Il aura fallu huit longues années à Wintersun pour sortir une suite à son réussi premier essai. Les fans seront passés par tous les états imaginables, allant de l’attente, aux craintes voire à la dépression profonde, pour enfin entrevoir une lueur d’espoir en 2012 lorsque l’actualité du groupe fut plus concrète. Mais pourquoi un développement si long ? L’homme à la tête de ce projet, Jari Mäenpää, a eu une vision astronomique de son concept Time, et sans moyens, c’est forcément compliqué. Mais à la force de son labeur, devant son seul PC, il a fini par atteindre un résultat à la hauteur de sa vision. Seulement voilà, il y a quelques mois on nous annonce que l’album sera splitté en deux pour cause de mixage non terminé et de début de tournée imminente. Huit ans pour cinq titres : scandale. Mais ne boudons pas notre plaisir, car il y a de quoi se réjouir.
Le temps, vaste sujet pour un concept. Car s’il y a bien une chose que l’homme ne maîtrise bien, c’est bien cette dimension-là. Les textes gravitent donc autour de questions existentielles telles que d’« où venons-nous ? » ou encore « comment tout cela va-t-il finir ? » Après tout un peu de métaphysique et d’existentialisme ne peut pas faire de mal aux métaleux. Et pour débuter ce voyage, "When Time Fades Away" vient nous accueillir avec des influences japonaises immédiatement perceptibles, qui seront en fait le fil conducteur de cette épopée. Rien de bien metal mais qu’est-ce que c’est beau et soigné, on croirait écouter une bande originale. Le son est d’une pureté cristalline, on peut déjà remarquer le nombre impressionnant de pistes qui ornent cette intro. Mais ce n’est que la mise en bouche car place maintenant au titre monument de Time I : "Sons of Winter and Stars" ou le titre aux 200 pistes. Inutile de vous dire que durant les premières écoutes, on ne comprend pas grand-chose de ce qui se passe. Et pourtant, lorsque seulement une petite partie est assimilée (nul doute qu’il faudra des dizaines d’écoutes pour en déceler toute la substantifique moelle), il se passe quelque chose de magique. Le morceau ne va cesser de grandir en vous au fil des écoutes. Un titre qui justifie à lui seul l’achat de cet album, voilà c’est dit.
Se succèdent des moments de joie, de rage, de calme et enfin de bravoure, respectivement associés aux 4 parties du titre. La partie II, "Surrounded by Darkness", est juste hallucinante et constitue le sommet de l’album. Le chant y est parfait, les riffs cavalent comme pas possible, les synthés et orchestrations sont toujours prépondérants, sans parler de la batterie qui structure le tout de manière jouissive. Ce titre est également l’occasion de juger des progrès considérables en chant clair de Jari, ce dernier est devenu très agréable. Enfin, pour la petite histoire, l’ultime chœur accueille des collègues d’Ensiferum, Turisas, Týr ou encore Kiuas ; du beau monde ! Vient ensuite la « ballade » de l’album. Après ces 13 minutes de folie (qui passe comme 5), il était nécessaire de faire retomber la tension. "Land of Snow and Sorrow" débute sur un riff bien lourd, assez original en drop si bémol, suivi par une envolée de guitares complètement inattendue et qui vous colle de ces frissons ! C’est le moment le plus touchant de l’album. Puis le riff reprend avec les orchestrations, là encore majestueuses. Hormis la première partie directe, ce morceau requiert lui aussi un nombre important d’écoutes pour être apprécié du début à la fin, notamment au niveau des lignes de chant pas évidentes au début mais qui se révèlent être très belles.
Reste pour terminer la dernière pièce composée de "Darkness and Frost" et de "Time". L’intro éthérée est intense comme peu d’intros sont capables de l’être, la tension monte progressivement pour ensuite nous faire basculer sur "Time" et son riff encore bien lourd mais portée par la même mélodie. Le refrain de ce titre est le plus réussi et le plus poignant de l’album, on ressent beaucoup d’engagement. C’est également l’occasion d’entendre l’unique solo de l’album, surprenant. A priori Wintersun n’est plus un groupe de speed mélodeath / black, en tout cas pas sur cette première partie de Time. Cette musique fait davantage penser à du metal massivement orchestral avec du chant extrême ici et là. Le tempo moyen a aussi baissé et le son des guitares est quelque peu noyé dans toutes ces pistes. Exit également les solos épiques qui dépassaient allègrement la minute. Alors oui, les détracteurs diront que c’est du Nightwish tout juste extrême, indigeste, pompeux voire superfétatoire. La seule certitude c’est que ce disque va diviser la communauté. Mais il faut savoir que la deuxième partie, Time II, s’annonce bien plus musclée, en témoigne le morceau déjà joué en live : "The Way of the Fire". Un titre mené par les guitares, qui ont fait le succès du groupe. Et c’est en ce sens que le fait d’avoir coupé l’œuvre en deux est le plus dommageable. Ces cinq titres forment un tout homogène et s’enchaînent parfaitement mais on en veut plus.
Il est impossible de rester de marbre devant cette œuvre. Paradoxalement, ce disque peut s’apprécier rapidement, mais c’est au fil des écoutes qu’il se révèle savoureux et surtout grand. Les lignes vocales, les leads ainsi que les orchestrations se conjuguent pour former un ensemble éclatant. La longévité de ces cinq titres est en outre phénoménale et on ne cesse de découvrir de nouveaux détails. On peut cependant regretter l’aspect metal plus en retrait mais la suite devrait apporter l’équilibre à l’œuvre globale. Posez-vous pendant 40 minutes sans rien faire d’autre, et évadez-vous. Ce n’est que la première partie de cette épopée, mais elle s’annonce comme l’une des plus mémorables de ce début de décennie.
Note sur l’édition limitée : elle est forcément indispensable pour les fans, mais pas que. Une version live studio (Live Rehearsals aux Sonic Pump Studios) de l’album sera l’occasion d’écouter une version plus brute de l’album : batterie, guitares et basse doublent en effet la version studio avec certains passages qui s’en voient même améliorés. Sans parler de leur performance juste parfaite, ce qui augure du très bon pour les lives à venir ; c’est véritablement un quatuor de choc (votre serviteur confirme pour les avoir vu au Heidenfest 2012). A cela s’ajoute une petite démonstration de chacun des 4 membres qui décrivent quelques passages de leur choix derrière leur instrument respectif, très sympa. Pour finir, un mini reportage nous donne un aperçu de la genèse de "Sons of Winter and Stars" et laisse entrevoir la complexité de la chose. Enfin un DVD avec du contenu intéressant.