Les frères Nelson ont mis le paquet pour leur comeback. Conjointement à la sortie de Lightning Strikes Twice, Lion Music propose non seulement un album live, enregistré durant leur âge d’or, mais aussi un disque bourré de démos de ce qui allait donner After The Rain, leur méga-succès de 1990. 18 démos. De hard-FM. Pendant 75 minutes. Autant dire que la crise de nerfs pouvait se déclarer à tout moment… et finalement, c’est peut-être là, dans cette mise à nu, que le talent des jumeaux se révèle le plus.
Déjà, par démos, n’entendez pas : « morceaux répétés avec une guitare en carton au fond d’un garage ». Les versions qui nous sont proposées sont des titres travaillés, tous les instruments ayant été pris en charge par les Nelson. Il ne manquerait qu’une vraie batterie – et encore, la boîte à rythme est plutôt bien programmée – en plus d’overdubs de chœurs et de guitare pour que ça sorte sur le marché, mais dans ce contexte ça ne gêne pas le moins du monde. Au contraire, ces morceaux bruts permettent de se passer des éventuels solos de sax et autres « waooooo-hooooo » qui rajoutent de la guimauve à défaut d’intérêt. Et ça place les deux frères au premier plan, qui démontrent qu’en termes d’harmonies vocales, ils en connaissaient déjà un rayon et les entendre comme cela, sans filet, est un petit plaisir. En même temps, vu que nombre de leurs refrains se basent sur ces mêmes harmonies, mieux valait ne pas se planter…
Donc oui, les fils de Ricky sont de (très) bons chanteurs, capables aussi, malgré leur jeune âge, de se montrer rocailleux et de sonner rock&roll quand la situation l’exige ("Runnin’ Outta Time", le titre le plus burné de cette collection, quoi qu’à ce stade, le terme « burné » reste assez relatif). Mais le vrai choc, c’est que dans le genre hard rock pour radios, ce sont de sacrés compositeurs. Difficile de connaître l’apport de Marc Tanner, crédité comme auteur/producteur lors de ses sessions, mais ce qu’on sait, c’est que dans le lot, il y a une quantité non négligeable de petites bombes. Parmi les titres qui figureront sur After The Rain, il faut citer "Bits and Pieces", très classique dans sa structure mais dont le refrain fait mouche ; mais pas autant que celui de "Will Ya Love Me", qui est du genre de celui qui ne vous lâche plus, jamais. C’est à la fois complètement cucul et totalement irrésistible, un vrai tour de force, sans ironie aucune.
D’ailleurs, que ce soit le hard-rockabilly de la fofolle "(It’s Just) Desire", le gentil groove de "I Can Hardly Wait" ou la délicatesse d’"Everywhere I Go", la plupart des démos de leur premier album sont des mini-cartons, aptes à jouer avec nos cordes sensibles sans verser dans le racolage. Mais ce qui intéressera les fans déjà convertis à nos chères têtes blondes, ce sont les dix titres restés depuis dans les cartons, si ce n’est un, "You’re All I Need Tonight", qui finira par trouver sa place sur… Lightning Strikes Twice, vingt ans plus tard ! Mais pour ces rejetés, il faut bien dire que le niveau baisse d’un ton. Les ballades sont plus mélo ("I Wish" ou "Love Is All We’ve Got", sortez les mouchoirs), les titres hard sont plus génériques ("Let’s Get This Show on the Road" ; "It’s Gotta Get Better"). Restent quelques bonnes surprises, comme la déjà citée "Runnin’ Outta Time" où les Nelson y mettent l’énergie nécessaire, ou "Far Away from Home", aux lignes vocales assez solides pour laisser une bonne impression.
Comme de plus l’album est assez déséquilibré (tous les titres d’After The Rain se trouvent sur la première moitié), on ne quitte pas ce recueil de démos sur la meilleure des impressions. Mais tout de même, dans ce genre honni, il n’est pas difficile de se rendre compte que le groupe était bien au-dessus de la mêlée. Si le hard FM est votre rayon, n’hésitez pas à vous faire plaisir : ces deux-là connaissent leur affaire. C’est de famille, paraît-il.