick D’Virgilio, nommé Spock et affublé de bizarreries faciales, ont été proposées par et pour les fans du quatuor américain, sans qu’aucune d’entre elles ne semble mettre tout le monde d’accord.
Pourtant, là où la question de l’origine de ce nom intrigue, celle des influences musicales de Neal Morse, multi-instrumentiste, chanteur, compositeur de génie, et, en fin de compte, leader du groupe, nous laisse face à des réponses plus évidentes les unes que les autres après écoute du premier opus des barbus de l’espace, The Light, que de nombreux critiques considérèrent tout simplement à sa sortie en 1995 comme l’album progressif de la décennie, rien de moins. Il faut dire qu’évoquer tour à tour les Beatles, Gentle Giant, Peter Gabriel ou Yes passe aux yeux de beaucoup pour un gage de qualité. Et quand l’incroyable bagage musical accumulé par Neal Morse explose au grand jour par le biais de ses compositions soignées, alambiquées et sans grandes faiblesses apparentes, c’est en distillant des aspects d’une créativité intéressante, qui se révèlera comme étant unique en son genre, opposition élégante d’arrangements vocaux à d’envoûtantes et agréables mélodies.
L’album s’ouvre avec la pièce éponyme d’une quinzaine de minutes, petit monument de subtilité nous entraînant marche après marche dans l’univers riche et coloré de Morse. Oh, rien de bien surprenant, aucune prise de risque gargantuesque, l’originalité de la chose réside dans cette incroyable façon qu’a chaque partie du morceau à succéder dans la plus grande finesse à sa précédente. Passer de la pop au flamenco en titillant certains versants poètes d’une culture progressive omniprésente tout au long de l’album relève ici d’une simplicité enfantine, néanmoins pratiquement inimitable. Le jeu fascinant de Nick D’Virgilio derrière les fûts, mêlant la douceur à la folie enchanteresse d’un maniement parfait des baguettes, se marrie efficacement au jeu de basse entraînant comme pas deux de Dave Meros, présenté depuis des années en tant que groove de Spock’s Beard, au gré de partitions inspirées et, surtout, maîtrisées. Et comme une poudre étincelante se déposant joyeusement sur l’ensemble, la guitare d’Alan Morse (jouée sans médiator, s’il vous plaît !) parvient à rehausser ce qui ne semblait pouvoir l’être davantage.
Mais ce titre "The Light", même s’il représente le sommet incontesté de cet album, ne peut cacher ses trois camarades d’aventure, le succulent "Go The Way You Go", grand classique des concerts du groupe, peut-être trop velouté, voire simplement trop grandiloquent par moments, malgré son potentiel mélodique incroyable, l’aventureux "The Water", certainement trop long, mais avant tout assimilable à une sorte de panier de passages croustillants, à la fois poétiques et acidulés, lui aussi toujours mélodique dans ses grandes étendues chantantes, et l’anecdotique "On The Edge", composé à l’origine pour le live, expliquant ainsi la présence d’un refrain bateau qui se veut accrocheur, sans aucune autre prétention.
Dans l’interprétation de ses quatre premiers morceaux, Spock’s Beard nous montre ici son savoir-faire progressif, habité par un éclectisme heureux, marque de fabrique du groupe, tâchant de nager du jazz-rock aux sonorités plus axées metal prog’. La production d’ensemble paraît vieillir difficilement, le cachet seventies qu’elle propose n’étant pour autant pas dénué d’intérêt, nous offrant l’occasion par exemple de nous attacher à des paroles qui apparaissent fréquemment démunies... de sens, oui, mais pas de saveur ! Un peu comme le nom du groupe en somme.