Bon, soyons honnête, d'Amartia je ne connais rien. Point négatif : pas de longues tirades sur l'évolution ô combien profonde et torturée d'une formation riche et variée etc. Point positif: aucun, je sais. Mais il fallait bien tenter une justification hasardeuse de ma procrastination musicale. Découvrons donc ensemble le troisième album full length du groupe, afin qu'Amartia devienne un peu plus qu'un nom chargé d'a priori positifs, amenés par la marée d'une blogosphère enthousiaste. Musique !
La première écoute est déstabilisante. En consultant le fichier secret et illégal mis en place par Sarkouille et ses sbires afin de retracer tous les antécédents musicaux des groupes hypothétiquement contestataires, on trouve Amartia vaguement rangé dans le manoir à l'abandon du rock à tendance gothique. Rien à voir à première vue avec l'album disséqué en ce jour. In A Quiet Place est décomposé en trois parties, et la première, Lights Of Hope, fricote plus avec la Country des rednecks qu'avec les dépressifs aux ongles noirs. "Magical Harmony" en est la meilleure illustration : les guitares folk sont omniprésentes, et le chant de Britta fait tout le travail. Pas grand chose à voir avec le petit monde du progressif, les morceaux à la structure basique sont légion. Choix du groupe, plus grande facilité d'accès, musique plus parlante, pas de problème, l'idée se respecte. Mais les tremolos surfaits de Vincent non, c'en est trop.
Pourquoi les accepter ici quand on les conspue sur les plateaux d'émissions consternantes, Nouvelle Star en tête ? Il aurait fallu qu'on s'imagine une assemblée noire-américaine dans une des mega-churchs des états du Sud, et la seule image qui vient à l'esprit est celle d'une rangée de figurants qui poussent la chansonnette en se dandinant pour accompagner un crooner vulgaire. Vient ensuite "Not Heal Yet". Plus raisonnable, moins exubérant, le morceau joue enfin dans la cour des grands : les guitares quittent leur rôle d'accompagnement pour poser, aidées par le piano, une ambiance mystique, éthérée, très légère. Juste ce qu'il fallait pour mettre en valeur la voix de Britta, bien plus à l'aise lorsqu'il s'agit de toucher droit au but grâce à son timbre, qu'en cherchant la sophistication sur "Chosen One" ou "Child Fire".
Plus le disque avance, plus cette tendance se renforce : nombreuses sont les chansons qui évoquent le fantôme d'Opeth, en particulier la période naphtaline de Ghost Reveries. Mêmes cordes pincées, mêmes rythmiques lentes et posées. Seule la finalité varie, puisqu'on touche aux notes aériennes plutôt qu'aux cavernes des growls. Dommage que cette tendance reste assez superficielle. L'album adopte l'apparence d'un opus progressif, sans en avoir la structure réelle. Ainsi, "Not a Detail" ou "Child Fire" lassent très vite. Oui, l'approche est très rapide, mais la fatigue également. Il ne vous faudra pas explorer trop longtemps le disque pour l'apprécier, mais vous le rangerez bien vite après l'avoir avalé goulûment, comme une friandise. Il n'y a pas de chocolat sous le glaçage. Ou de chewing-gum au centre du bonbon, pour ceux qui aiment jouer des mandibules. Avec une énorme exception : "Blood Brothers".
Placée au centre de l'album, vlatipa le rayon de soleil ! Une intro entre piano et violon, un air magnifique, et une Britta qui maintient tout au long de la piste une étrange tension, en dosant parfaitement une étrange colère cachée entre les notes. Dommage que ce ne soit pas d'eux mais de Maiden, et dommage que ce petit détail ne soit précisé nul part. Ce qui aurait pu éviter au moins une humiliation publique, celle d'un pauvre chroniqueur qui n'a jamais écouté Brave New World, et qui voulait faire découvrir à tout son entourage cette nouvelle composition fan-ta-stique. Hem Hem. D'ailleurs, placer une reprise au centre d'un album construit en plusieurs parties, c'est plus qu'original, et ce n'est qu'un des arguments qui poussent à faire de l'album un usurpateur du statut progressif.
Retour à la première personne pour la conclusion. Ce disque me frustre. Un groupe français sort un album dans mes cordes, et je m'avère incapable de l'apprécier. Oui, le duo au chant est bien accordé, juste et varié dans ses interprétations. Oui, les textures de clavier et la belle symbiose instrumentale sont bien plus qu'un accompagnement. Et pourtant... C'est rageant, et c'est en totale contradiction avec le chauvinisme que j'aime adopter lors d'une chronique d'un groupe hexagonal. Oublie donc ce pamphlet raté. Même si mon rhésus semble incompatible avec celui d'Amartia, je donne tout de même sa chance à cet album. Parce que parfois, c'est l'auditeur qui s'avère bien incapable d'être touché par une création, et pas l'inverse. Désolé.