CHRONIQUE PAR ...
Adam Weishaupt
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
16.5/20
LINE UP
-Blaine Cartwright
(guitare+chant)
-Ruyter Suys
(guitare)
-Corey Parks
(basse)
-Jeremy Thompson
(batterie)
TRACKLIST
1)Snake Eyes
2)You're Goin' Down
3)Go Motherfucker Go
4)I'm the Man
5)All Fucked Up
6)Johnny Hotrod
7)5 Minutes To Live
8)Somebody Shoot Me
9)Blowin' Smoke
10)First I Look at the Purse
11)Eat My Dust
12)Fried Chicken and Coffee
DISCOGRAPHIE
Enfin. Enfin un groupe originaire du Sud des États-Unis qui n’essaye pas de refourguer au monde entier une image « sympa » à grands coups de pathos grossier, de morceaux trop longs, de chant geignard, de solos « d’anthologie » et d’accidents d’avions. Enfin des gens qui assument la sauvagerie méchante et libidineuse de ces régions semi-rurales où tout le monde est cousin, ou presque. Enfin une pochette de CD avec des lolos qui dépassent et où on peut lire le mot « pussy » deux fois de suite. Enfin une chanson intitulée "Fried Chicken and Coffee". Enfin.
Le son est gras comme du poulet frit, aussi saturé et suffocant que l'haleine imbibée du Sheriff derrière sa cagoule du Ku Klux Klan. Les morceaux sont courts, rapides, la batterie écrasante, les riffs basiques et tendus comme des slips, les solos aussi caricaturaux que jouissifs, la basse goudronneuse, le chant éraillé et les paroles brassent sans la moindre retenue les clichés de la culture redneck les plus scabreux et vulgaires possibles. Tout est là pour ravir les amateurs d'action caliente et de tension sexuelle disproportionnée, avec toujours à portée de main de la nourriture, une télévision, un fusil et/ou un véhicule quelconque pour s’enfuir du trailer park avant que le mari lésé ne débarque. Sans oublier l'humour et la bonne humeur, évidemment, sinon ça serait juste glauque. Nashville Pussy, c'est un peu la bouffée d'air « frais » dans le monde du hard rock, à la fois violemment ringardisé par les courants musicaux alternatifs de l’époque et dominé par des géants soit complètement essoufflés, soit devenus trop familiaux (voire les deux à la fois).
Let Them Eat Pussy recèle donc l’essence du Motörhead des débuts - vitesse, furie punkoïde dopée à la graisse d’urus, vociférations éructées la bouche pleine de boudin d’ours - alliée aux codes d’un rock’n’roll américain « à l’ancienne ». Le résultat regorge de méchanceté, de bêtise, de charisme, de swing, de tabous divers et variés charriés avec un certain sens de la formule - comme en témoigne "Somebody Shoot Me" : « driving down the road, my dick in my hand / telling all the kids of the ice-cream man » - et renoue enfin efficacement le genre avec la réputation sulfureuse à laquelle il avait perdu tout droit le jour où il a fallu se mettre à remplir des stades de foot et utiliser des écrans géants pour que ceux du fond puissent aussi profiter des permanentes et du dernier lifting en date. Et tout ça en moins d'une demi-heure. Bien sûr, il n'est pas toujours évident de bien différencier les morceaux les uns des autres, mais, pour une fois, c'est plus dû à l'absence totale de temps mort et à la conscience aiguë du groupe quant aux limites de la recette appliquée qu'à un manque d'inspiration.
Parce que de l'inspiration et du talent, dans le monde du hard rock post-Lemmy, il en faut énormément si on veut marquer les esprits. On peut appeler ça de la personnalité, aussi. Et Nashville Pussy, contrairement à la horde toujours grandissante de groupes du même style, parfois bien plus connus et reconnus, en a à revendre. Let Them Eat Pussy est ce qu'ils ont fait de plus punk à ce jour, un enchaînement brusque et efficace de morceaux sales et survoltés qui constitue un must pour tous les blasés du rock qui tache.