CHRONIQUE PAR ...
Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14/20
LINE UP
-K.
(chant)
-A.
(tous les instruments)
-M.
(batterie+violon)
TRACKLIST
CD 1
1) Birth
2) Delusion I - Escapism
3) Delusion II - Ataraxia
4) Delusion III - Frustration
5) Delusion IV - Contemplation
6) Delusion V - Post Scriptum
7) Delusion VI - Mors Putativa
8) Delusion VIII - Elysium
9) Metanoia
CD 2
1) A Flash Before Death
2) Illusion I - Muse
3) Illusion II - Oath
4) Illusion III - Foretime
5) Illusion IV - Reflection
6) Illusion V - Far Away
7) Illusion VI - Fracture
8) Illusion VII - Catharsis
9) Rebirth
DISCOGRAPHIE
Hypnotic Dirge ? Hypnotic Dirge, comment dire… c’est un peu comme une journée d’automne grise passée dans un hôpital gériatrique avec ta grand-mère qui n’a plus toute sa tête. Tu regardes par la fenêtre et tu vois les dernières feuilles jaunes et craquelées tomber. Derrière toi, l’infirmière change la vieille dame. Tu regardes ta montre et tu te dis : « Pas possible ! Seulement dix minutes se sont écoulées ! » Tu penses mourir d’ennui et puis en fait, ta mémé chérie retrouve soudainement sa lucidité et commence à te parler de choses de son temps, de quand tu étais petit, et tu te prends au jeu. Finalement, la journée dans le mouroir a été plus sympa que prévue. C’est ça, Hypnotic Dirge en général, et (Un)reality n’est pas une exception.
N’empêche : la première réaction devant un album comme cette quatrième réalisation des Russes d’Epitimia, c’est de prendre ses jambes à son cou et d’aller se cacher dans un trou pendant deux siècles, en attendant que ça passe. Un double album, presque deux heures de musique, c’est déjà lourd, mais les premières notes font craindre le pire : à première vue, (Un)reality c’est un espèce de black doom à relents gothiques bien terne que quelques arrangements « nawak » de ci, de là, ne rendent guère plus digeste. La production évoquant plus Darry Cowl (Chamber) que Schwarzenegger (ou Jason Statham, ça fait plus djeunz, non ? Pas vraiment ? ah…) n’aide pas non plus à éclaircir le panorama… Un constat qui fera fuir 90% des auditeurs potentiels pour peu qu’ils ne soient pas des inconditionnels des hôpitaux gériatriques évoqués en introduction. Seulement voilà, on est chroniqueur ou on ne l’est pas, et la perspective de pondre une chronique, voire (la honte suprême…) ne pas faire de chronique du tout, est une chose encore plus terrifiante que l’immersion dans les eaux nauséabondes d’Epitimia. N’écoutant donc que son courage, ayant dit adieu à ses proches, votre serviteur s’est bouché le nez et a plongé dans la fange pour se rendre compte que finalement, la boue, la matière fécale, en y regardant de plus près, ce n’est pas si horrible. Certes, l’album complet est trop long, mais en réalité, aucun titre n’est scandaleusement mauvais. Au contraire, de vraies pépites se révèlent au fur et à mesure que l’on digère l’album et la sensation globale s’améliore très nettement.
La structure des morceaux est presque invariable : une première moitié black-doom mid-tempo très mélodique (si l’on excepte l’hommage au black-death suédois qu’est "Delusion VI" et les entrées et sorties de chaque album) agrémentée de chant goth féminin type « beauté fragile » et parfois de sonorités un brin « post » (surtout lors du second album), suivie d’une seconde moitié plus imprévisible. Un peu comme dans les pochettes surprises depuis longtemps disparues (non ?), on y trouve un peu de tout : pas mal de saxophone, en général bien (voire très bien) utilisé et réellement intégré aux morceaux ("Delusion I", "Delusion IV" et surtout l’excellent "A Flash Before Death" que le cuivre rend extrêmement mélancolique façon "Floating on the Murmuring Tide"), un soupçon d’electro ("Illusion II") et, chose plus rare, du drum’n’bass sur le surprenant et très catchy "Illusion IV", voire quelques accords flamenco à la Orchid ("Delusion II") ou une mini-dose de dub ("Illusion V"). Les morceaux ne comportant aucun élément « incongru » sont tous également de bonne facture ("Illusion III" où le chant féminin délicat est réellement agréable , "Delusion VI" ou encore "Illusion VI" qui s’essaye avec un certain bonheur à l’exercice du black-doom atmosphérique). Les Russes auraient pu cependant se passer d’intégrer "Illusion VII" : les dix minutes post-black mélancolique que dure le morceau sont dix minutes de trop, qui peuvent éventuellement priver l’auditeur repus d’une outro trip-hop agréable, s'il décide d'écourter l'expérience.
En fin de compte, au bout de la dixième écoute, (Un)reality devient un album intéressant et plaisant. L’effort des artistes pour créer une œuvre aussi riche est louable, mais la longueur et la production grésillante risquent vraiment de rebuter une partie des fans potentiels. Les touches « exotiques » disséminées tout au long de l’album ne feront pas basculer ce dernier du côté du nawak metal si cher au grand Merci Foule Fête ou au lapin jaune chroniqueur concurrent (oui concurrent, pas de fraternité avec l'ennemi !), mais elles apportent une fraicheur bienvenue dans un monde relativement gris. Bref, la plongée dans la fange a valu la peine, il ne me reste plus qu’à aller prendre une petite douche…