Il y a deux sortes de groupes de thrash. D’un côté, on a les Anthrax, Municipal Waste et compagnie qui aiment s’amuser en proposant un style décontracté et amusant. De l’autre, les Slayer et Kreator qui reprennent le flambeau de Venom et font peur aux mères du village. Il y a aussi le troisième genre, celui qui est un peu des deux. En même temps on trouve qu’ils n’ont pas l’air très sains, et en même temps on se demande si tout ça, ce n’est pas juste pour se foutre de notre gueule. Necronomicon est un de ces groupes, ceux qui se baladent avec 15 kilos de déguisement sur le dos, juste pour te montrer qu’ils ne sont pas la pour se fendre la poire. Alors qu’au final, ils sont plutôt marrants, ces mecs. Et ça se ressent dans leur musique.
Necronomicon n’en est pas à son premier méfait. Si on retrace leur histoire, on se rend vite compte qu’ils étaient déjà là en… 1986 ! Malheureusement, les problèmes de label s’enchainent, et bientôt Volker « Freddy » Fredrich, chanteur et guitariste, devient le seul membre originel du groupe. Après des pauses de plus en plus longues (8, puis 10 ans), le groupe reprend un rythme dans les années 2000, avec trois albums depuis 2004, dont le petit dernier Invictus. Et on sent que malgré leur parcours chaotique, le groupe en veut encore ! Les riffs sont ultra efficaces, écoutez "Possessed By Evil" pour votre passage à tabac quotidien, ou "Upon Black Wings" pour la nostalgie de la NWOBHM. Et c’est bien grâce à cette efficacité que Necronomicon se démarque de ses nombreux compagnons officiant au deuxième millénaire. La guitare, alliée à une double grosse caisse d’une précision et d’une clarté donnant à l’album une impression de rapidité hors norme, enchaine, sans jamais fatiguer, les riffs de plus en plus violents. Mais attention, et là est LE gros plus du groupe, ceux-ci ne sont jamais extrêmes. Vous n’avez pas compris ? Pour prendre un exemple simple, écoutez Sodom (Agent Orange illustrerait bien ma démonstration). Vous remarquerez que vous en prenez plein la tronche (ce sont des choses qui se remarque facilement, généralement). Pourtant, on a comme l’impression d’une non-maitrise, ce qui ne sera jamais le cas de Necronomicon, qui garde un œil sur tout et tout le monde, pour un rendu net et précis du plus bel effet.
Cette impression que tout est calculé, le groupe le doit aussi à la production, claire comme de l’eau de roche. Elle s’approche de celle de nombres de nouveaux albums des plus grands thrasheurs (Exhibit B, Worship Music, mais surtout Enemy Of God, dont le style se rapproche fortement de celui pratiqué sur Invictus). Les basses agressent les tympans, la caisse claire aussi, et la voix est aussi de la partie ! Une voix qui se prête très bien à l’exercice. Le son éraillé correspond parfaitement au thrash sautillant délivré ici, sauf peut-être sur la power ballade "Before The Curtains Fall", un peu en dessous du niveau des autres chansons. On pourra tout de même noter les soli, magnifiquement exécutés et possédant un feeling très agréable, comme sur "Bloody Bastards", ainsi que certains moments plus faibles (le refrain de "Unleashed" aux chœurs insupportables). Ces moments restent très minoritaires, et les passages à l’efficacité renversante gouvernent en maitre la quasi-totalité des 50 minutes que composent ce skeud. Necronomicon s’illustre particulièrement pendant l’ultra rapidité, rendant l’envie de bouger la tête irrésistible ! Cette envie de groove prend carrément l’album en sandwich, grâce aux "Invictus" et "Possessed By Evil", aussi bonne l’une que l’autre, annonçant la couleur au début, laissant un très bon souvenir à la fin. Le groupe réussit même le défi du mid-tempo, là où plusieurs se sont écroulés, grâce à "Face To The Wall", chanson à l’efficacité redoutable.
Bref, un album d’une efficacité rare de nos jours. Je vous parlais d’auto parodie dans l’introduction ? Elle est toujours de rigueur, car la musique délivrée ici, tout en donnant l’impression de sortir tout droit de l’enfer, pourrait paraitre ridicule pour certains à quelques moments (vous n’avez qu’à regarder la pochette pour comprendre). Et bien ceux-ci n’ont qu’à nous laisser nous délecter de ce septième album, en espérant qu’un jour, Necronomicon réussira à récupérer un peu de gloire auprès des amateurs de thrash, ou même de heavy qui n’est pas si loin ici !