Mine de rien, les Dew-Scented commencent à faire parler d'eux. Après treize ans de carrière il était temps. Et vous savez quoi? C'est à raison! Je ne connais pas les autres albums du groupe, mais ce Issue VI est un album de thrash à la fois moderne et old-school qui fait vraiment mal. Musiciens plus que balèzes, compos très bien pensées, identité marquée malgré le genre exercé, c'est du bon qu'on tient là. Chronique d'un album qui m'a collé un grand sourire à l'écoute.
La prod est nickel. Les guitares sonnent terriblement thrash old-school, la prise de son du chant est excellente, et la basse est bien audible, ce qui est assez rare pour être souligné dans ce style. La batterie est mixée assez en avant, avec un son de grosse caisse qui martèle le crâne sans tomber dans l'excès comme chez Kataklysm... Car oui, le batteur de Dew-Scented me rappelle le cinglé de Kataklysm dans son utilisation parfois épileptique de la double-pédale. C'est vraiment très, très rapide. La vache! En plus, le bougre est également foudroyant avec ses mains, fin dans ses breaks, puissant dans sa frappe... Un sans-faute total. Il est un obstacle constant contre la lassitude que le thrash peut installer de par son jeu tout en puissance, en changements et en nuances. On appelle ça un virtuose, et en toute logique ce type devrait bientôt être cité comme une référence dans son genre.
Le hurleur de service officie dans un registre thrash indentifiable à la première seconde. On n'est ni dans le black suraigu ni dans le death grave, ni dans le hardcore... C'est du growl thrash écorché qui me rappelle le Maxou période Chaos AD. Il ne module presque jamais, mais son timbre est vraiment très agréable et je ne m'en suis pas lassé. Et les guitares, mon bon monsieur? Elles assurent gravissime. Les riffs sont en général bien speed, avec un bon nombre de déferlantes de triples croches tirant vers l'extrême, soutenus en général par d'excellents blast-beats de l'autre machine de guerre derrière ses fûts. On le connaît bien le paradoxe du thrash: le thrash, c'est toujours dans la même tonalité, donc c'est répétitif. Mais une chanson thrash digne de ce nom comporte toujours un nombre imposant de riffs, donc c'est varié. Pour moi, un groupe de thrash comme Dew-Scented qui reste fidèle à l'école Slayer, Kreator and co. évolue dans un cadre restreint de fait, mais par le même processus a d'autant plus de mérite quand il réussit à pondre un album original et surtout personnel. Et là, pas de doute: Dew-Scented n'est pas une copie de plus. Merci les riffs.
Car des riffs, qu'est-ce qu'il y en a, et qu'est-ce qu'ils sont bons! En gros, dans cet album qui tape les deux tiers du temps dans le bon vieux rythme speed de base, le dernier tiers étant partagé entre les parties plus extrêmes et les passages mid-tempo tirant sur le hardcore (genre complémentaire du thrash par excellence), on trouve ce que j'ai pu entendre de plus jouissif en matière de riffs depuis un bon moment. A deux exceptions près, on trouve au moins un riff d'anthologie dans chaque chanson. L'intro de "Rituals Of Time" et son ping-pong de gauche à droite, le break mélodique d'"Out Of The Self", le pont de "The Prison Of Reason"... Autant de riffs qui étonnent par leur efficacité surpuissante et leur créativité surtout, car pour pondre un riff de thrash non efficace il faut quand même être sacrément pas doué.
Dernier élément en faveur des Dew Scented: la dynamique des compos. Ça enchaîne sans cesse, les transitions sont parfaites (pas un seul ratage de ce point de vue sur l'album), et surtout la dynamique des chansons est vraiment pensée. La débauche de riffs ne bascule pas dans le collage bébête car les compos disposent de vrais refrains et de riffs-pivots qui reviennent judicieusement. C'est ce qui sépare une vraie chanson de la formule « un riff + un riff + encore un riff » dans laquelle se fourvoient trop de groupes. Et le timing des chansons est également nickel: plusieurs fois j'ai trouvé que telle ou telle compo commençait à tourner en rond et pan, deux secondes après, fin du titre! Savoir finir une chanson aussi, c'est important.
Conclusion: très peu à jeter sur cet album. Les soli de guitares systématiques font un peu « figure imposée », mais les deux gratteux sont également de bons petits monstres en lead, et surtout varient leurs soli: on a du truc complètement anarchique à la Slayer ,du solo très mélodique, des déferlantes de vibrato, des parties en tapping bien senties... combattre la lassitude, telle semble être la devise de Dew-Scented. En fait, il y a deux compos sur cet album qui l'empêchent de passer la barrière psychologique du 17/20, "Ruins Of Hope" et "Conceptual End". Ces deux morceaux sont de bonnes compo thrash, mais sans aucun riff überkiller, contrairement aux autres. Forcément, ça détonne, vu que c'est juste bien. Fans d'Enemy of God, ruez-vous sur cet opus, car pour moi le petit dernier de Dew-Scented fait jeu égal avec l'album récent de Kreator. Au moins.