Negurã Bunget ce petit groupe venu de Transylvanie, plutôt de Roumanie mais l’aspect poétique consubstantiel de cette région si célèbre est alors perdu, nous revient pour un nouvel album de black roumain. Hein? Black roumain? Quézaco? Disons tout simplement que l’opus précédent Maiastru Sfetnic (dont nous tairons la traduction par égard à notre lectorat le plus jeune) était suffisamment différent du black commun (sic) et original pour oser écrire cette offense respectable qu’est donc « black roumain ». A base d’atmosphère transylvanienne (on y revient) et de rythme totalement déjanté, le black fou de Negurã Bunget mérite bien son appellation d’origine contrôlée.
Cette fois-ci que nous réserve le groupe? Ne vous inquiétez pas, la digression musicale fait toujours partie de leur vocabulaire et les compositions continuent dans cette voie si particulière empruntée. Pour autant la déstructuration évidente qui frappait le précédent album de son sceau est ici moins marquée. La fabuleuse chanson qui ouvre l’album est là pour en attester. Même si le batteur conserve son jeu terriblement caractéristique quasiment tout le temps sur le fil du rasoir en terme de logique, l’ensemble (pesant la bagatelle de douze minutes, soit la plus courte piste de l’album) est désormais nettement plus fluide, mélodique et abordable. Le fil conducteur est réel avec des riffs qui reviennent plus fréquemment et surtout basés sur un modèle plus proche des canons du genre auxquels nous sommes habitués. Plus proche ne signifiant pas copie, oh non! Negurã Bunget possède son âme à lui et cela se ressent toujours autant dans les compositions. Mais cette intro familière à base de bruits de fond inquiétants et des riffs dans la plus pure veine black metal nous mettent bien confortablement sur le trône.
Le groupe se serait-il calmé? Que nenni mesdames messieurs! II déboule immédiatement avec ses expérimentations beaucoup plus marquées comme pour prouver que le groupe déborde non seulement d’idées mais aussi de grains de folies. Qu’importe, la surprise est ici bonne à prendre même si parfois le trio pousse le bouchon un peu trop loin. Le passage à la guitare sèche qui s’étend de la troisème à la quatrième minute est tout bonnement magnifique de mélancolie. Rarement telle atmosphère ce sera faite musique. En plus le chant clair apposé dessus est quelque peu… étrange. A l’image de la musique du combo. Cette II est d’ailleurs dans l’ensemble formidablement décalée du black metal standard. Car voilà la caractéristique principale du groupe, il navigue dans la flotte black metal mais a une furieuse tendance à orienter son gouvernail dans la direction opposée toute. Tant et si bien qu’on ne peut plus parler de black metal par moments. Ni même de metal d’ailleurs. Car lorsque une guitare sèche vous abreuve d’accords accompagnée de ce chant clair réellement dérangé et déroutant on ne pense pas au metal. C’est juste hautement atmosphérique.
Et nous tombons sans nous en rendre compte que la deuxième caractéristique essentielle du groupe, l’indispensable part atmosphérique de sa musique. Entre les passages précités et les claviers (car oui, le groupe use de claviers) on se trouve entouré d’une épaisse atmosphère. Pas tout le temps glaciale, pas tout le temps mélancolique. Toujours l’une ou l’autre. Préparez-vous à un voyage long (cinquante-cinq minutes de musique pour quatre chansons quand même) et tortu(ré?)eux. Car les claviers ne jouent pas dans la catégorie grandiloquents pour notre plus grand plaisir mais apportent par de longues nappes de fins brouillards surfant sur le sol matinal.
En tout cas, laissez-vous happer dans ce voyage si dépaysant et déroutant. L’aventure est longue, mais beaucoup plus facile d’accès que sur Maiastru Sfetnic. En plus vous en aurez pour votre dose de black tantôt purement atmosphérique, tantôt lancinant, tantôt ultra rapide. Entre temps vous serez tombés dans des mares de bizarreries mais soyez sûrs que ça vaudra le coup. Pour ma part je suis mucho cliente.
P.S: si il y en a encore, pensez à prendre l’édition limitée format A5 avec un superbe packaging et … un bout de feuille de sapin!! (ça ne s’invente pas)