« Hep ! Vous là-bas ! Oui, vous ! Je vois à votre mine défaite que vous ne vous êtes toujours pas remis du split du Reverend Bizarre, c'est bien ça ? Oui... hum. Et la fin de carrière studio de Candlemass - en feignant d'y croire - n'a pas dû arranger votre teint, je me trompe ? Non. Bien sûr que non. Ça se voit. Vous avez écouté le dernier Isole ? Mmmoui. Clairement pas au niveau du groupe, nous sommes bien d'accord. Mais rassurez vous, pour seulement une bouchée de pain, vous pouvez acquérir le nouvel album de Surtr ! Garanti 100% doom. Et Made In France. On s'adapte au marché vous savez. Le sourire en coin, sur votre visage, c'est bon signe ? Non parce qu'avec vous, les doomsters, on ne sait jamais... »
Ni une ni deux, Surtr dévoile cette année son second album, Pulvis et Umbra, après un premier album à l'artwork catastrophique et globalement (très) mal accueilli par la critique. Ce sont des choses qui arrivent. La leçon semble néanmoins avoir été retenue par nos doomsters nationaux. Cette fois-ci, l'artwork est austère mais pas immonde et l'album est... bon, et sûrement pas raté. Bon, ce n'est pas l'album du siècle, on s'en doute, mais il mérite toutefois que l'on s'y attarde. Surtr (prononcer « sû-te-rê » apparemment, comme dans le morceau "Rise Again") développe ici un doom des familles, plus traditionnel que la cuisine de belle-maman (qui est un peu doom aussi, il faut bien l'avouer). Au fil de morceaux ni trop longs ni trop courts et laissant s'installer les mélodies, le jeu est globalement mid-slow-tempo. Néanmoins, Surtr ne se prive pas de quelques accélérations ponctuelles, allant souvent de pair avec un chant grogné-hurlé. C'est le cas de "Rise Against", qui s'emballe lors d'un final vindicatif. De ce point de vue, la recette traditionnelle du Sabbath, à savoir la cohabitation de passages doom et de passages plus vifs est parfaitement appliquée et maîtrisée.
Sur les passages les plus lents, une ombre se dessine particulièrement : celle, épique, de Reverend Bizarre. Simplement pour mieux situer la chronique, prenez note que malgré son statut de groupe culte, je n'ai jamais pu adhérer totalement au Reverend, que j'estime trop plat (blasphème, je sais) en comparaison d'un Candlemass bien plus vivant. Or, c'est bel et bien de Reverend Bizarre que Surtr semble s'inspirer principalement, notamment au niveau des lignes vocales, très proches de celles du groupe finlandais. Le groove général laisse également transparaître l'influence. C'est flagrant sur "Sonic Doom". La basse chaloupe elle aussi de temps à autre et permet à l'album de conserver une dynamique permanente malgré sa lenteur globale ("The Call", "I Am The Cross"). Finalement, peu de gros défauts sont à signaler sur ce Pulvis et Umbra qui sera une terre connue d'avance pour tout amateur du style. On regrettera néanmoins - et Surtr n'est pas la seule formation dans ce cas, loin de là - un chant correct mais vecteur de trop peu d'émotions. Chanter correctement est une chose, toucher la corde sensible en est une autre.
Pulvis et Umbra est un bon album méritant bien son 12/20, son 3/5, son 1,5/2,5 (la magie des fractions !). Une note honorable, reflet d'un album l'étant également, qui montre que le groupe, malgré les critiques acides ayant visé leur premier opus, a su relever la tête. Très classique, cet album s'inspire des maîtres nordiques, certes sans leur faire d'ombre, mais sans non plus leur faire honte. Mention « Assez Bien » avec encouragements du jury et incitation à affirmer sa personnalité pour la prochaine fois.