Le doom est une affaire de lose, c’est entendu, d’ailleurs, c'est rigolo, on en parle aussi trois chroniques plus bas. Mais reste à savoir, cette lose, ce qui l’a provoquée : ce chien de destin, ce bâtard de hasard, ou bien un caractère qui brille par son inaction, sa désinvolture, une indifférence générale qui ne sait plus très bien où trouver sa source ? Être en mode fuck off pas parce qu’on ne sait plus faire autrement, mais parce que c’est cool, tu vois ?
Partir sur ce pied-là, c’est en venir à un point où le doom n’a plus rien d’un exorcisme, ni d’un grand déballage ; ce serait plutôt un état d’esprit, un style, et par extension une stylistique, qui n’a plus d’intérêt que dans l’application pointilleuse de ses codes. Le « respect des anciens » y sera, et si les mecs sont doués on pourra même y retrouver une atmosphère rampante et vénéneuse, mais pour le feu sacré, faudra repasser. Et ce que donne à entendre Surtr sur World Of Doom, c’est exactement ça : une musique qui a le timbre, la lenteur, mais qui passe à côté de l’essence. Voire même : qui se plante sur l’essence, en confondant mollesse et amateurisme. Nous parlions d’application un peu plus haut, mais le mot est un peu fort pour un trio qui peine sur ses mises en place, soit par incapacité – pardonnable sur une démo, moins sur une sortie « officielle » - soit par choix conscient, auquel cas il va vite falloir revoir son optique… entendre une batterie à la rue sur les sections lentes de la "Part III", ça ne crée pas une ambiance instable, ça donne d’un plutôt l’impression d’un groupe qui peut se casser la gueule à tout moment et ne jamais s’en relever, et ça déconnecte violemment de l’expérience.
Cette dernière, en même temps, était déjà en péril au moment où le chant a fait son apparition. Sous-mixé et frêle, il est de plus méchamment approximatif en début de parcours, ce qui, couplé au côté hésitant de la rythmique, laisse sur une bien mauvaise première impression. Ce qui rattrape un tant soit peu Surtr sur la longueur, c’est sa capacité à pondre des riffs efficaces, sans trop s’essoufler, et à savoir doser avec jugeote les attaques rythmées et les descentes bien lourdes. C’est au moins ça… et ce sera aussi à peu près tout, car ces cinq parties, qui se suivent et dont le découpage reste arbitraire, sonnent plus comme des blocs de riffs que comme des compositions abouties et achevées. On s’en rend d’autant plus compte que le titre le plus « écrit » de World Of Doom est… la reprise de Reverend Bizarre, "Doom Over the World", que nos Français doivent adorer vu qu’ils s’en sortent bien dans cet exercice ! Mais la parenthèse prend vite fin et on retombe dans l’enchaînement de riffs, bien foutus encore une fois, mais auxquels il manque un liant et un développement, problématique pour un album qui se voulait conceptuel.
Désolé, mais pour quelques-uns, le doom, c’est plus qu’un rythme lent, une guitare sous-accordée et du diabolus in musica en veux-tu en voilà. Avant de vouloir en faire, qu’est-ce que l’on cherche à dire ? À l’écoute, Surtr ne semble pas vouloir répondre à cette question. Et se contente de balancer ses plans, sans se fouler, attirant l’oreille quelques fois et la repoussant 30 secondes plus loin… jusqu’à ce que l’on retourne à nos valeurs sûres.