Etre fan de Running Wild, c'est un peu comme supporter le Stade Rennais : faut une sacrée capacité à encaisser les humiliations récurrentes (alors je vous raconte pas quand on cumule les deux, comme votre serviteur…). Les moqueries sur les fameuses chemises à jabot de Rock n' Rolf ou sur la batterie / boîte à rythme, on s'y était fait à force : mais alors cette reformation à peine 2 ans après le split, qui fait que celui-ci a officiellement duré moins longtemps que la mise en sommeil ayant suivi la sortie de Rogues En Vogue, fallait pas avoir peur du ridicule…
Certains come back suscitent un certain enthousiasme mêlé de curiosité, comme celui d'Accept ; vu le niveau des albums parus après Masquerade, celui de Running Wild entraîne avant tout une certaine appréhension, du style « Bon Dieu, j'espère que ça va pas être trop mauvais » (vous noterez à quel point le « trop » est parfaitement révélateur des attentes sur le niveau général de ce nouvel album). Méfiance d'autant plus forte qu'on ne sait même pas trop à quoi s'attendre au niveau du style : les années passant, Rock n' Rolf avait fortement levé le pied sur les fameux riffs en trémolo et la batterie bloquée en mode double pédale et semblait un peu plus branché par le rock n' roll et le hard rock à papa (cf son aventure Toxic Taste) que par le heavy pur et dur. Avant même de jeter une oreille sur Shadowmaker, la probabilité d'y retrouver des ersatz de "Whirlwind" ou "Masquerade" apparaissait donc très faible (pour cela, il vaut mieux se pencher sur le nouveau Lonewolf). Après, de là à imaginer que l'album commencerait par un titre comme "Piece Of The Action"…
La petite rythmique inoffensive, l'absence de distorsion, le chant grave limite chuchoté… On croirait presque entendre un titre de pop punk ! Et puis les arrangements changent, la rythmique est jouée avec un son plus heavy, Rolf reprend son chant habituel, et là on se retrouve avec un bon petit titre de hard rock très bien ficelé, avec un refrain qui fait mouche et qui donne envie de chanter. Première bonne surprise, suivie peu de temps après par une seconde : "I Am Who I Am". Sur ce titre heavy, Rock n' Rolf semble enfin retrouver un peu de couleur après toutes ces années pâlichonnes. Sans avoir besoin de speeder à outrance, sa fougue retrouvée nous donne irrésistiblement envie de lever le poing avec lui sur ce refrain en forme de manifeste, malgré des paroles pas très profondes. Entre temps, le mélodique "Riding On The Tide" joue la carte de la nostalgie en évoquant le Jolly Roger, et sans se montrer exceptionnel, il surpasse aisément n'importe quel titre de Rogues En Vogue. Parti comme ça, on se demande presque si Shadowmaker ne va pas être une bonne surprise...
Malheureusement, cet album ne tarde pas à sombrer dans l'anecdotique. A des degrés divers d'ailleurs : on a de l'anecdotique sympa, comme le heavy "Shadowmaker" ou "Into The Black", qui donne lui dans le hard rock ; on a aussi de l'anecdotique surprenant, comme "Sailing Fire", un titre mélodique dont le début basse / « batterie » (puisque Rock n' Rolf s'obstine à nier l'usage d'une boîte à rythme, par ailleurs beaucoup moins simpliste qu'avant) fait un peu peur par son côté bisounours avant de bifurquer sur un refrain enjoué plutôt sympa ; on a enfin de l'anecdotique sans plus avec "Locomotive", du heavy classique un peu passe-partout sauvé de peu grâce à un des rares bons solos de l'album ou "Black Shadow", un titre lourd dans tous les sens du terme. Et puis, que serait un album de Running Wild sans une impardonnable faute de goût? Cette fois-ci, c'est "Me And The Boys" qui s'y colle : un titre de hard FM, c'était déjà osé comme pari, mais comment réussir avec un refrain aussi neuneu ? Le pire, c'est qu'une fois en tête, impossible de s'en défaire !
Bon, c'est peut-être pas le fiasco complet que je redoutais, c'est sans doute même mieux que Rogues En Vogue ou Victory, mais de là à dire que Shadowmaker est un retour convaincant, faut peut-être pas pousser tant celui-ci n'apporte strictement rien à la carrière du groupe. C'est juste un album de plus en somme… Il paraît que Tomi Tolkki a décidé d'arrêter la musique (enfin, jusqu'au prochain épisode) après que des fans lui aient offert un gâteau : il faudrait sans doute que quelqu'un songe à faire la même chose pour ce cher Rolf. Quelqu'un connaît l'adresse d'un bon pâtissier sur Hambourg ? En plus, ça pourrait servir aussi pour Kai Hansen…