Hacride -
Back To Where You've Never Been
Quatre ans après l'excellent Lazarus, dire que l'on attendait fortement un nouvel album d'Hacride tenait de l'euphémisme. L'année de sortie avait été posée, du nouveau était joué en concert, ajouté à ça un leasing internet désormais rentré dans les mœurs, tout annonçait la belle suite qui déboîte. Avant que l'on n'apprenne une fois l'enregistrement fini le départ de Samuel Bourreau, laissant son poste de chanteur au dénommé Luis Roux, inconnu du plus grand nombre. Incompréhension, sentiment de trahison des fans, peur du changement. Mais comme on dit chez nous, le changement, c'est justement maintenant.
Car Back To Where You've Never Been marque effectivement un bon gros changement. Passé le fait qu'il ne reste que la moitié du line-up originel dans les rangs du groupe, en la personne d'Adrien Grousset à la guitare et Benoist Danneville à la basse, c'est surtout au niveau de la musique qu'une évolution est perçue. Car là où Lazarus faisait la part belle à de longs développements flirtant avec le prog, c'est à un album direct et globalement court (41 minutes et quelques secondes au compteur) auquel on a ici affaire. De même, si auparavant le son s'inscrivait dans une vision intemporelle sinon vintage, on a droit ici à une production moderne qui inscrit le renouveau d'Hacride dans son époque. Comme s'il fallait bien marquer le coup et faire rentrer dans les esprits que les grandes envolées, tout aussi grandioses soient-elles (et le génial "To Walk Among Them" figurant sur Lazarus d'être suivi du regard), ça va bien un moment et que sous une âme de mélodiste poétique se cache à la base un monstre à riffs qui tapent. Plus important, se répéter ne sert pas le propos musical, au contraire, il le dilue peu à peu. Enfin, il faut aussi savoir en envoyer plein dans la gueule de l'auditeur. Qui a de quoi se ravir.
Et autant ne pas se fier à l'introduction de l'opener "Introversion" ou encore les instrumentaux "Synesthesia" et "To Numb The Pain", placés de-ci de-là sur l'album. Back To Where You've Never Been s'avère en effet être l'œuvre la plus directe et violente des Poitevins, le tout emmené par le jeu de Florent Marcadet. Là où son prédécesseur affichait un jeu fin et varié, le petit nouveau modifie grandement les choses en se concentrant sur l'essentiel, soit un groove de porc. En plus de contaminer tous les autres musiciens, qui pourtant n'avaient jusque-là pas grand chose à prouver. Toutefois, pas de méprise, les parties de batterie s'avèrent travaillées, variées et encore moins dénuées de violence. L'explosion centrale sur "Introversion", le thème d'"Overcome" ou encore l'introduction de "Ghosts Of The Modern World" prouvent le contraire. À tout cela s'ajoutent donc riffs tordus et vicelards d'Adrien Grousset dont le talent n'est plus vraiment à prouver, pour un résultat résolument musclé. Les accalmies sont toujours de la partie mais s'avèrent bien réduites et reléguées au second plan derrière les moments où le quartet fait ce qu'il fait de mieux : envoyer la purée ("Edification Of The Fall" en est un bel exemple).
Impossible de ne pas évoquer le dernier venu en date, à savoir Luis Roux, désormais chanteur du groupe. En effet, comment se débrouille le successeur de Samuel Bourreau ? Il se débrouille bien. Très bien, même. Si son chant clair diffère de celui de son prédécesseur, ses hurlements ne laissent aucun doute lors des écoutes : la patte Hacride perdure, et ce, tout en gagnant en amplitude. C'est plus large, plus gras, pas moins hargneux que par le passé et tout aussi personnel dans son style. Si quelques lignes de chant ramènent aux précédents disques, tout le reste contribue à l'atmosphère de renouveau évolutif du groupe, tant dans les mélodies que dans le placement rythmique, tapant parfois non loin du hardcore new-yorkais ("Strive Ever To More"), mais aussi au niveau des différents grains adoptés. Doux puis écorché ("Introversion"), mélodique agressif ("Overcome") évoquant parfois carrément Alice In Chains ("Requiem For A Lullaby"). Soit une variété qui laisse présager du meilleur pour la suite, d'autant plus impressionnante que le bonhomme, arrivé tardivement, n'a pas vraiment participé à la composition de l'album autrement que par ses lignes et ses textes.
Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur ce Back To Where You've Never Been. Aborder son concept, parler des couleurs et atmosphères qu'il dégage, citer le fait que toute sa musique est partie d'une berceuse composée pour un petit enfant… Notons juste ce paradoxe dont il est source. Bien qu'extrêmement direct, sinon rentre-dedans, l'album n'en est pas plus pour autant facile à assimiler et ne se bonifie réellement qu'avec le temps et les écoutes. De là à y voir la spectre machiavélique du prog, il n'y a qu'un pas que l'on franchira aisément.