Le progressif a toujours été dur à suivre. Sa définition change, si on ne parle pas de ses définitions. C’est ce qui m’a toujours plu dans ce style, on ne sait pas à quoi s’attendre, c’est flou… Par exemple, n’allez pas me raconter que Symphony X puisse être comparé à Devin Townsend. Ils n’ont en commun que la complexité de leurs morceaux, mais si on se limite à ce critère, alors on pourra carrément inclure d’autres albums comme …And Justice For All. Non ça n’irait pas. On pourrait alors se résigner, et considérer le prog comme une sorte de poubelle où on rangerait toute la musique trop originale pour être étiquetée. Dans ce cas, est ce que ceux qui suivent les chemins tracés par les ainés peuvent être considérés comme prog ? Ca devient compliqué, j’ai mal à tête, je passe donc directement à la chronique.
A la première écoute, on pourra tout de suite remarquer que The Moor agit dans un registre assez similaire à celui de Dream Theater : un heavy progressif et technique, avec grosse batterie, son saturé, et voix mielleuse. Toutefois, on pourra noter un changement par rapport à leurs idoles, la complexité n’étant ici pas vraiment de mise. Avec seulement quatre minutes en moyenne pour chaque chanson, la construction est tout de suite moins intéressante, moins captivante et de ce fait, moins attrayante. Ca patauge dans les constructions simples à base de couplets, refrains et breaks, ce qui est un peu décevant lorsque l’on entend la maitrise technique dont les musiciens font preuve. On ne compte donc ici que sur les mélodies et la puissance du skeud. Le tout est de savoir si ces deux qualités permettent d’oublier la facilité d’écoute (après ce n’est pas forcément un défaut, mais il faut choisir son camp). Les mélodies sont plutôt réussies. Voila ça c’est dit, et elles seraient même parfois très réussies. Même si elles font de temps en temps un peu trop kitsch, elles peuvent se révéler d’une douceur étonnante (avec en tête de liste la power ballade "Venice") et d’une musicalité très plaisante. La voix à la James Labrie est un peu le seul défaut ici, vraiment « too much ». A moins de savoir apprécier ce genre de voix, une petite partie de l’album vous fera hérisser les poils à l’écoute de cette abondance de lignes de chants faites en cœur d’ours en chocolat. Seulement parfois, la beauté de la musique surpasse la laideur de la voix, et on oublie ce menu détail (ouais enfin c’est quand même dommage, un chanteur avec une voix insupportable).
Et la puissance donc ? Un seul argument : "Antikythera". Cette chanson est un concentré d’énergie limite thrash, et en plus, quand Lemmy (oui Lemmy Kilmister, la légende, le maitre), vient poser sa voix « phase terminale » sur ce riff entêtant, alors là c’est l’extase. Impossible de se retenir, et on se retrouve vite debout sur son bureau, le poing levé, et le tout en calebar ! C’est dire l’efficacité du titre ! Les harmonies vocales sont puissantes, et le break du milieu, tout en calmant le tempo, est tout aussi efficace. Bon ne vous laissez pas leurrer non plus par mes propos, même s’ils sont d’une qualité étonnante, je le conçois. "Antikythera" n’est pas la seule chanson efficace, loin de là. Tous les titres ont leur passage plus ou moins puissant. Sans aller jusqu’à une transcendance magique, ça reste toujours très plaisant et le headbanging est (parfois) de mise. Le fait est que sur un EP avec seulement 5 titres, difficile de faire ses preuves sur un domaine. L’utilité d’un EP n’est d’ailleurs que d’offrir un avant gout, et The Moor l’a très bien compris ! Il nous offre ici un résumé de son style, qui s’appréhende très facilement grâce à des chansons agréable immédiatement (c’est une qualité dans ce contexte, mais un développement plus poussé aurait été le bienvenu), tout en nous faisant une démonstration de leur talent dans différents domaines : mélodique, percutant ou… Epique ! En saupoudrant son heavy d’une pincée de magie, le groupe nous fait voyager sur un grand bateau au milieu de plaines où vous aurez sûrement déjà posé les pieds, mais qu’importe, c’est toujours bon d’y retourner !
Un EP trop court, donc, où The Moor arrive à nous faire un résumé de tout ce qu’il sait faire. Cinq chansons pour un rendu qui laisse présager du bon, et qui donne envie de regarder la suite, tout en espérant que le groupe arrivera à ne garder que le meilleur, et à supprimer les défauts qui parsèment les vingt minutes qui composent le skeud. Seulement quand on voit du potentiel de la sorte, on est déçu de voir qu’un groupe de heavy aux relents progressifs comme celui-ci décident de ne pas développer leur musique, voire de ne pas nous pondre des morceaux fleuves de quinze minutes qui sait ! Bon, je vous l’accorde, sur un EP ce n’est pas commode. Je rends donc mon verdict : rappelez moi quand vous sortirez un album !