CHRONIQUE PAR ...
Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
16/20
LINE UP
-A.K.
(chant+guitare+claviers+programmation)
-G.
(chant)
-S.
(chant)
-N.
(batterie)
TRACKLIST
1) Lower Degree of God's Might
2) Hexenface
3) Le Rouge, le vide et le tordu
4) The End of Prostration
5) Pieces of a Drowned Motion
6) Deus Sive Musica
7) On est bien peu de chose
DISCOGRAPHIE
La solution est simple une fois qu’on l’a trouvée. « Bon sang, mais c’est bien sûr ! » aurait dit le commissaire Bourrel. Comment ai-je pu autant tarder à m’en rendre compte ? Il y avait tellement d’indices… D’abord Cioran, ensuite Françoise Hardy… mais les étiquettes ont la vie dure. De la même manière que le héros de J’irai cracher sur vos tombes était censé être blanc, Rebellion est censé être un album de metal…
Mais non. Impossible. Ce côté écorché vif, ces phrases chargées d’une lourde portée métaphysique, ce mal-être tellement palpable que c’en est douloureux. Non. Rebellion fait semblant d’être un album de metal, mais plus je l’écoute, plus je pense à tous ces amis que j’ai eus par le passé, et que j’ai encore dans une moindre mesure, amis au teint blême et aux yeux brillants, cherchant à tout prix un sens à la vie, tout en étant certain de ne jamais le découvrir. Rebellion utilise des sonorités métalliques et industrielles, mais il s’agit d’une œuvre batcave dans l’âme. Totalement batcave. "Deus Sive Musica" ne devrait s’écouter que dans un caveau transformé en lieu de rassemblement des chauves-souris entre "In the Flat Fields" et "Deathwish". D’aucuns diront que je délire, que Decline of the I ressemble fortement à Hypno5e, version black metal. En surface, c’est vrai. Les deux groupes parsèment leur musique de textes traitant de la mort, mais Acid Mist Tomorrow est une œuvre cohérente et empreinte d'un agnosticisme solide, Rebellion est en revanche un album fragmenté, morcelé, rongé de l’intérieur par le rat de la pochette, à tel point qu’il peut désarçonner. Il y a de quoi.
Musicalement, d’une part. L’album part dans beaucoup de directions à la fois. Le début « rock » d’ "Hexenface" évoque presque Marilyn Manson, les hurlements à vous glacer le sang dans "Le Rouge, le Vide et le Tordu" nous envoient du côté de Dictius Te Necare, tandis que la base indus de "The End of Prostration" peut faire penser à du vieux Treponem Pal. Oh évidemment, la base est un black urbain aux forts relents synthétiques, un peu à la manière de Spektr, autre enfant d’Agonia, mais tout de même, les variations d’un morceau à l’autre peuvent prendre au dépourvu plus d’un auditeur, quand ce ne sont pas directement les méandres à l’intérieur d’un même titre qui peuvent semer le doute dans la tête de celui qui l’écoute. L’exemple le plus frappant est le tortueux et magistral "Deus Sive Musica" qui s’offre le luxe de nous glisser en pleine séance de beats électro durs à digérer quelques riffs francs du collier et quelques samples qu’on pourrait croire sortis d’un des premiers Mortiis…
Émotionnellement d’autre part, tant l’album suinte le questionnement et l’angoisse métaphysique. Rebellion tient du miroir éclaté, mais s’il ne perd pas totalement son unité, c’est à ce sentiment de malaise permanent, non empreint d’une certaine délicatesse (les silences d’ "Hexenface" sont autant de battements de cœurs) qu’il le doit. Il y règne une ambiance spéciale et difficile à décrire, propre d'un film français en noir et blanc, une sorte de Belphégor déjanté et métaphysique (le premier qui parle du groupe autrichien sort immédiatement !), où les acteurs sauraient nous faire partager leurs états d’âmes en toute sincérité et toute impudeur. Une ambiance prenante et touchante, absolument pas propre d’un album de metal, la preuve définitive étant le choix de la clôture de Rebellion. La version de "Mon Amie la Rose" qu’interprète Decline of the I est convaincante. Le demi-sourire que peut faire naître l’évocation de l’ex compagne de Jacques Dutronc, pas très dark a priori, se tord bien vite, et la sensation d’angoisse monte, sans que le fait que l’album se termine la fasse redescendre.
Que le metal « cinématographique » rebute, c’est concevable, mais celui qui qualifiera Rebellion d’œuvre snobinarde parisienne sera de mauvaise foi. Rarement un groupe affilié au genre métallique se sera tant épanché que sur cet album. Le deuxième effort (c’est le mot !) des Parisiens a hérité du mal-être des Virgin Prunes, Christian Death et autres déséquilibrés d’une génération disparue, même si musicalement parlant, on reste dans un mélange black indus imprégné de culture française n’ayant pas grand-chose à voir avec la vieille scène goth. Rebellion est troublant et mon amie la rose est morte ce matin.