Lordiversity : la monstrueuse offrande de Lordi



UN DOSSIER DE...


Mise en ligne le 04 mai 2022

 


La chronique



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Le confinement imposé en raison de la pandémie de Covid a engendré bon nombre de projets de la part d'artistes privés de concerts en public et de répétitions en bande. Loufoques, déprimées, opportunistes, gênantes, éphémères, on a eu droit à toutes sortes de prestations, souvent étonnantes mais, il faut le reconnaître, rarement passionnantes. Pourtant, des spécimens encore plus atteints que les autres se sont particulièrement distingués. Lordi, les monstres pas très gentils mais pas bien méchants non plus, ont en effet profité de l'arrêt des tournées pour sortir pas moins de sept albums. D'un coup.

L'objectif de cette entreprise ahurissante ? Donner une suite à Killection, dixième LP publié en 2020 consistant en une compilation fictive retraçant l'évolution du groupe à des époques où celui-ci n'existait pas encore. Plutôt que bricoler un Killection II- Le Retour qui aurait senti le réchauffé, le leader et compositeur principal Mr Lordi a tiré avantage de ce qu'il devait être le seul à considérer comme une aubaine pour développer l'expérience dans des proportions démesurées. Et encore, l'énergumène avait prévu dix albums suite aux cent-trente-six chansons qu'il avait écrites à l'été 2020 ! La maison de disques a calmé les ardeurs du forcené et mis en circulation un coffret intitulé Lordiversity dans la tradition calembouresque de la section de Rovaniemi. L'objet paraît fin 2021 et regroupe les sept longs-jeux, chacun d'entre eux étant conçu afin de représenter une période et un style précis – quelques titres de Killection, qui reposait sur le même postulat, y ont d'ailleurs été insérés.

L'effarement passé, la curiosité prend le dessus et la question inévitable surgit : que vaut le matériel ? Lordi façonne à peu près le même produit depuis une petite vingtaine d'années, jamais mauvais mais pas vraiment transcendant non plus : l'intérêt est d'autant plus vif de savoir ce qu'a bien pu produire au format XXXXXXXL ce collectif monomaniaque usinant un hard rock vigoureux et mélodique qui n'a que très peu évolué depuis ses débuts. Sur la forme, le but est à peu près atteint. Si chaque recueil a sa propre ambiance, une certaine cohérence demeure, due à la fois à un son homogène et au chant éraillé de Mr Lordi (lui emploie le terme de « pourri » - qui sommes-nous pour le contredire ?). Abracadaver et Spooky Sextravaganza Spectacular constituent les deux enregistrements les plus éloignés de l'univers de Lordi, musicalement tout du moins car niveau climat, ils clapotent dans l'usuel marigot comico-horrifique de la troupe costumée.

Abracadaver, censé être un brûlot thrash metal paru en 1991, relève avant tout de l'exercice de style, Mr Lordi admettant volontiers ne pas être un thrasher dans l'âme et être venu au genre incarné par Slayer avec le Painkiller de Judas Priest - par la bande donc. L'agressivité et le tranchant ne sont pas tout à fait rendez-vous, on est loin de Vio-lence et plus proche d'une imitation acceptable du Black Album de Metallica – le break à la basse et le solo wah-wah de "Beast of Both Worlds" fait fortement songer à "Holier than Thou" – auquel sont mêlés quelques relents de Pantera pour l'aspect groovy et Megadeth (pas uniquement pour le chant controversé). Lordi a tendance à rogner sur la mélodie afin de gagner en puissance, à rebours de ses dispositions pour les refrains accrocheurs. Celui de la chanson-titre étant plus soigné que les autres, cette dernière se détache avantageusement du lot.

Le même constat du cahier des charges pas complètement respecté pour un résultat honnête sans être inoubliable peut être dressé à l'écoute de Spooky Sextravaganza Spectacular, supposément de l'indus metal de 1995 qui rappelle moins les darons Ministry et Nine Inch Nails que leur ersatz balourd Rob Zombie, voire KMFDM quand ça fait mine de s'énerver. Le problème est que faute de thèmes marquants, la tentative vire la plupart du temps au pastiche. À l'opposé des attaques frontales à la Fear Factory, ce sont les occurrences les plus mélodiques évoquant la synthpop à la S.P.O.C.K. - une boîte à rythmes et peu de guitares - qui fonctionnent le mieux, telle la sympathique "Terror Extra-Terrestrial".

La réalisation laisse une impression pas désagréable mais mitigée, à l'instar de The Masterbeast from the Moon, l'essai rock prog daté de 1981 selon leurs auteurs, ce qui n'est guère encourageant puisque le début des années quatre-vingt n'était pas un moment faste pour le genre, à moins de considérer le Rush standardisé et le Genesis pour bande FM comme références. Il convient de noter cependant le soin apporté au concept de cette épopée futuriste engageant l'avenir de la race humaine que l'on croirait adaptée d'une bande dessinée de Druillet ou Jodorowski – les "SGC" (pour Scarctic Circle Gathering), pastilles narratives jalonnant la discographie des Nordiques, sont ici superbement inquiétantes. Peu enclin à bâtir des compositions complexes propres au rock progressif, Lordi délaie des motifs qui perdent fatalement en impact et compense avec force arrangements, comme sur "Church of Succubus", titre de près de douze minutes dont la longue séquence liminaire dominée par le piano fait penser à "November Rain" des Guns N' Roses. Les chœurs sur le refrain sont soignés mais l'accélération lorsque arrive le break ne suffit pas à enclencher l'emballement attendu et la tension finit par s'étioler. Bizarrement - ou pas - lorsque le maître de cérémonie laisse tomber les boursouflures pour chercher l'efficacité d'un gimmick mange-synapses, sur le rigolo "Robots Alive!" par exemple, ça devient beaucoup plus réjouissant.
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Le semi ratage de Skelectric Dinosaur, annoncé comme du hard rock circa 1975, est plus surprenant de la part de ce très grand fan de Kiss. Les ingrédients y sont : riffs big rock seventies, piano en soutien, solo mélodique à la cool, intonations façon Stanley/ Simmons (un peu d'Alice Cooper séducteur à la Billion Dollar Babies, aussi), Tomi Petteri Putaansuu, ancien président de la Kiss Army finlandaise, se fait plaisir. Pourtant, les refrains impriment peu et les couplets font surtout office de remplissage, hormis sur "The Tragedy Of Annie Mae", d'une belle intensité. Une occasion manquée de rendre un hommage digne de ce nom à ses idoles, comme si le disciple n'avait osé véritablement s'y confronter.

Sur Abusement Park, les chantres du metal eighties réactualisé se mettent dans leurs chaussons à griffes taille soixante-douze, promettant Twisted Sister, Accept, W.A.S.P. ou encore Scorpions. "Carrousel" valide la ballade typique des derniers nommés, sans toutefois éviter les clichés (ces arpèges nunuches...). Heureusement, le refrain percutant ressemble à celui d'"Adrenaline" de H.E.A.T et le solo est plutôt bon. Ce qui à quelques incursions old-school près – le mid tempo kissien (décidément) de "Nasty, Wild & Naughty", l'introduction à la "One Step Closer" d'Asia sur "Rollercoaster" - aurait pu passer pour une émanation habituelle de Lordi, confirme un savoir-faire éprouvé, dans les deux sens du terme. "House Of Mirrors", "Pinball Machine" voire "Grrr!", d'où surgit une imitation de... Chewbacca sont franchement poussives et conforteront ceux qui estiment que les vilains Casimirs ont déjà tout dit depuis longtemps, tandis que "Up To No Good", dont le riff est un décalque à peine retouché de "Look that Kills" de Mötley Crüe ainsi que la Christmas Song sanglante "Merry Blah Blah Blah" respirent le travail accompli dans la bonne humeur. "Abusement Park" ressort davantage en vertu de son allure enlevée et son refrain à reprendre à tue-tête, souligné par un judicieux apport féminin.

Soit le schéma applicable aux meilleurs titres de Superflytrap, la saillie disco des affreux. La présence vocale affirmée de Josefin Silén, chanteuse en pause forcée des comédies musicales auxquelles elle participe quand l'isolement sanitaire n'est pas la norme, offre un contre-feu salvateur aux éructations infectées du frontman, qui l'emportent malheureusement lorsque le rythme baisse - la mélancolique "Cinder Ghost Choir" est un massacre. En revanche, les morceaux plus rapides, dopés par la choriste en free lance, donnent une forte envie de tester son déhanché. Ok, ça reste du « disco blanc » à la Abba – "Macho Freak" a des airs de "Gimme Gimme Gimme" – les feulements suggestifs de Donna Summer ne sont donc pas de la partie. Mais la volonté évidente d'instaurer une atmosphère joyeuse se concrétise sur les euphorisants "Believe me" et "Zombimbo" (Lordi n'a jamais reculé devant un jeu de mot facile). En plus, le "SCG" parodiant les dialogues d'un film X est très drôle.

Celui qui lance Humanimals façon téléprédicateur l'est tout autant. Prétexte à une plongée dans le hair metal et l'AOR des eighties, l'œuvre témoigne de l'aptitude préservée de Lordi à forger des rengaines qui s'incrustent durablement dans le cerveau, dont "Girl in a Suitcase", formidable pastiche d'un hit de Toto qui bénéficie de LA bonne idée : la mise en avant des chœurs féminins. Quel miel pour les oreilles ! Plusieurs pistes sont valorisées par ce procédé, en particulier "Heart of a Lion", délectable écho du "Jump" de Van Halen. "Bee to the Honey", qui figurait déjà sur "Killection" et offert à Lordi par Paul Stanley de Kiss, ne déclenche pas la même félicité mais se défend honorablement, boosté par un solo de saxophone de Michael Monroe – oui, l'ex-Hanoi Rocks en personne. Et puis il y LE tube. Brillant d'une lumière spéciale, celle propre aux « instant classics », "Borderline" est une pure pépite et justifie à lui seul d'avoir monté toute cette affaire d'archives apocryphes. Il s'agit bien entendu du meilleur titre composé à ce jour par Lordi. Ironiquement, cette succulence aura émergé grâce à un pas de côté qui n'aurait sans doute jamais été effectué si une saloperie de virus n'avait poussé l'humanité à revoir son agenda de fond en comble.

Le pari insensé a été tenu : sept albums dans sept styles différents, créés pendant la même session. Comme il fallait le prévoir compte tenu de la quantité proposée, le résultat se révèle inégal, le quintet étant logiquement moins à l'aise lorsqu'il s'éloigne de sa zone de confort, ce hard rock mélodique qu'il lime depuis deux décennies. Si certaines productions s'apparentent à des auto-commandes exécutées avec application, d'autres sont de vraies réussites - mention spéciale à l'exquis Humanimals, plus « vintage » qu'à l'accoutumée. Bonne nouvelle : Lordi a déclaré que ce dernier avait désormais le son le plus parfait de son répertoire, laissant planer l'espoir d'une carrière relancée et de la fin du ronronnement auquel les héritiers de Kiss semblaient avoir condamné leur public. En attendant, les fans autant que les curieux ont de quoi se rassasier avec cette livraison pantagruélique et peuvent se réjouir : le gang des dingos déguisés ne s'est pas moqué d'eux.








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