Après quelques années sur la corde raide, Gamma Ray a fini par chuter définitivement avec le sinistre Land Of The Free II. Loin d'être l'album du grand retour comme tant de fans l'espéraient, ce fut une au contraire une véritable mascarade : un album laborieux à des années-lumière de son glorieux aîné, et surtout bourré d' « emprunts » scandaleux à d'autres groupes. Résultat des courses, bon nombre d'anciens fans ont décidé de tourner le dos au groupe, à commencer par mon camarade Dupinguez qui a décidé de bouder la sortie de ce nouvel effort.
En guise d'apéritif avant la sortie de l'album, les Rays nous avaient généreusement offert la primeur d'un titre : "To The Metal". On espérait un sursaut d'orgueil, et à la place on a eu droit à un titre bas du front, un pseudo-hymne que même des gros lourdauds comme Dream Evil ou Hammerfall n'auraient pas osé, et surtout encore une référence plus qu'évidente à un titre de Judas Priest. Après avoir pillé "Rapid Fire" sur New World Order, en la rebaptisant "Solid", Gamma Ray s'attaque à un autre titre de British Steel : "Metal Gods", dont il reprend le groove de batterie immédiatement reconnaissable en plus d'un riff relativement proche. Et histoire de compléter le foutage de gueule, l'expression «Metal Gods» est carrément reprise telle quelle dans le pré-refrain. Si on rajoute sur l'ardoise la pochette qu'on qualifiera poliment de moche, l'album de la rédemption s'annonçait carrément mort-né. Et pourtant, une fois l'album sur la platine, on s'aperçoit que c'est (heureusement) loin d'être le cas. Aurait-on assisté à la naissance d'une nouvelle stratégie marketing, consistant à sortir en single le titre le plus pourri histoire que l'album apparaisse ensuite comme une bonne surprise ?
Après le calamiteux débat sur l'identité nationale, assumons notre franchouillardise et commençons par ronchonner après les choses qui fâchent. Tout d'abord, la production brouillone et assez faiblarde. Depuis Powerplant, les albums de Gamma Ray ne cessent de décliner sur ce point. Si la production plus brute de New World Order était cohérente avec un virage heavy entamé après plusieurs années dédiées au speed mélodique, le tandem Hansen / Schlächter a du mal à se relancer depuis. Autre point noir, la confirmation de la déchéance complète de Kai Hansen au chant. Le bonhomme a toujours son timbre caractéristique, mais son registre rétrécit d'album en album. La notion de justesse n'est plus qu'une vague idée, les aigus sont de plus en plus difficiles à passer, les médiums sont passables et les graves sont horribles comme sur le pré-refrain de "All You Need To Know". La comparaison avec Kiske, invité de luxe sur ce titre, fait franchement mal. Alors quelle peut donc être la planche de salut pour To The Metal ? Les compos pardi ! L'album s'avère très homogène au niveau qualitatif, aucun titre ne se détache vraiment du lot, mais à l'inverse, rien n'est à jeter hormis le très dispensable morceau titre.
Une fois de plus, chacun a mis la mais à la pâte pour un résultat très varié. Du speed mélo bien sûr avec "Rise", une compo de Dan Zimmermann qui en profite pour chauffer la double pédale, mais aussi "All You Need To Know" ou "Chasing Shadows" et ses chœurs éthérés : autant de titres qui nous confirment que Gamma Ray a retrouvé son savoir-faire en la matière. La facette happy metal est représentée par la sympathique "Shine Forever", tandis que "Time To Live" est la nouvelle tentative d'Henjo Richter, après "Send Me A Sign", d'écrire son propre "I Want Out". Le talentueux guitariste a toutefois un peu versé dans la facilité en calquant la construction du refrain. Jusque là, rien de bien neuf, mais Gamma Ray parvient encore à nous surprendre avec "Empathy", un mid tempo assez sombre qui aurait sans doute gagné à ne pas être placé en ouverture de l'album, ou le thrashy "Deadlands". Enfin, année noire pour les membres du groupe : Hansen salue une dernière fois sa maman avec "Mother Angel", un titre hard rock bien ficelé même si le riff rappelle fortement "Breaking The Silence" de Queensrÿche. Schlächter en fait de même pour son père sur "No Need To Cry", une power ballad dont le résultat n'est en revanche pas à la hauteur des ambitions.
Après quelques écoutes de To The Metal, difficile de se positionner : certes, on est rassuré sur la santé du groupe, mais l'album est-il bon en soi ou seulement par rapport aux dernières productions désastreuses des Rays ? Du point de vue de votre serviteur, la réponse est claire : même si on peut déplorer l'absence de moments fulgurants, To The Metal vaut le détour et ses géniteurs n'auront pas à rougir du millésime 2010. S'il est un peu tôt pour se réjouir du retour du grand Gamma Ray, on se consolera déjà avec le retour du bon Gamma Ray. Et ça c'était pas gagné d'avance…