Vader -
Welcome To The Morbid Reich
Piotr Wiwczarek (prononcez Vitch… Ouidz… Vji… comme vous le pouvez), c’est un peu le pilier de bar du métal. On sait pertinemment que tous les deux/trois ans, il va débouler chez vous avec son grand sourire et sa bouteille à la main, va ruiner votre salon, tout péter, vider votre frigo et frapper votre chien, puis partir à moitié ivre en vous insultant copieusement. Malgré tout, c’est avec plaisir qu’à chaque fois on lui ouvre la porte et qu’on l’accueille comme on reçoit un ami de longue date, peut-être pas toujours présent mais fidèle à travers les années.
Parce que tout de même, les 30 ans d’anniversaire de la formation du groupe approchent et Vader est toujours aussi radical, sans concession, toujours aussi âpre et brutal. Et là, en 2011, Vader ne nous propose rien moins que son neuvième album, ce qui est loin d’être négligeable pour un groupe de death métal. Enfin, un « groupe »…Vader, c’est (et ça restera) ce bon vieux Piotr, et un groupe de gars qui sont là derrière lui pour tenir la batterie, la basse et la seconde guitare. On ne s’appesantira pas sur le cru 2011, pour se pencher plus avant sur la musique de ce Welcome To The Morbid Reich, allusion directe à la démo Morbid Reich de 1990. Première chose, la production est dans le canon traditionnel des Polonais de ces dernières années : un son agressif mais clair, presque plus thrash que purement death, bien équilibré et franchement agréable. Juste ce qu’il faut d’agression et de propreté pour être efficace.
Le chant de Piotr, c’est l’une des facettes les plus emblématiques de Vader. Ce chant si typiquement de l’école Polonaise, reconnaissable entre mille, est toujours aussi efficace et racé. L’autre facette si typique de Vader, c’est cette approche du riff, pas toujours extraordinairement inspirée mais qui possède en tous cas ce petit truc qui fait que Vader, c’est Vader. Et à ce petit jeu, Welcome To The Morbid Reich est assez contrasté. Il y a des titres percutants et mémorables quand d’autres ne brillent que par leur présence sur la galette. Il y a par exemple l’excellent "Come And See My Sacrifice", varié, flirtant sans honte avec le thrash, qui débouche bien les oreilles. Ou encore "I Am Who Feasts Upon Your Soul" et son côté orchestral rappelant les riches heures d’Impressions In Blood qui avait innové en ce sens – et là encore, le mariage Vader + arrangement fonctionne très bien. De même, "Don’t Rip The Beast’s Heart Out" et ses nombreux solos inspirés (le nouveau guitariste, Spider, n'y est pas étranger), ses riffs techniques et ses blast font partie de ce qui, sur Welcome To The Morbid Reich, emporte sans difficulté l’adhésion de l’auditeur.
Mais malheureusement, le reste de l’album n’est pas forcément rangé à la même enseigne. "The Black Eye", malgré de bons passages mid-tempo, ou encore "Only Hell Knows" et son riff hystérique, ne font pas vraiment partie des titres que l’on gardera en tête en évoquant le Vader de 2011. Et si "Lord Of Thorns" ou "I Had A Dream…" (et son intro qui rappelle le thème de Dark Vador dans Star Wars…clin d’œil ?) passent relativement sans encombre dans les oreilles, elles n’y resteront pas gravées. Et puis il y a la curiosité de l’album, à savoir un réenregistrement d’un titre de 1990, présent sur The Ultimate Incantation (qui avait, soit dit en passant, de bien meilleurs titres que celui-ci, tels que "Vicious Circle" ou "The Crucified Ones"), où l’on a l’occasion d’y entendre un Piotr hystérique avec un flow qui ferait rougir n’importe quel rappeur de la West Coast. Mais ce titre ne reste qu’une amusante curiosité à (re)découvrir. "Black Velvet And Skulls Of Steel" (et son introduction "They Are Coming…") clôturent l’album sur une note lourde et pesante, comme ce fut le cas pour Necropolis ou Revelations. Et là encore, un morceau sympathique avec de chouettes mélodies mais rien de vraiment subjuguant.
Vader, là encore, signe donc un album intéressant, sans doute un peu supérieur à Necropolis, mais tout à fait classique. Plus rien n’étonne vraiment dans la musique de Piotr, et ce qui sera peut-être un critère rassurant pour certains deviendra pour d’autres une raison de laisser tomber le groupe et de passer à autre chose. Reste que Vader, poids lourd du death sur scène, ne semble pas encore sur le point de se faire détrôner. On n’abat pas si facilement une idole, surtout lorsque qu’elle va bientôt fêter ses 30 ans d’existence…