Tiurida, c’est la force tranquille. Le vieux guerrier revenu de toutes les batailles, de tous les naufrages, des cicatrices plein le torse et des visions plein la tête, et qui raconte aujourd’hui ses périples au fond d’un troquet avec la plus grande décontraction, tandis que les jeunes générations l’écoutent religieusement. Et comme il sait que quoi qu’il fasse, il les a dans la poche, il peut se permettre de ne pas trop se fouler. Mais là, il y est peut-être allé un peu fort…
Dans Tiurida, il n’y a pas de chichi, pas de superflu : une intro, une outro, un interlude instrumental et au milieu de tout ça, quatre récits articulés autour d’un ou deux riffs, chacun, où l’originalité n’est pas la priorité. L’instrumentation ? On ne peut plus typique pour le genre, avec cordes, flûtiaux, guitares rageuses, chœurs vaillants ou growl selon l’humeur du moment. La rythmique ? Bloquée sur le mid-tempo, avec des variations infinitésimales d’un titre à l’autre, si bien qu’on aurait pu nous vendre ça comme un bloc de 40 minutes, c’aurait été pareil. Et n’oublions pas les inévitables séquences « bruitages de relaxation » à base d’orage grondant, de vagues, d’oiseaux qui gazouillent, de cors qui sonnent la charge… et voilà, Falkenbach a réussi l’exploit de nous proposer L’album folk-metal générique par excellence, celui qui regroupe tous les fondamentaux du genre, et rien de plus. Si bien qu’on pourrait s’arrêter là et classer l’affaire comme strictement réservé aux ultra-complétistes en la matière…
… à ceci près qu’à y revenir, à ce générique, on y prend goût. Et ça, pour le coup, c’est le phénomène inverse de ce qui se produit habituellement quand on est confronté à du 0% originalité. Mais rappelez-vous : le bonhomme est un vieux briscard. Ses thèmes, s’ils n’ont rien de fantastiques à la première écoute, sont malgré tout de ceux qui viennent vous titiller gentiment pour y revenir, par simple curiosité… et pour finalement se prendre volontiers au jeu. Il n’y a pas plus connaud que la mélodie de "Tanfana", pas plus évident que la progression d’"In Flames" ; mais c’est cette évidence mélodique, justement, qui fait la différence à partir du moment où elle est liée au son que Vratyas a patiemment forgé : précis, brumeux, un vrai concentré d’atmosphères guerrières qui n’interdit pas les moments d’attente, de repos. Avec ce sens de l’équilibre, de la juste mesure, Falkenbach marque des points ; et peut, du coup, se permettre d’assurer le strict minimum sans retour de bâton.
Quand même, plus de cinq ans pour pondre un bréviaire du folk-metal, certes efficace, mais sans d’autre touche personnelle que l’expérience des années, certains risquent de trouver ça un peu fort de café. Reste que bouder son – relatif – plaisir à l’écoute de Tiurida serait tout aussi gonflé. Et puis, s’en sortir aussi bien à partir d’une matière aussi recyclée, ça force le respect, à défaut d’enthousiasme.