Quelle ne fut pas ma surprise, en farfouillant dans les chros présentes sur ce site cher à mon cœur, de réaliser que nous n’avions chroniqué, en tout et pour tout, qu’UN SEUL album de Mastodon: Crack The Skye. Soit leur dernier et moins brillant album en date, du moins en ce qui me concerne, laissant de côté les immenses poutreries que sont Blood Mountain, Leviathan et Remission. Ce crime ne restera pas impuni et je vais me faire un plaisir de réparer l’affront, en vous proposant ces prochains mois une chro de chacun de ces chefs d’œuvre. Et comme je n’ai aucun sens logique, on commence par le deuxième: Leviathan.
Remettons d’abord les choses dans leur contexte: en 2004, Mastodon est encore loin d’être le phénomène actuel, le groupe hype qui joue ''Divinations'' à Saturday Night Live, qui vend des camions d’albums malgré le style pratiqué et qui voit ses morceaux utilisés dans de célèbres franchises de jeux vidéo à base de tapotage guitaristique virtuel dont je ne citerais pas les noms (ça va, le game business fait déjà suffisamment de thunes comme ça). Non, en 2004, Mastodon c’est le groupe autour duquel le buzz commence à monter, encore assez confidentiel en Europe et qui a pourtant déjà allongé pas mal de monde avec sa première sortie pour Relapse, Remission. Je les avais vus en concert à l’époque, et palsambleu j’avais pris tellement cher (les lunettes d’un très bon pote également, il se reconnaîtra) que j’avais immédiatement fait l’acquisition de Leviathan, leur sortie du moment. Inutile de dire que je n’ai pas été déçu tant cet album est une tuerie, une pierre angulaire du métal crossover moderne, à la croisée de tant de styles différents et possédant pourtant une identité immédiatement reconnaissable et une originalité incroyable. Bref, « Instant Classic », comme on dit chez les brits. En effet, Mastodon poursuit et améliore, avec ce second opus, la route qu’il avait commencé à tracer avec Remission.
Et cette voie, c’est celle de la recherche du crossover parfait entre beaucoup de métal, un peu de stoner, de sludge, de heavy et de hard rock 70’s, le tout saupoudré de hardcore. Et la perfection, Mastodon l’atteint à plusieurs reprises sur cet album: en termes de complexité technique déjà (mais quels putains de musiciens, notamment Brann Dailor, batteur tentaculaire proprement incroyable et dont je n’ai que rarement entendu l’égal), mais aussi et surtout en termes d’inspiration, de composition et de groove: en effet les Géorgiens (comme dans l’Etat de Géorgie capitale Atlanta hein, pas l’Etat de Géorgie capitale Moscou…enfin Tbilissi oups, incident diplomatique) égrènent les tubes comme mamie égrène son chapelet à la messe, soit avec un talent et une ferveur déconcertantes pour le profane que je suis. Les mecs sont écœurants, et leur musique, non contente d’être foutrement originale et variée tout en gardant une cohérence indubitable, sait en plus se faire accessible. Prenons pour exemple l’énorme tube ‘’Iron Tusk’’, ses riffs et son groove à en faire s’écrouler les stades ou la très réussie « ballade » ‘’Joseph Merrick’’, qui clôt magnifiquement l’album. Le reste de l'opus est une succession de morceaux de bravoure tous plus réussis les uns que les autres, tour à tour groovant avec une classe folle (''Aqua Dementia''), furieux et rentre dedans (‘’Blood and Thunder’’, ''Island''), ou encore aux accents plus prog et psyché (comme sur le pavé ''Hearts Alive'').
Et tout ça, avec une production qui colle à la musique du groupe avec une telle perfection (ce son de batterie, cette basse!) qu’on se demande pourquoi tant de formations actuelles considèrent qu’il est primordial de sonner le plus synthétique et déshumanisé possible. Pas de ça chez Mastodon, les guitares vivent et hurlent, la batterie claque et pour une fois la double ne prend pas toute la place, la basse vrombit, bref c’est le pied. Mais que serait un grand groupe sans de grands chanteurs (sauf un groupe d’instru, eheh… désolé)? Et de ce côté, Mastodon est également fort bien pourvu, puisque le groupe possède, avec le bassiste Troy Sanders et le guitariste Brent Hinds, deux excellents chanteurs, qui non contents d’être des musiciens surdoués sont également de très bons vocalistes, aux voix (qu’elles soient hurlées ou claires) très complémentaires et qui s’entremêlent et se répondent avec un génie certain. De plus, l’autre gratteux Bill Kelliher assure le backing vocal pour apporter encore plus de hargne et de patate sur les refrains. Ça fait quand même trois membres du groupe sur quatre qui chantent, soit encore un trait de caractère original pour ce groupe définitivement à part. Ah ouais, et ils ont aussi des gueules de sympas. Un sacré groupe donc.
Comment conclure? Eh bien en évoquant les derniers aspects marquants du monstre: le travail sur l’artwork tout d’abord, d’une richesse et d’une originalité peu communes (à l’image de la musique quoi..), et ce sur toutes les sorties du groupe sans exception. Le concept ensuite, avec cette idée saugrenue mais ô combien appréciable de nous faire revivre Moby Dick au travers de morceaux qui sont autant d’histoires et d’invitations au voyage, le tout avec finalement assez peu de lyrics. Mastodon est en effet un groupe que je qualifierais de semi-instrumental, surement leur gros côté prog’...Quoi qu’il en soit, un indispensable, et je pèse mes mots. A bientôt pour plus de Mastodon, le groupe qui te fait rêvasser tout en te brisant la nuque.