Virgin Steele faisant partie des groupes avec lesquels j'ai découvert le merveilleux monde du heavy metal, j'ai longtemps guetté chaque nouvelle sortie avec une certaine impatience. Une impatience qui a fini par s'effacer peu à peu, victime de l'érosion du temps autant que de l'évolution vers un style toujours plus ampoulé, qui fait que le Virgin Steele d'aujourd'hui ne correspond plus vraiment au groupe sur lequel j'ai flashé à l'époque. Désormais, c'est même avec une petite peur de la déception que j'appréhende chaque nouvel album…
Et je peux vous garantir que cette chronique de The Black Light Bacchanalia, je l'ai déjà repoussée à plusieurs reprises. Si je l'avais écrite il y a un mois, elle aurait même probablement fini parmi les coups de gueule de la rédaction. Il faut dire que cet album ne s'apprivoise guère facilement. Une fois de plus, il est rempli à ras bord, presque comme d'habitude serait-on tenté de dire ; pour être plus précis, disons que sur la forme, on se rapproche d'un Visions Of Eden bis, c'est-à-dire pas d'interludes, mais 11 titres dont un certain nombre de pavés dépassant les 7 minutes. En revanche, pas de trace des fulgurances musicales de ce dernier, qui avait pour spécialité de nous sortir LA mélodie qui tue, au chant, à la guitare ou aux claviers, au moment où on ne l'attendait plus. Ce n'est pas le cas ici, comme en témoigne le rôle ingrat alloué à Ed Pursino, qui n'apparaît que sur une petite moitié de l'album et passe le plus clair de son temps à aligner uniquement des accords en toile de fond plutôt que des riffs. Plus que jamais, Virgin Steele est la chose de David DeFeis et les claviers règnent en maître, sauf que le frontman ne semble pas au top de l'inspiration musicale et peine à nous proposer des mélodies véritablement marquantes. Du coup, si on fait abstraction du chant pour se concentrer uniquement sur la musique, on ne peut que déplorer la grande faiblesse d'un certain nombre de morceaux. Du coup, si vous vous demandez s'il y a des longueurs, la réponse est évidemment oui.
On est en terrain connu sur The Black Light Bacchanalia, sur lequel on retrouve les grandes lignes de l'identité du groupe, notamment celles qui font qu'il n'y a quasiment pas de juste milieu : Virgin Steele, tu l'aimes ou tu le quittes. En premier lieu, la production cheapos. A l'écoute de certaines orchestrations, on se prend à rêver de ce qu'aurait pu être le résultat si Virgin Steele avait disposé d'un budget de production en adéquation avec ses ambitions ; puis rapidement, on se réveille et on revient à la cruelle réalité : DeFeis ne sait déjà pas faire sonner correctement une guitare, alors un orchestre symphonique… La palme revient à la batterie, qui sonne si synthétique qu'on croirait avoir affaire à une boite à rythmes. Une impression renforcée par le jeu mécanique et sans la moindre imagination de Frank Gilchriest. Autre point qui a souvent tendance à diviser : le chant de David DeFeis. Le bonhomme confirme le virage amorcé ces dernières années, avec un chant heavy un peu en retrait et une certaine tendance à minauder qui peut s'avérer irritante à la longue, comme sur le refrain de "The Orpheus Taboo" ou sur la fin de "In a Dream of Fire". En revanche, il est toujours capable de nous surprendre au coin du bois pour nous montrer quel grand chanteur il est. Il suffit d'écouter un titre comme "The Tortures of the Damned", où son chant à fleur de peau, tout en émotion, transcende cette compo calme et minimaliste.
La direction générale de ce nouvel album est assez calme. Si vous comptiez renouer avec des brûlots à la fois épiques et et très heavy à la "Agony and Shame", c'est râpé. Le ton est donné dès le premier titre "By the Hammer of Zeus" : le départ costaud avec un cri rageur et des guitares acérées est un trompe-l'œil, car rapidement DeFeis opte pour un chant très posé, à l'image de ce titre en général. Le refrain résume bien cette idée : la mélodie vocale est quasiment la même que sur "Immortal I Stand", qui ouvrait Visions Of Eden, mais sans le côté flamboyant. Il faut attendre la 8ème piste et "The Black Light Bacchanalia" pour avoir droit à un vrai riff de guitare et même… une batterie qui groove (!), et encore, cela ne concerne que le couplet. Au final, Virgin Steele n'envoie vraiment le bois que sur "Necropolis", dont la dynamique est quelque peu brisée par un break un peu long. Est-ce un mal ? Pas forcément. Cet album nous offre pas mal de bons moments sous une forme peu habituelle pour du heavy, notamment au niveau des arrangements. Prenons "In a Dream of Fire" : très peu de groupes auraient pu écrire ce genre de titre, heavy dans l'esprit, mais très soft dans le rendu, avec la part belle réservée aux claviers. Idem pour "Pagan Heart" ou le pavé "To Crown Them With Halos", qui enchaîne lui aussi des mélodies soignées, et sur laquelle Josh Block profite du peu d'espace réservé à la guitare pour envoyer un superbe solo tout en harmonies.
Avec The Black Light Bacchanalia, Virgin Steele fait du Virgin Steele, et ce n'est pas pour cette fois que le groupe mettra d'accord tous les fans de heavy. Déjà, pour tous ceux qui considèrent que le heavy se doit d'être percutant et efficace, à la Accept, ce n'est même pas la peine d'essayer. Impossible d'apprécier cet album en étant allergique au côté précieux de Virgin Steele, qui s'exprime plus que jamais sur ce nouvel album. Pour les autres, vous pouvez tenter l'expérience, même si on pourra regretter, malgré quelques bons moments, un certain manque de rythme et d'énergie.