Depuis quelques temps, force est de constater que la scène du doom traditionnel manque de véritable meneur. Black Sabbath n'en finit plus de tirer sa révérence ; Reverend Bizarre n'est plus ; Candlemass nous a offert son dernier opus... Si beaucoup de nouvelles formations ne cessent d'arriver, toutes sont encore trop confidentielles pour prétendre au statut tant convoité. Un peu moins jeune, Isole parcourt le milieu depuis 1991. Throne of Void, le deuxième effort du groupe suédois, ne sort pourtant qu'en 2006, après un Forevermore fort bien accueilli l'année précédente. Qu'en est-il ? Isole avait-il tout pour réussir ? Pouvait il prétendre, rétrospectivement, à une place de leader ? Tout comme la musique, la réponse est nuancée.
Clarifions les choses : si Isole nous vient de la même terre qu'un Candlemass et officie dans la même catégorie, il n'en est pas un simple clone. Là où, dès le départ, Candlemass savait jouer avec différents rythmes, accélérant parfois avant de revenir à une cadence plus classique, Isole ne s'offre pas ce luxe. Le tempo est unique : lent. Throne of Void, très homogène, n'offre pas d'accélérations fulgurantes. Le propos s'en trouve logiquement plus dense, plus strict, mais parfois plus lassant également. Le chant, lui non plus, n'est pas celui du Moine excentrique. L'aspect chanteur à vibrato est totalement absent de la musique d'Isole. Au contraire, Daniel Bryntse utilise sa voix chaude et profonde de manière sépulcrale. Les lignes de chant sont plaintives mais également... contemplatives. Elles sont donc « contemplaintives ». Haha, humour de doomster ! Là encore, Isole se découvre plus strict que ses modèles. Le même schéma est répété à l'envie, les variations vocales étant quasiment absentes.
Throne of Void est un hommage massif au style classique qu'est le doom traditionnel, aussi la guitare tient-elle le beau rôle. Les riffs, à la teinte très personnelle, se succèdent avec un certain bonheur. Certains, particulièrement réussis, parviennent même à faire monter « l'épic-o-mètre » de quelques de degrés ("Demon Green" ;"Bleak"). Malheureusement, tous les riffs de ce Throne of Void ne se valent pas et, la répétition inhérente au style n'aidant en rien, risquent parfois de lasser. La lassitude, si proche des thèmes lyriques chers au groupe, est pourtant l'un des problèmes de l'album. Il n'est pourtant pas dénué de tout instant de bravoure: "Demon Green" vise juste sur sa courte partie acoustique et "Life ?" émeut grâce à son ambiance subtile mettant en avant la voix grave de Brynste... Cet ensemble d'éléments, entre faiblesses et personnalité, font finalement de Throne of Void un album attachant.
Le climat général de l'album n'est pas la joie. Une sombre mélancolie plane sur Throne of Void . En cela, Isole réussit son coup et permet à coup sur aux amateurs du genre de se régaler (écoutez un peu la fragile "Bleak"). Non, vraiment, l'album n'est pas raté. Simplement, la trop grande homogénéité du tout et le manque de force de certains riffs rendent l'édifice branlant. Un titre comme "Throne of Void", par exemple, ne parvient pas à marquer l'auditeur. Sitôt terminé, le morceau est oublié. Certains titres manquent tristement d'efficacité. L'efficacité : là est le talon d'Achille de l'album. Les riffs -au demeurant pas mauvais- se suivent les uns après les autres, le plus souvent sans parvenir à imprimer leur marque. Le constat est identique en ce qui concerne les refrains. En réalité, Throne of Void ne contient guère d'autres refrains mémorables que ceux présent sur "Autumn Leaves", "Demon Green" et "Bleak". Évidemment, l'aspect épique de la chose en pâtit.
Throne of Void est un album frustrant. On aimerait pouvoir affirmer qu'avec lui, Isole atteint le niveau nécessaire pour palier à l'absence de ses aînés. Ce serait mentir. Doté d'un charme certain et d'un maîtrise de l'ambiance, Throne of Void manque toutefois de force de conviction. Quelques passages excellents se retrouvent plongés au milieu d'un contenu somme toute assez banal, bien qu'agréable à écouter. Entre charme et exercice de style, Throne of Void se réserve principalement aux aficionados du genre.