Il faut bien le reconnaitre, depuis la démission des immenses Kickback il y a un ou deux ans, le Hardcore français, le vrai, le dur, le vénère, est un peu orphelin. Un label d’ici excelle pourtant dans les « groupes en –core », les brillants Throatruiner (sorte de Deathwish Records français) dont la renommée et le succès d’estime s’étendent bien au-delà de nos frontières. Mais chez Throatruiner, on donne plus dans le math-doom-sludge-blackened-crusty-core que dans le hardcore classique, urbain, tough guy, old school quoi ! Alors que le genre refleurit littéralement dans la scène anglo-saxonne sous l’impulsion d’une chiée de groupes, pas tous bons (loin de là), mais dont certains sont absolument indispensables (Comeback Kid, Terror et autres Stray From The Path en tête), en France, ça se touche un brin la nouille côté hardcore. Sauf que depuis, Rise Of The Northstar est arrivé pour sauver la mise.
En deux mots, ROTNS c’est vraiment le groupe de hardcore d’ici qui monte à fond depuis quelques mois. Remarqués après deux premiers EP qui semblaient annoncer le meilleur (notamment l’énorme "Demonstrating My Saiyan Style"), les parisiens ont signé avec rien de moins que Nuclear Blast pour la production de leur premier LP. Ça vous pose d’emblée un potentiel. Caractérisés par une certaine idolâtrie pour la culture japonaise, les parisiens ont semble-t-il décidé de poursuivre dans cette voie. Depuis leurs débuts (EP Tokyo Assault en 2009), ils se sont débrouillés pour se construire une fan base au Japon, pour y tourner deux de leurs clips (dont "Welcame (Furyo State Of Mind)", morceau titre du présent opus) et y tourner tout court. Bref, la musique de ROTNS est bardée de références à l’imagerie shonen, jusque dans leurs costumes de scènes, à cette culture du furyo, archétype du lycéen gominé bastonneur qui a fait la joie de tout jeune gars dont les mercredis étaient remplis d’animés et les soirées de lectures de mangas 80’s et 90’s. Et même sans avoir été trop immergé dans cette culture, on peut cependant apprécier l’originalité de la démarche pour un groupe français, originalité qui leur permet de se démarquer et de mettre en place un jeu de scène alliant orthodoxie hardcore (ça moshe, ça fait des chœurs de partout, ça demande du bordel dans le pit, etc.) et fonds japonisant. Mais si intéressant que soit le concept et les premiers morceaux, il était temps de transformer l’essai. C’est désormais chose faite avec un Welcame extrêmement solide, voire résolument brillant par moments. Mais qu’il soit clair d’entrée dans la tête de l’auditeur qu’aucune révolution n’est à attendre.
Là où un Kickback aimait à casser les codes et à aller loin dans l’expérimentation (cf. leurs deux derniers excellents opus), ROTNS officie pour sa part dans l’orthodoxie et le respect des codes et influences qui ont fait de lui ce qu’il est aujourd’hui : Welcame est donc un amas puissant et hargneux de hardcore beatdown, de crossover hardcore-thrash ("The New Path") et de hardcore urbain allant piocher dans le hip-hop old-school (les couplets de "Welcame" font foi, ainsi que l’excellente reprise de Pharoahe Monch, "Simon Says"). Dotés d’un son surpuissant par Nuclear Blast, les franciliens déroulent sur ce Welcame une dizaine de pistes en forme de déclaration d’amour un peu brutale et 100% authentique au hardcore des 80’s et des 90’s. Tout cela sent fort le Madball, le Suicidal Tendencies (l’intro toute douce et metal old-school de "What The Fuck", bon gros hommage à l’époque, idem pour le final caché de "Blast ‘Em All"), le Knuckledust et consorts. Mais là où ROTNS est fort, c’est qu’il parvient à se démarquer de tous ces combos et à ne pas ressembler à un énième clone de toute cette scène avec juste un plus gros son (coucou Emmure). Comment ? Déjà et avant tout par un chant assez monstrueux : Vithia, frontman dont la carrure et le charisme se mesurent encore mieux à l’aune du live, amène à lui tout seul une hargne démentielle aux compos. Son style de chant, mi-rappé mi-hurlé, est l’un des plus percutants et à propos qu’il soit possible d’entendre sur un album du genre. C’est flagrant sur des morceaux comme "Welcame (Furyo State Of Mind)", la pépite de l’album où le groupe mixe toutes ses influences pour un résultat assez jouissif (old-school urbain au début, crossover thrash au milieu et gros beatdown sur la fin), ou sur "Dressed All In Black", autre grosse poutre de l’album plutôt orientée beatdown et chœurs hargneux.
Ensuite, par une authenticité et une passion des plus rafraichissantes. ROTNS kiffe le hardcore, quelque chose de violent, cela s’entend sur toutes ses compos, suinte de partout sur l’album, un peu comme sur le dernier Expire ou sur le dernier Cold World, qui concourent également au titre convoité de bûche hardcore de l’année. Des morceaux comme "Authentic" et "Again and Again", avec leurs structures classiques du genre (gros mid-tempos pesants et groovy, refrain fédérateur avec chœurs guerriers et moshpart finale comprise dans le menu), colleraient la pêche à un dépressif chronique insomniaque. Bref, ROTNS c’est lourd, agressif, pesant, hargneux à souhait. "What The Fuck" est à ce titre un parfait opener, et "Bosozoku", qui arrache tout sur son passage avec ses saillies thrash, gagne la palme du plus de chœurs dans un morceau de hardcore français. Au niveau des riffs, plein de bonnes vieilles recettes, de la simplicité et du groove, du sacré groove : "Simon Says" se pose là dans le genre, mais presque tous les morceaux groovent comme il se doit. Et c’est bien cela le plus important, le hardcore old-school n’ayant de toute façon jamais été un truc de guitariste virtuose (une des raisons pour laquelle un tas de metalleux y seraient allergiques ? La question se pose), bien que Eva-B nous gratifie sur la galette de quelques solis thrash bien vifs et crasspouilles, que n’aurait guère renié Jeff Hanneman, qu’il repose en paix le bougre. Même constat sur la section rythmique : pas de show-off, pas de plans en 7/8e alambiqués, tout est au service de l’efficacité et du groove, et finalement on en demande pas plus dans la mesure où on n’est pas là pour écouter du technodeath proggy.
Au final, sans aucunement réinventer le genre, mais en se démarquant avec une identité forte et une démarche qu’on sent comme profondément passionnée et authentique, Rise Of The Northstar pourrait bien devenir un nom qui pèse sacrément dans le genre au cours des prochaines années. Déjà soutenus par des musiciens de la trempe de Mille Petroza, Freddy Cricien, Roger Miret ou encore Billy Graziadei (ouais ouais, que des légendes, cf. la page Nuclear Blast des parisiens), ROTNS trace sa route en laissant derrière lui un tas de cadavres de mosheurs ensanglantés victimes de leur saiya style percutant et incisif. Un groupe à voir prochainement en tête d’affiche au Divan du Monde le 23 janvier, et bien entendu au prochain Hellfest. Assurément un des groupes à suivre en 2015. OMEDETO FELLAZ !