Du « black metal orthodoxe ». Rien que le nom fait mourir de rires les détracteurs de l'art noir et désespère certains fans qui se demandent ce que cela veut encore dire. Rien qu'à la vue de cette pochette, on s'attend à des riffs puissants, nobles, tout en trémolos et dominées par les blasts et un grognement lointain. Le seul élément distinctif étant le choix de l'auto-production. Parce que tout les détails sont sur cette pochette : les squelettes, le fond noir (sauf le pentagramme ou la croix retournée, remplacés par un symbole incluant celui de l'infinité, trouvé chez Grand Belial's Key) et les anges sans visages jouant de la trompette.
Bref, on nagerait en plein délire à la Watain. Sauf que l'intro, même si elle ne recèle aucun chant grégorien, témoigne d'une volonté de faire un black metal incantatoire, notamment en écoutant les percussions, le chuchotement et les effets sonores. Et cette fois, si ce genre de pochette semble nous ouvrir les portes vers un univers funèbre, noir et inquiétant, la musique dément l'influence du groupe suédois qui en a tant inspiré jusqu'en France (Supplicium est le dernier exemple en date). D'ailleurs, loin de multiplier les accélérations, Malepeste est plutôt du genre à créer une atmosphère funéraire, un voyage dans les cryptes et les tombeaux de n'importe quel cimetière. Il suffit de penser à la voix plaintive et aux arpèges sinistres de morceaux comme "Dereliction (white part)", que l'on préférera avec la partie "black", ou encore "Waiting For". En outre, les autres éléments, comme cette basse pesante, sont là pour nous montrer un black metal sombre, mélodique et ponctué de déclamations vicieuses. En témoigne le lourd "Hymn for The End". Mais le groupe n'oublie pas que faire du black metal exige de répandre la noirceur et la production est là pour le rappeler. Ainsi, tout cet ensemble, très bon, pourrait plus rapprocher le quartette emmenée par Xahaal (c'est lui qui a tout composé sur cet album) de Inquisition que de Watain. A cela une explication : la voix et les riffs, moins violents, sont empreints de la même aura et la seule différence reste le peu de blasts.
Ajoutons à cela les cassures de rythmes qui semblent donner un côté saccadé qui était plus furtif chez Nefastt et les parties parlées qu'on retrouve chez Mgła. Après, ce groupe, qui se fend d'une intro assez longue et de fins de morceaux atmosphériques, se hisse-t-il au même nouveau que Supplicium et Nefastt, autre nouvelle tête de liste de black metal français ? Pas vraiment. D'abord, le son de batterie n'est pas très bien produit (malgré toute la bonne volonté du batteur qui est lui, de bon niveau). Rien que pour cela, l'album parait moins puissant que leur démo (Malepeste, sortie en 2011), qui recelait pourtant des passages plus agressifs (argh, "Such A Prayer of Evil"). Ensuite, Malepeste prend peu de distances avec le satanisme, de plus en plus décrié par les blackeux eux-mêmes. Heureusement, cet écueil n'est que mineur, car sur des morceaux comme "Higher" ou encore "Apparition", les quatre prêcheurs nécrophiles s'en tirent bien. Et vu le nombre de groupes faisant un peu trop penser au groupe suédois Watain, les Toulonnais du Concilium et autres black épique et mélodique, en voir un qui propose d'autres influences et qui est capable de poser des blasts (comme sur, encore, "Hymn for the End", alternant avec une lenteur des plus sinistres et des arpèges en son clair du meilleur effet). Reprenons enfin l'argument des fins de morceaux atmosphériques et de la production : elles marquent l'évolution du groupe qui réussit son coup d'essai avec un son pas ultra-moche.
Sans atteindre l'apocalypse déroutante d'un Magna Atra Missa ou la noblesse et le caractère mélancolique de Darkened By An Occult Wisdom, Dereliction ( que ce soit dans ses parties blanches et noires, tout compte fait), cet album frappe un bon coup dans le black metal atmosphérique et morbide. Audible, avec une basse puissante et un batteur qui martèle sec, ce groupe français assure la dragée haute dans le respect des anciennes gloires du black comme celui des nouveaux maîtres (Inquisition). Il est certain que, cette fois, vous ne ressortirez pas indemne de cette contemplation de la mort, au milieu de pierres tombales. Bref, cet album est à posséder pour se dire que le black capable de freiner comme il faut et distiller des ambiances magnifiques a de beaux jour devant lui.