Après 2 ans d’absence, les pirates remettent pied à terre, et ils entendent le faire savoir. Une page se tourne, et le règne du Captain Morgan sur les sept mers semble révolu. Les gars d’Alestorm nous parlent maintenant d’autre chose, de Back Through Time, leur dernier méfait en ce bas-monde. Ce troisième voyage n’en est pas vraiment un, puisqu’on a plus souvent l’impression d’être au port à trainer dans des coupe-gorges infestés de vermines plutôt que de voyager fièrement, un pied sur la proue du bateau, le visage au vent, en quête d’aventure.
Car Back Through Time marque un changement notable dans l’ambiance générale de la musique du groupe de pirates écossais. Le son est cette fois un peu moins speed, parfois un peu moins puissant au niveau de l’orchestration, mais une ambiance beaucoup plus poussée, beaucoup plus pirate alcoolique et taverne crasseuse. Les thèmes sont d’ailleurs tous plus loufoques les uns que les autres : il y aura une chanson sur un nain ("Midget Saw"), une chanson sur le rhum ("Rum"… tout simplement), une piste de 6 secondes à laquelle on ne comprend pas grand-chose pendant laquelle le groupe hurle "Rumpelkombo" (d’où le titre… "Rumpelkombo") et dont on ne retiendra rien, et des ambiances de tablées de pirates très imbibés au milieu de la nuit dans des bars malsains ("The Sunk’n Norwegian")…. Dans le genre « bizarreries », dont cet album ne manque pas, on peut également noter la présence d’une reprise d’un chanteur de folk canadien, Stan Rogers, dont les paroles sont également inspirées du thème pirate, et qui est sorti pour la première fois en 1976.
Hormis quelques passages de-ci de-là (notamment la première chanson, éponyme, "Back Through Time", ou Alestorm s’en prend aux vikings… pourquoi pas) on s’éloigne assez sensiblement de l’ambiance pirate épique des précédents albums, pour plonger dans les profondeurs crasseuses de tavernes insalubres afin d’écouter les élucubrations sans queue ni tête d’une bande de pirates complètement saouls, tellement qu’ils en deviennent presque inoffensifs. Finies les puissantes mélodies épiques qui avaient fait l’apanage des deux premiers albums, avec des chansons comme "Over the Seas", la mythique "Captain Morgan’s Revenge", "The Quest", "Black Sails at Midnight" et bien d’autres encore… l’ambiance de cet album donne plus l’impression que les pirates étaient partis en quête pendant les deux premiers albums (voire trois si l’on compte la démo Battleheart qui était d’une grande qualité), et qu’ils reviennent enfin au port, avec pour seule envie de se saouler. Résultat : comme toujours, les hommes sont moins efficaces quand ils sont imbibés, et une attaque de pirates saouls, ça tombe souvent à plat…
L’esprit de quête est beaucoup moins présent, et par la même occasion cela estompe un peu le côté « gentil pirate » que pouvait avoir Alestorm, avec des chansons épiques et puissantes, tels des héros au cœur pur qui partiraient en quête avec pour seules armes leur épée et beaucoup de courage. Ici, Alestorm parle d’alcool, de prostituées, de déchéance et de sang versé. Une chanson cependant marque les esprits, tant par sa musicalité mélancolique que par ses paroles, et pourrait d’ailleurs être le symbole du changement d’ambiance de ce dernier album. Il s’agit de "Scrapping the Barrel" : la chanson commence par des paroles assez tristes, qui expliquerait pourquoi cet album n’est plus du tout dans l’esprit épique, puisqu’ « il n’y a plus d’histoires à raconter, ou de batailles à se rappeler », comme si une période s’achevait… mais plus encore cette chanson constitue presque d’un règlement de compte, envers les gens qui ont toujours craché sur Alestorm en brandissant l’argument « Running Wild l’a fait avant vous ». Révélation étonnante donc au milieu de l’album, Alestorm crache son venin à la manière d’un pirate chancelant au milieu d’une rue déserte en pleine nuit « si t’es pas content, va monter ton propre groupe et laisse-moi tranquille ». Voilà, c’est dit.
À noter tout de même, que l’album se finit par un titre plus long que la moyenne, intitulé " Death Throes of the Terrorsquid", pendant laquelle l’équipage se fait attaquer par un monstre des mers, au son d’un black symphonique… d’un black symphonique ?? …Ah oui. Donc Alestorm nous fait du black symphonique directement pompé sur Dimmu Borgir pour signifier bien clairement qu’avec le monstre marin, c’est pas la fête, et que son cri est proprement démoniaque. C’est inattendu, objectivement pas mauvais, mais tellement bizarre qu’on ne sait pas très bien comment réagir. L’alliance des sonorités n’est pas désagréable mais semble malgré tout un peu fausse, pas forcément spontanée. Donc pour résumer, les gars d’Alestorm ne sont plus gentils et mignons. Leurs poils ont poussé et ils ne veulent plus seulement partir en quête joyeuse pour trouver le trésor, maintenant ils veulent aussi se saouler toute la nuit et passer du temps avec des filles de joie. Ce sont des pirates sanguinaires on vous dit. En tout cas ils le disent. Et cet album plus tourné « côté obscur du pirate » pourrait commencer à nous le faire croire.
Toujours est-il que cet album, bien que moins épique, moins puissant et moins speed que précédemment, constitue aussi un certain changement musical, pour quelque chose de plus fidèle à l’esprit de la piraterie, ancré dans le péché et les plaisirs terrestres. Cet album est donc intéressant, et ne donne qu’une envie : savoir comment vont évoluer les aventures futures des Heavy Metal Pirates.