Le concept d'« innovation » est indissociable de l'être humain. Sans l'innovation du changement d'habitat et du régime alimentaire, l'homme serait resté un singe vivant dans les arbres. La maîtrise du feu, l’invention du langage parlé, la fabrication des outils, l’invention de l’écriture… tous ces événements fondateurs ont marqué cette épopée humaine principalement basée sur l’innovation et sa diffusion irréversible autant qu’irrépressible. À partir du moment où le processus d’innovation fut enclenché, il ne s’est plus jamais interrompu. Il s’est accéléré.
L'histoire de la musique et du metal n'est que le reflet à l'échelle microcosmique de cette réalité humaine. Plus on sait et plus on apprend vite. The Algorithm en est la plus parfaite illustration contemporaine. Créer, évoluer, expérimenter, prendre des risques, repousser les limites : rien n'est plus humain. En décembre 2009 puis en juillet 2010, Rémi Gallego publie deux démos, The Doppler Effect et CRITICAL.ERROR, en téléchargement libre. A la fin de l'année 2010, il prépare ses premières apparitions live et en un an seulement, il rejoint l'affiche du désormais célèbre Euroblast aux côtés de la crème de la scène djent : Textures, TesseracT et Vildhjarta. Une porte d'entrée qui se révélera être un tapis rouge puisqu'un mois plus tard Mike Malyan, batteur de Monuments, rejoint le line-up et le groupe signe dans la foulée sur le label britannique Basick Records. C'est ainsi qu'en l'espace d'un an arrive Polymorphic Code, premier long format signé sous le nom The Algorithm. Et à présent, le monde entier peut savoir. Savoir que dans le monde tout balbutiant du djent, rien ne sera désormais plus comme avant. Car une nouvelle innovation majeure vient de se produire et personne ne peut nier cette réalité.
Derrière une combinaison qui peut paraître juste habile de différents styles electro avec des beats en polyrythmie, Rémi Gallego rebat complètement les cartes et déjoue les étiquettes autant qu'il remet en question les frontières musicales. Polymorphic Code surprend quel que soit votre passé musical, il étonne, attire la curiosité, fait douter, agace, dérange. The Algorithm remet en question votre approche du metal et votre degré de détestation de la musique électronique. Entièrement instrumentale, la musique peut paraître d'autant plus indigeste qu'elle est schizophrène. Les changements de rythme sont incessants, les couches de blip-blip semblent se superposer à l'infini sans jamais cesser. Imaginez des explosions dubstep avec un rythme groovy à souhait sur fond de guitares saturées et vous avez une idée de la mixture détonante ! "Bouncing Dot" est un des titres les plus représentatifs de la galette mené par un arpégiateur épique sur fond de beats désynchronisés avec une structure à tiroirs jusqu'au riff final absolument DANTESQUE. A noter que l'accalmie du milieu fait pas mal penser à "Clubbed To Death", titre absolument génial que vous avez pu voir dans un film plein de filtres verts où les gens voient des images en regardant le code source...
Dans une veine encore plus epilleptique, "Access Granted" et "Null" se posent là, gare aux migraines ! Bien difficile à appréhender dans un premier temps, le goût pour les hallucinations vous gagnera peu à peu, même si les accalmies restent toujours les bienvenues, en témoigne ce break reggae absolument génial sur "Access Granted". Si "Logic Bomb" développe quant à lui une ambiance plus electro avec un beat incroyablement dansant, cette épique sensation d'être en train d'affronter un boss de fin n'a décidément pas de prix. "Warp Gate Exploit" est finalement le morceau le plus structuré de l'album avec une longue introduction aérienne trip hop avant d'embrayer sur un riff purement metal pour un résultat une nouvelle fois détonnant. Enfin, "Panic" clôt l'album sur une note plus purement électronique. Titre le plus long, il développe une long crescendo jusqu'à un final en apothéose.
Absolument aucun titre faible n'est à déplorer sur Polymorphic Code. D'une incroyable consistence, l'oeuvre dévoile ses secrets au fil des écoutes et gagne à chaque fois en profondeur et en richesse. En outre, l'album passe l'épreuve du temps à merveille et on se reprend une baffe inlassablement comme à la première écoute. Accoucher d'une telle merveille n'est pas à portée de tout le monde et savoir que toute cette folie résulte du travail passionné et acharné d'un unique et jeune talent français fait chaud au cœur. Bravo à Mike Malyan dont le jeu de batterie fait proprement peur, et bien sûr bravo à Rémi d'avoir écrit une magnifique page pour la musique. Metal ? Electro ? Qu'importe. L'innovation n'a que faire des conventions actuelles.