Bruce Dickinson. En v’là un type qu’en a fait des choses… Entre son rôle de pilote de l’Ed Force One pour emmener son groupe en tournée tout autour du globe, ou celui de reporter aux commandes d’un tank Russe, ou encore derrière un micro de la BBC pour animer son talk, il en a fatigué des gars, rien qu’à gesticuler. Et non content d’être le frontman d’un des plus grands groupes de Heavy, sinon le plus grand, bah il se paie le luxe de vouloir capitaliser sur son propre nom. Retour sur le dernier album de Bruce Dickinson, le groupe.
Enfin, quand je dis « groupe », ce n’est pas tout à fait exact dans la mesure où le line up parfait aligné pour Accident of Birth(1997) et Chemical Wedding (1998) (deux albums fondamentalement très TRES bons), à savoir Roy Z et Adrian Smith aux guitares, Eddie Casillas à la basse et Dave Ingraham à la batterie, a été réduit au duo initial formé par l’homme qui signe d’un Z ses magnifiques parties de shred et la Air Raid Siren. Oui. C’est incompréhensible. Pourquoi incompréhensible ? Bah retournez écouter "Accident ofBirth", "Darkside of Aquarius", "Book of Thel" ou "Trumpets of Jericho" ! L’alchimie entre eux était parfaite et ces deux albums trop peu connus, et reconnus, n’étaient qu’enchainements de morceaux métalliques finement ciselées. Donc lorsque en 2005 j’ai appris la sortie de ce Tyranny of Souls, enregistré à deux, alors que Bruce-Bruce était en tournée avec Maiden et Roy en studio avec le Priest pour Angel of Retribution, j’ai commencé à craindre le pire. Non pas que la carrière solo du Britannique soit parfaite, mais il n’avait, jusque là, à rougir d’aucune de ses sorties.
Une intro nous chope doucement, une voix posée, un riff distordu, un cri, des échos. Une intro d’1’30 quoi. Mais l’enchainement avec "Abduction" calme sérieusement. Parce que les guitares sont aiguisées, un riff en harmonie sympatoche attaque alors que le couplet se pose, tranquille, puis arrive une rythmique soutenue amenant un refrain à la "Maiden". Un court déchainement de double (WTF?) pour repartir avant d’attaquer sur un solo à la Roy (comprendre du shred-mélodique) et de terminer le morceau de quatre minutes comme s’il n’en avait duré qu’une. Diantre ! A peine le temps de souffler qu’on est cueillis par une rythmique à la double pour introduire un morceau un poil moins intéressant, dans la veine de Chemical Wedding en moins inspiré. La troisième piste, "Kill Devil Hill", est juste très chouette, entre couplets déclamés et refrains envolés et un final d’une infinie douceur. "Navigate theSeas of the Sun" vient se placer à hauteur de la power ballade de 1994, la terrible "Tears of the Dragon". Mélange électro-acoustique, batterie légère et un Bruce qui n’en finit pas d’être à la fois doux et mélancolique. Et comptez encore une superbe intervention de six cordes pour l’enrobage…
"The River of no Return" est mortelle, entre son entrée en matière calme et son putain de refrain (quelle voix quand même !) alors que "Power of the Sun" se rapproche d’Accident of Birth, l’album, mais dans le genre "morceau à la rythmique soutenue" on a vu mieux. "Devil on a Hog" en HardFM n’est pas convaincante pour un sous mais placée juste derrière, "Believil" et ses effets rigolos, ses parties vocales allumées et son ambiance tout droit tirée de Chemical Wedding achève de nous convaincre. L’album est bon. J’aurais presque tendance à dire "c’est étrange", parce que voilà : Roy Z signe presque toutes les parties et l’ensemble est à la fois homogène et terriblement Dickinsonien. Un sacré duo quoi. Ah, j’oubliais le morceau-titre est tout bien. Simple, pas franchement alambiqué, pas trop original non plus, mais une fois encore, efficace et mélodique, le "groupe" éclate les préjugés qu’on avait mis quelques temps à bâtir. Oui, l’entité peut encore écrire de bons morceaux, oui Dickinson possède une putain de voix, oui Roy Z, débarqué un peu de nulle part en 94, est devenu LE mec influent qui produit les grands et qui claque des soli d’une extrême justesse.
Plus globalement maintenant. Ce Tyranny of Souls reste dans la lignée du précédent, en moins dense. Les compos sont un peu moins recherchées, il manque clairement la patte d’Adrian Smith pour épicer un peu les ambiances mais pas au point de les rendre caduques. Côté production, bon, bah Roy Z fait du bon boulot, il n’en était pas à son coup d’essai (il s’est bien chauffé pour Tribe of Gypsies, Halford, Helloween, Rob Rock, Priest…). Je reste un poil déçu par le traitement de la basse qui est vraiment reléguée au rôle de support rythmique quasi-fantomatique mais le tout reste aéré. Les claviers distillent ce qu’il faut, au bon moment, et ne se montre jamais envahissant sans pour autant que leurs interventions soient anecdotiques. David Moreno assure vraiment ses parties, tour à tour massif et léger, classique mais efficace. S’il ne fait pas oublier les prestations d’Ingraham il apporte tout de même un petit côté "trash" pas désagréable du tout. Reste que l’album se ressent tel qu’il a été composé. Deux personnes ont tombé tout le travail, les deux personnes qui se font entendre, les seules à apparaitre dans le livret…
Voilà voilà, encore un album solide et racé pondu par la paire Dickinson-Z. Dommage de ne pas avoir gardé l’équipe précédente, dommage de ne jamais voir ces morceaux interprétés en live, dommage… Mais bon, on ne va pas se gâcher le plaisir, ou se priver de l’écoute de belles pièces de heavy rien que pour ça. La musique parle, c’est déjà pas mal.