Barcelone, c'était cette ville de Catalogne, un lieu ensoleillé, à l'affluence humaine forte, un lieu de voyage, d'où pointaient les cimes de monuments telle la Sagrada Família. Barcelone c'est depuis le lieu d'un discours chanté et musical doux-amer où la beauté n'est désormais là que pour rappeler ce qui fut, ce qui n'est plus. Ou comment contempler les décombres d'aujourd'hui à la lumière d'hier. Le premier volet des Illusions d'une route, un voyage en trois étapes qui s'annonce autant initiatique qu'introspectif. Voilà ce qu'est Barcelone.
Le voyage ou le changement. Comme un paysage qui se transforme peu à peu au gré du périple. Les collines au rythme lancinant, les nuages aux arpèges égrainés délicatement, loin au dessus de ces champs ronds et chauds, tandis que le vent souffle ses mots calmes et apaisants. Une aquarelle qui se déchire sous les traits du couteau, étalant les textures, alors que la colline se mue en falaise, les nuages en tempête, que le sol se craquelle et que le vent oublie le langage et redevient primaire, un cri dans les branches.
Le voyage ou l'imaginaire. Là où la plume de l'un sera teintée de nombreux effets, ou celle de l'autre va droit au but, assise sur cette page déjà rythmée de par ses figures et son style. Là où les mots sont maîtres et guident, se croisant, se répondant, manquant de déchirer le papier par la force et la rage qui les meuvent. Dans une langue puis une autre, les mots veulent comme libérer la main qui les fait naître. Leur taille varie, les lettres se font chuchotées ou chantées, hurlées ou parlées.
Le voyage ou cet appel au loin. La lassitude de ce que l'on connaît et qui s'est déjà trop transformé pour être supportable. La lucidité difficilement surmontable. Partir loin. Trouver dans un ailleurs improbable un chez soi. Ralentir le rythme de marche, pour mieux repartir de plus belle, envoûté par les notes du soleil au loin et la frappe de la route. Croiser ce cerf sauvage, le regarder évoluer dans cette musique toute en teintes sépias et continuer son chemin, alors que les oiseaux font masse et se distordent à en assombrir le ciel.
Le voyage ou la fuite de soi. Loin du dégoût que l'on s'évoque. De ces actes qui vibrent, de ces cordes sensibles que l'on a trop touchées. De ces murs que l'on a trop frappés. De ces bilans en mineur qui assourdissent et dont seules quelques notes d'espoir peuvent nous faire sortir. Pour mieux se confesser, dans un débit d'aveux qui ne peut ralentir. Un flot crescendo d'excuses et de promesses. Pour en venir à craquer, ne plus se retenir, hurler seul face à soi-même, comme à un miroir qui rendrait les coups.
Le voyage ou la désillusion. Là où espoirs et réalité se confrontent. Là ou les ruines se vengent de ce que le temps leur a fait subir en s'en prenant aux rêves d'une jeunesse arrogante. Là où la douceur espérée se fait amertume. Là où l'on en paye le prix et où le retour, châtiment ultime, est infligé, chargé d'un bagage au final bien plus lourd qu'à l'aller. Parce que l'herbe n'est pas si verte que cela de l'autre côté. Non, elle a perdu de sa superbe, est devenue terne. Tout comme ce qui semble rester de nous au retour.
Oui, voilà ce qu'est Barcelone. Plus que des illusions, ce sont des couleurs, des textures, des pages, des pensées, des souffrances et la beauté d'une route. Et parce que chaque arrivée n'est qu'une étape, parce qu'il est vital de ne pas s'arrêter, la route se doit d'être reprise. Plus loin encore. Vers une nouvelle étape. Vers un nouveau chapitre. Vers Bagdad.