C'est évidemment toujours un plaisir d'avoir des news d'Opeth, sauf quand on apprend que Mike s'est pris l'arrière d'un tourbus (véridique). Comment ? C'est pour ça qu'il ressemble à Ribéry qui se serait travesti ? Ah non, ça c'était déjà avant. Toujours est-il que l'an de grâce 2011 vit sortir le dixième album d'Opeth. Sachant que même les disques ayant eu le moins de succès chez le groupe sont à classer dans le haut de gamme, il y a toutes les raisons d'avoir le sourire, Thierry...
« Maintenant, vous la fermez et vous nous écoutez. » C'est en tout cas ce que semblent vouloir nous dire les premières notes et la cloche qui sonne au début de ce nouvel album (hors intro). Ce premier morceau, intitulé "The Devil's Orchard", semble à première vue, si vous me passez l'expression, tout à fait remuer du slip. Les premiers riffs semblent, bien qu'assez difficilement accessibles pour les familiers du groupe (d'habitude c'est le contraire), être parmi les plus puissants. On remarque également que la voix de Mike est particulière, car même si on a été habitué aux growls suivis de voix cleans dès les premières galettes de nos Suédois, ici, on a droit à de la voix clean sur de la disto. Alors, ça existait déjà chez Opeth dès My Arms Your Hearse voire avant (le final de l'excellent "Demon of the Fall" par exemple, ou encore celui du non moins excellent "When") mais il s'agissait d'une voix tout de même assez douce malgré ce qu'on en faisait. Ici, elle semble plus agressive, plus expressive en tout cas. Certains considèreront que l'étiquette Opeth n'aura rien à faire sur cet album, et que ce dernier n'a eu de succès que grâce à elle, c'est leur droit. À ce moment-là, poussons un peu le raisonnement et rappelons que dès la sortie du premier album, Orchid, en 1995, il n'y avait curieusement déjà plus aucun membre d'origine dans le groupe : évidemment, la musique d'un homme, puisque c'est en grande partie ce que sont les compositions d'Opeth, évolue avec la personnalité de celui-ci. On n'est donc plus en mesure de demander à Mike de sortir un Morningrise II, et l'absence de chant death est à accepter sans conditions.
Mais quelle que soit la raison pour laquelle cet album si particulier fut publié, il faut noter qu'il dévoile un énorme défaut de la musique de ce groupe, devenu un géant du metal. En effet, dès les premières heures d'Opeth, et c'est audible sur les différentes démos et répétitions enregistrées du groupe, dont certains bouts finiront sur Orchid ou même Morningrise ("Forest of October", "Advent"), on nous avait habitué à entendre une musique très loin du death old school, mais remplie de mélodies un peu folkloriques, sans virer dans le metal folk. On appréciait beaucoup, évidemment, et certains passages de "Black Rose Immortal" ne seront, à ce titre, sans doute jamais égalés. Mais Mike composait des bouts de chansons, et non des morceaux. À grands coups de transitions, il ficelait un titre avec des mélodies composées par ci par là. C'est indéniable : le résultat était là, et ce procédé particulier participa sans aucun doute à la qualité des nombreux albums de la formation. Et c'est précisément ce succès qui permit à Åkerfeldt, malgré une moustache des plus discutables, d'obtenir argent, femmes, et un contrat chez Roadrunner. Mais dès lors que Mike tente de composer des morceaux à la structure plus simple, c'est le drame. En écoutant "Slither", un morceau plutôt rythmé, avec un riff pourtant pas mal et une ligne vocale plutôt honorable, on se rend compte que notre ami est davantage fait pour ces assemblages qui, en fin de compte, dispensent de composer des riffs rock 'n roll qui font rapetisser le pantalon à leur écoute.
Heritage n'est certainement pas un mauvais album, et personne n'a le droit de reprocher à un groupe de changer (et juger quelqu'un en fonction de sa religion ou de sa couleur de peau, c'est mal), d'évoluer, car c'est précisément cette évolution qui nous a fait apprécier chacun des albums d'Opeth, qui surclassait (et ça relevait parfois de l'exploit) systématiquement son précédesseur au moins jusqu'aux années 2000. Cela dit, cette fois, l'essence d'Opeth n'est que rarement perceptible, et cette évolution a pu laisser transparaître les faiblesses du groupe, jusque là masquées par la complexité des compositions. Mention spéciale toutefois pour la première partie de "Folklore".