Quand le Roi se déplace, ce n’est pas pour rien. Attendez-vous de lui qu’il hurle à tort et à travers ? Certainement pas. S’il se rend en personne sur le champ de bataille, ce n’est pas pour donner à ses troupes l’exemple d’un gesticulateur. Assis sur son trône, porté par ses serviteurs, il juge la situation d’un regard ample, donne quelques ordres sans élever la voix, puis, descend. Majestueusement, il dégaine alors une épée absolument et totalement gigantesque, et là, la bataille commence…
Dire que le deuxième album d’Ascension est maîtrisé, c’est comme dire que quand on s’approche tout près du soleil, on a chaud. C’est un euphémisme. Dire que dès la première écoute de cette œuvre, on sent, quoiqu’encore confusément, que l’on a devant soi une œuvre d’une amplitude infinie, c’est un peu dire que lorsqu’on se plonge nu dans l’océan arctique, il fait froid. Il est en effet impossible d’appréhender du premier coup la richesse, aussi sobre et sèche soit-elle, d’un album pareil. Combien de temps faudrait-il pour en saisir toutes les subtilités ? A vue de nez, je dirais qu’une infinité. Environ. Pour rendre la description un peu plus parlante, il faut que le lecteur s’imagine qu’à la fluidité et au caractère implacable d’Immortal, dont le groupe s’inspire bien souvent, notamment dans cette capacité à réaccélérer un tempo déjà rapide ("Death’s Golden Temple", "Deathless Light"), Ascension rajoute un large éventail de possibilités, qui fait de leur seconde réalisation un authentique chef-d’œuvre, et si les ingrédients, purement black metal ne surprendront personne, c’est bien la variété des tempos et des discrets arrangements qui peuvent prendre l’écouteur au dépourvu. Oh, il n’y a rien de quantique dans The Dead of the World, tout y est calculé et pensé dans les moindres détails, et il s’agit d’ailleurs peut-être de la parfaite antithèse du « nawak metal ».
Ascension se plaît à multiplier les passages lents et pesants, et opte souvent pour ne PAS commencer ses titres tambours battants, comme il est de coutume dans le monde du « trve » black ("The Silence of Abel", "Death’s Golden Temple", "Unlocking Tiamat", "Mortui Mundi" ). Il se trouve que les Maîtres allemands ont le temps, vous comprenez ? Le temps de démontrer leur maîtrise de tous les instruments, au gré des solos de guitare toujours pertinents et d’une basse audible (oui !), leur contrôle des ambiances, à coup de passages dissonants cinglants, aidés de-ci de-là par quelques nappes de claviers et autres gémissements suggestifs. Les morceaux dépassent tous les cinq minutes et chacun d’entre eux apportent leur pierre au monumental édifice. Le sommet de ce dernier est atteint avec "The Dark Tomb Shines", sorte d’aboutissement des efforts consentis, où le groupe utilise tout son arsenal, tout son savoir-faire en terme de changements de rythme, de création d’ambiance obscure et de force de percussion (le passage en blast est amené de manière impériale), avant que l’épique "Mortui Mundi", où le guitares s’expriment pleinement, ne referme ce superbe recueil sonore. Il est néanmoins impossible de résumer l’album à ces deux seuls titres tant tous les autres morceaux sont convaincants du début à la fin, de "Deathless Light" au début 100% Immortal à l’incantatoire "Unlockin Tiamat", en passant par le majestueux "Death’s Golden Temple". Tout est l’album est d’une cohérence infinie, un vrai régal pour les amateurs d’un black metal sûr de sa force.
A défaut de savoir si l’ascension spirituelle à laquelle semblent aspirer nos magiciens métalliques sera comblée ou non, on peut déjà affirmer que leur ascension musicale est un fait. Le groupe vient de livrer une gemme noire à la pureté cristalline difficilement égalable. The Dead of the World, les Morts du Monde, contient sept compositions absolument irréprochables techniquement parlant et d’une richesse époustouflante. Cet album a tout pour être un futur classique du metal noir, puissant et sans concession. Ces gars-là ont tout compris au black metal, en tout cas à mon sens. Messieurs, Your Dark Music Shines.