Isole -
Bliss of Solitude
Isole = Clichés. Voilà. Maintenant que nous sommes tous d'accord, il va être possible de parler sérieusement de Bliss of Solitude. Outre le fait qu'il soit ici question du troisième album d'Isole, Bliss of Solitude est surtout le premier album des Suédois a être pris en charge par l'écurie Napalm Records, signe d'une notoriété croissante et d'une visibilité accrue pour l'avenir (parler de doom comme on parle d'une entreprise... rah). Mais revenons-en à nos clichés. Isole opère dans le doom traditionnel, OK. Ils sont Suédois, OK. Ils ont les cheveux longs et des vestes à patchs, OK. Ils adorent Iron Maiden, OK. Les intitulés de leurs morceaux et leurs paroles sont générés aléatoirement via un assemblage de mots comme "dark", "death", "sorrow", "pain", "shadow" etc... OK. Bon, on continue quand même?
Un peu qu'on continue, ouais! Et ce serait bête de se priver car si l'équation sans inconnue placée en début de chronique avait un but, c'était bien celui de rendre inopérante toute critique sur l'absence de prise de risque, sur le manque d'innovation, sur tout ça. Quand on taille un bloc de doom traditionnel, on s'occupe de tradition, pas de djent, mince alors ! Donc voilà, l'affaire est entendue : de la tradition, Bliss of Solitude en contient une dose raisonnable et pas franchement homéopathique. Sur cet album, qui mise bien évidemment sur les notions de lenteur, de lourdeur, de tristesse et de mélancolie propres au genre, la seule chose peu traditionnelle s'avère être la production, aussi massive que limpide. Bref, idéale pour mettre en avant des guitares rondes et gracieuses. Ouaip, car c'est certain, le doom d'Isole aime les rondeurs. Il aime les poignées d'amour, il aime quand il y a du relief et... hum... de la profondeur, quitte à parfois tomber dans un léger surpoids rendant la charpente un peu balourde ("Bliss of Solitude").
Si Isole n'évite pas les clichés pour, au contraire, plonger souvent tout-bec-en-avant dedans, il le fait à sa manière. Ce n'est pas parce que Candlemass vient également de Suède qu'il faut faire tout pareil, non ? Non. Tenez, rien que le chant par exemple : absolument sans rapport avec ce qui se fait usuellement. Ici, la voix, claire à 95% du temps, joue surtout de sa profondeur quasi-liturgique pour convaincre l'auditeur, un peu à la manière de Funeral. Avec très peu de variation, elle vise avant tout à nous happer et à nous faire jouer le rôle de jeune sacristain (le religieux, pas la pâtisserie) au sein d'une procession aussi prévisible qu’envoûtante. Et pour éviter que nous, jeunes sacristains tout juste sortis des jupons de môman, nous endormions ou n'allions manger de la religieuse (la pâtisserie ou...), Isole prend bien soin de varier -un peu- l'ambiance. Si l'album ne provoque certes pas l'effet d'une boule à facette en pleine nef, il n'est pas non plus trop monotone: "Imprisonned In Sorrow" et "Dying" sont plus douces, "Aska" est plus rentre-dedans, "From Clouded Sky" est plus incantatoire.
En bon servants du seigneur Doom, en bon gourmands et en bon propagateurs de clichés assumés, les petits gars d'Isole nous gratifient ici d'un album du même acabit que les précédents (et que les suivants mais chut, on ne le sait pas encore à cette époque). Sauf que... sauf que celui-là a un truc en plus. La production est meilleure. Les riffs sont plus tristounes. Le chant est plus grave. Les soli plus nombreux. Le batteur plus efficace. En bref, Bliss of Solitude est meilleur. S'il manque d'hymne (Isole n'est pas très fort pour cela, à la différence de Candlemass), il ne manque en revanche guère de charme et l'on se prend à y retourner sans cesse, un peu comme on retourne à la Messe : si ce n'est pas le truc le plus glamour de la semaine, l'ambiance de l'évènement ne se retrouve nulle part ailleurs.